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Partitions de Berlioz

Symphonie Funèbre et Triomphale (H 80)

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Présentation
La commande de 1840
La symphonie
Les trois mouvements de la symphonie
Exécutions
Les partitions

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Présentation

    Plusieurs des grandes œuvres de Berlioz ont été conçues bien des années avant leur composition: Les Troyens, que Berlioz commence à composer en 1856, représentent l’aboutissement à long terme d’un rêve qui hantait le compositeur dès son enfance, quand son père lui apprenait le latin en lui faisant lire l’Énéide de Virgile. Le Requiem de 1837 remonte en partie à la Messe solennelle de 1825, et en partie au projet d’un oratorio sur Le Dernier jour du monde qu’il conçoit au cours de son séjour en Italie (H 61). La Damnation de Faust de 1846 a pour point de départ les précoces Huit scènes de Faust de 1828. De même la dernière symphonie de Berlioz, la Symphonie funèbre et triomphale de 1840 a ses antécédents, en partie dans un projet pour une symphonie militaire sur le retour d’Italie de l’armée de Napoléon, que Berlioz conçoit en 1832 sur le chemin du retour d’Italie en France (H 62), et en partie sur un projet de 1835 pour une grande Fête musicale funèbre à la mémoire des hommes illustres de la France sur lequel Berlioz avait commencé à travailler sérieusement, puis avait mis de côté (H 72). Le projet est connu uniquement à partir de quelques brèves allusions dans des lettres de Berlioz datant d’avril à août 1835; Ii n’en est pas question dans les Mémoires et les autres écrits de Berlioz. Voici les extraits de la correspondance de Berlioz qui concernent ce projet:

À Humbert Ferrand (CG no. 429; 15 avril 1835):

Je vais faire cet été une troisième symphonie sur un plan nouveau; je voudrais bien pouvoir y travailler librement.

À son père Louis Berlioz (CG no. 435; 6 mai 1835):

Je vais travailler beaucoup cet été au nouvel ouvrage que je rumine, mais il est d’une telle étendue qu’il y a lieu de craindre qu’il ne soit pas prêt pour mes concerts de l’hiver prochain.

À sa sœur Adèle (CG no. 439; 2 août 1835):

Pour moi, le temps aujourd’hui, c’est de l’argent; et l’argent que je gagne c’est notre vie à toute la famille; tellement que faute d’avoir assez d’avances pour attendre quelques mois je suis dans l’impossibilité absolue de travailler à une vaste composition musicale que j’ai commencée et dont j’attends beaucoup.

À Humbert Ferrand (CG no. 440; 23 août 1835):

Avec tout cela, j’ai à combattre l’horreur de ma position musicale; je ne puis trouver le temps de composer. J’ai commencé un immense ouvrage intitulé: Fête musicale funèbre à la mémoire des hommes illustres de la France; j’ai déjà fait deux morceaux, il y en aura sept. Tout serait fini depuis longtemps si j’avais eu seulement un mois pour y travailler exclusivement; mais je ne puis disposer d’un seul jour en ce moment sous peine de manquer du nécessaire peu de temps après.

    Malgré leur brièveté ces allusions définissent au moins le caractère de l’ouvrage projeté. Il s’agissait d’une œuvre à grande échelle, comprenant pas moins de 7 mouvements en tout, d’un caractère solennel apte à une cérémonie, dédiée à la mémoire des grands hommes de la France, et par conséquent convenable pour une grande manifestation publique. On ne sait quels étaient les deux mouvements terminés, ni ce qu’étaient les cinq autres. Mais il est vraisemblable qu’une partie de cette musique, écrite ou simplement esquissée, a fait jour dans des compositions ultérieures d’un même caractère. Ceci s’applique à la cantate sur la mort de Napoléon, terminée à la fin de 1835 mais commencée déjà plusieurs années aupravant (Le Cinq mai; H 74), et à la Symphonie funèbre et triomphale de 1840. On relèvera cependant que dans son récit de la composition de cet ouvrage (Mémoires, chapitre 50) Berlioz est muet sur l’utilisation éventuelle de musique composée antérieurement, et donne l’impression que tout l’ouvrage a été composé à ce moment.

La commande de 1840

    Selon le récit de Berlioz qu’on vient de mentionner, la commande pour la composition de l’ouvrage qui allait devenir la Symphonie funèbre et triomphale fut faite par le gouvernement franais à l’approche du dixième anniversaire du soulèvement de juillet 1830. Pour célébrer l’événement une cérémonie publique devait avoir lieu le 28 juillet 1840, au cours de laquelle les restes des victimes du soulèvement seraient transférés dans une procession solennelle pour être enterrés au monument à la Place de la Bastille, la Colonne de Juillet dont la construction venait dêtre achevée. Berlioz laisse entendre que la commande vint peu avant cette cérémonie. On a parfois avancé que le projet avait été évoqué plus tôt dans l’année, au printemps ( CG II p. 638 n. 1; David Cairns, Berlioz tome II [2002], p. 225). Mais le texte cité par CG, une lettre de Berlioz du 3 avril (CG no. 710), concerne un projet d’exécution par Berlioz au Panthéon de musique non précisée et ne semble pas avoir de rapport évident avec la cérémonie de juillet. Le premier témoignage clair de la commande est une annonce dans la Revue et gazette musicale de Paris du 7 juin 1840, journal avec lequel Berlioz des liens étroits, qu’on avait confié à Berlioz la composition de musique funèbre qui serait exécutée à la cérémonie du 28 juillet par 400 musiciens marchant dans les rues de Paris (texte cité par Peter Bloom, Mémoires d’Hector Berlioz de 1803 à 1865 (2019), p. 467 n. 1). Il existe plusieurs lettres émanant du Ministère de l’Intérieur se rapportant à cette commande, dont voici des extraits:

Le Ministre de l’Intérieur à Berlioz (CG no. 717; 11 juillet 1840):

Monsieur, j’ai l’honneur de vous informer que je vous ai chargé de la composition d’une marche funèbre pour la translation des restes des combattants de Juillet et d’un autre morceau de musique qui sera exécuté pendant que leurs cercueils seront descendus dans les caveaux.
Vous dirigerez vous-même l’exécution de ces deux morceaux.
Veuillez passer à la direction des Beaux-Arts pour régulariser la soumission nécessaire pour les dépenses d’exécution.

Edmond Cavé, pour le Ministère de l’Intérieur, à Berlioz (CG no. 720; 29 juillet):

Mon cher Berlioz, votre musique est belle, très belle, elle a eu plein succès: tous les connaisseurs ont admiré votre style large et élevé, c’est franc, neuf et beau, donc c’est bien. Vos envieux eux-mêmes l’avouent.
Le ministre est très satisfait. Il m’a chargé de vous complimenter jusqu’à ce qu’il puisse le faire lui-même. Il a un regret, celui de n’avoir pu entendre jusqu’au bout votre dernier morceau devant la colonne.

Le Ministre de l’Intérieur à Berlioz (CG no. 722; 31 juillet):

M. les nouvelles preuves de talent que vous avez données dans la composition des morceaux de musique exécutés sous votre direction pendant la cérémonie funèbre du 28 courant ont puissamment contribué à l’éclat de la célébration du 10e anniversaire des journées de Juillet 1830.
C’est un besoin pour moi, Monsieur, de vous en témoigner ma satisfaction et de vous féliciter d’un succès qui ne peut qu’ajouter à votre réputation d’habile compositeur.

    Ces lettres méritent quelques mots de commentaire. En premier lieu, la commande était connue du public dans les premiers jours de juin au plus tard, mais la lettre officielle confirmant cette commande vint très tard, le 11 juillet, un peu plus de deux semaines avant la cérémonie qui devait avoir lieu le 28 juillet. Mais d’un autre côté les lettres de remerciements ne se firent pas attendre, le lendemain de la cérémonie et de nouveau deux jours plus tard. On peut s’interroger sur la sincérité des compliments et remerciements officiels, mais en ce qui concerne les formalités administratives, Berlioz pouvait pour une fois se déclarer satisfait de la manière dont il avait été traité par les pouvoirs publics (on pourra comparer son récit de l’histoire du Requiem dans ses Mémoires, chapitre 46). Qui plus est, Berlioz présente le Ministre de l’Intérieur, Charles de Rémusat, qui lui avait commandé la musique pour la cérémonie, comme une exception à la règle: tout politique qu’il était, il aimait la musique! Mais quelques années plus tard, dans ses propres mémoires, Charles de Rémusat ironisait sur le récit de Berlioz et tint à déclarer sans ambages qu’en ce qui concerne son prétendu amour pour la musique, ce n’était que pure fiction...

    Selon Berlioz, ce que M. de Rémusat lui avait commandé en 1840 c’était la Symphonie funèbre et triomphale, ce qui n’est pas tout à fait exact. Selon la lettre officielle (CG no. 717), ce que le Ministre avait commandé n’était pas une symphonie, mais deux morceaux de musique: une marche funèbre et un autre morceau (de caractère non précisé), qui serait exécuté pendant la descente des cercueils dans les caveaux devant la Colonne de Juillet. Soit deux morceaux de musique, et non tous les trois mouvements de la symphonie telle que Berlioz l’écrivit. La marche funèbre forme le premier mouvement de la symphonie, et le second morceau devint le troisième mouvement, l’Apothéose. Mais entre les deux morceaux Berlioz y inséra l’actuel deuxième mouvement, l’Oraison funèbre pour solo de trombone et instruments à vent, qui forme en quelque sorte une transition consolatrice entre les premier et dernier mouvements, et fait de l’ensemble une symphonie équilibrée, avec trois mouvements contrastés et une progression à partir du deuil initial jusqu’au triomphe concluant. Ceci soulève la question de quelle musique fut en fait exécutée au cours de la cérémonie publique du 28 juillet, quand la bande d’instruments à vent et de cuivre parcourait à pied les rues de Paris, sous la direction de Berlioz, qui marchait à reculons pour être visible de ses instrumentistes. On suppose souvent mais sans le préciser que tous les trois mouvements de la symphonie furent exécutés, l’un à la suite des autres, tels qu’ils se trouvent dans la partition. David Cairns affirme qu’à la Place de la Bastille, où la bande d’instrumentistes s’arrêta après avoir parcouru les rues de Paris, le deuxième mouvement (l’Oraison funèbre) fut exécuté, mais en l’occurrence la musique fut submergée par le vacarme des tambours de la Garde Nationale en retraite (David Cairns, Berlioz tome II, p. 227). Nous n’avons pas connaissance d’aucun témoignage attestant l’exécution de l’Oraison funèbre à la Place de la Bastille (ou encore moins dans les rues de Paris). C’était peut-être l’intention première de Berlioz (voir le second paragraphe du chapitre 50 des Mémoires), mais il est difficile de se représenter la scène, et l’hypothèse soulève plusieurs objections pratiques.

   En premier lieu, même si l’Oraison funèbre a été exécutée à la Place de la Bastille, il est très peu probable qu’elle l’ait été au cours des heures de marche à travers les rues de Paris. Il était possible à Berlioz de maintenir l’ensemble avec les premier et dernier mouvements, comme chacun se déroule sur un tempo unique et un rythme régulier, soutenu sans pauses pendant toute la durée de chaque mouvement. Mais le deuxième mouvement comporte plusieurs pauses et n’a pas de tempo unique pour le mouvement dans son ensemble. Il commence avec un récitatif du trombone solo (mesures 1-39), qui mène à un andantino en 3/4 (mesures 40-58), qui mène ensuite à un autre andantino en 4/4 (mesures 59-109), et aboutit directement dans le final. Il est difficile d’imaginer comment ce morceau, avec toutes ses fluctuations de tempo et de rythme, pouvait être joué par une grande formation d’instruments à vent et de cuivre en marche, et comment le chef d’orchestre aurait pu communiquer clairement à ses instrumentistes les nombreux changements de tempo et maintenir l’ensemble parmi ses nombreux exécutants. On peut aussi se demander comment il aurait été possible de minuter avec précision l’exécution répétée de la musique à travers les rues de Paris, et l’arrivée à la Place de la Bastille (selon Berlioz la Marche Funèbre et l’Apothéose furent jouées chacune six fois en tout au cours de la procession).

    En deuxième lieu, les récits que Berlioz donne de l’exécution dans les rues de Paris, dans la lettre à son père deux jours après l’événement (CG no. 721), et dans les Mémoires des années plus tard (chapitre 50), ne font aucune mention de l’Oraison funèbre, mais seulement des premier et dernier mouvements, la Marche funèbre et l’Apothéose, chacune jouée plusieurs fois de suite l’une après l’autre dans les rues de Paris.

    Nous penchons donc pour l’hypothèse que seuls ces deux mouvements ont été exécutés dans la cérémonie en plein air du 28 juillet, et ces deux mouvements étaient ceux qui avaient fait l’objet de la commande du Ministre de l’Intérieur. Berlioz aurait donc réservé l’exécution de la symphonie complète en trois mouvements pour le concert en local fermé à la Salle Vivienne le 26 juillet, qui sera répété le 7 et 14 août. On pourrait ajouter, qu’outre les difficultés pratiques et les risques d’une exécution du deuxième mouvement dans une cérémonie en plein air et en marche, il semble peu vraisemblable que Berlioz aurait pris la liberté d’ajouter à la cérémonie publique un mouvement qui ne faisait pas partie explicitement de la commande du Ministre.

    Dans son chapitre sur les origines et les premières exécutions de l’ouvrage Berlioz l’appelle dès le début Symphonie funèbre et triomphale (chapter 50). Mais comme sa correspondance le montre, il a commencé par la nommer Symphonie militaire, et ses correspondants lui donnent aussi le même nom (CG nos. 725, 726, 727). En 1841 ou au début de 1842 il revoit son ouvrage et ajoute un orchestre de cordes au dernier mouvement. Dans cette version revue l’ouvrage est exécuté pour la première fois le 1er et 15 février 1842, de nouveau à la Salle Vivienne, mais Berlioz le nomme toujours Symphonie militaire (CG no. 765). Plus tard cette même année il ajoute un chœur au dernier mouvement, sur des paroles d’Antoni Deschamps (texte transcrit ci-dessous); cette dernière version, définitive, est exécutée intégralement pour la première fois à l’Opéra le 7 novembre 1842, et cette fois Berlioz la nomme Symphonie funèbre (CG nos. 787, 789). Le titre complet, Grande symphonie funèbre et triomphale, apparait dans une lettre de novembre 1843 (CG no. 860), et c’est le titre de la grande partition imprimée qui est publiée en 1844. L’ouvrage est dédié au Duc dOrléans (cf. CG nos. 723, 724).

La symphonie

    Berlioz ne se répète jamais: sa quatrième et dernière symphonie diffère beaucoup des trois précédentes. Œuvre destinée à l’origine à une grande cérémonie publique de caractère militaire, l’idée en était venue à Berlioz plusieurs années auparavant, en 1832 et de nouveau en 1835. Cette conception déterminait le choix des effectifs musicaux déployés, essentiellement une grande formation d’instruments à vent et de cuivre, dans laquelle les instruments à cordes ne figuraient pas au départ. Même après que Berlioz eut ajouté un orchestre à cordes au dernier mouvement, ceci ne modifiait pas fondamentalement la sonorité et le caractère de l’œuvre, puisque les cordes ne sont introduites que peu à peu pour renforcer la sonorité de l’ensemble (dans ce mouvement il n’y a pas de passages pour les cordes seules, où elles seraient mises en opposition et contrastées avec la masse des instruments à vent et de cuivre). La symphonie est écrite dans un style large, brossée à grands traits, avec des mélodies à long souffle et des tempi lents dans les deux premiers mouvements. Même l’Apothéose ne se déroule pas dans un mouvement vif et pressé, mais a plutôt le caractère d’un défilé d’action de grâces. Le rôle du chœur est simple et direct, sans la variété et les combinaisons complexes qu’on trouve dans Roméo et Juliette. Autre différence: dans les trois premières syphonies, on reconnaît sous une forme ou une autre le scherzo de la symphonie beethovénienne, mais dans la Symphonie funèbre toute forme de scherzo aurait été hors de propos, et la symphonie est réduite par conséquent à trois mouvements seulement.

Les trois mouvements de la symphonie

I: Marche Funèbre
II:
Oraison Funèbre
III: Apothéose
(première et deuxième versions)

    Le premier mouvement, l’une des conceptions symphoniques les plus grandioses du compositeur, est une vaste marche funèbre, classique dans sa forme (forme sonate) et remarquable notamment par l’ampleur de son souffle mélodique. On reconnaît dans ce mouvement l’influence de Beethoven, dans la marche funèbre de la Symphonie héroïque.
    La partition comporte des parties non obligées pour contre-basson, trombone basse, violoncelles et contrebasses. Seules les parties pour contre-basson et trombone basse ont été retenues ici.
    Il est surprenant qu’avec une exception la partition ne comporte pas d’indications de métronome, et il y a de fortes divergences de tempo entre différentes interprétations modernes. Dans cette version le tempo du premier mouvement a été fixé à noire = 80. Ce choix répond à deux considérations: d’une part il faut un tempo unique pour le mouvement dans son ensemble, d’autre part ce tempo, bien que lent, doit être capable de propulser ce long mouvement d’un bout à l’autre sans traîner.

    Le second mouvement prend la forme d’un récitatif et air sans paroles où un trombone solo dialogue avec le reste de l’orchestre. Dans ce mouvement ainsi que dans d’autres œuvres Berlioz adapte l’idée du récitatif instrumental de Beethoven (par exemple le début du dernier mouvement de la neuvième symphonie). Ce morceau utilise de la musique tirée de l’opéra de jeunesse de Berlioz, Les Francs Juges (H 23): un exemple parmi d’autres de l’habileté de Berlioz dans l’adaptation à des fins instrumentales de musique écrite à l’origine pour les voix. D’autres exemples sont la Rêverie et caprice pour violon et orchestre et l’ouverture du Carnaval romain.
    La partition ne comporte pour ce mouvement qu’une seule indication de métronome, pour l’Andantino poco lento e sostenuto (noire = 72). Dans cette version l’Adagio non tanto et l’Andantino ont été fixés respectivement à noire = 58 et noire = 63.

    Le troisième mouvement suit sans interruption le mouvement précédent. Par la commodité de l’auditeur on a présenté ici ces deux mouvements dans deux versions (1) en un seul fichier comme un seul mouvement continu (2) comme deux mouvements séparés en deux fichiers. Dans ce dernier cas l’auditeur devra se rappeler que dans l’original le dernier accord du deuxième mouvement (en sol majeur) est aussi le premier du troisième mouvement, où la tonalité s’oriente tout de suite vers si bémol; cette dernière version du troisième mouvement est donc écourtée d’une mesure.
   En outre deux versions de ce mouvement sont présentées ici:
    1. Dans la première version on n’a pas retenu les parties pour cordes et chœur: on  peut ainsi se faire une idée de la première version de 1840 avant que Berlioz y ajouta en 1842 des parties (non obligées) de cordes et le chœur.
    2. Dans la deuxième version les cordes et le chœur on été ajoutés. Cette version est présentée ici sous toute réserve. Le système Midi ne peut bien entendu reproduire les paroles, et le chœur est de toute façon peu audible ici au-dessus de la masse instrumentale, ce qui trahit l’effet réél de son entrée au concert. D’autre part le grand nombre de parties nécessite l’utilisation d’une police de petit format qui rend la mise en page assez surchargée et peu lisible sauf sur un écran de grande taille. Pour cette raison on a transcrit ci-dessous le texte des paroles chantées par le chœur.
    Ici encore Berlioz ne donne aucune indication de métronome pour ce mouvement; dans ces deux versions le tempo a été fixé à noire = 112, nettement plus lent que la Marche troyenne qui pourrait paraître comparable, mais qui est en fait d’un caractère beaucoup plus pressant (le tempo de la Marche troyenne est donné par Berlioz comme noire = 138).
    Le “pavillon chinois” que Berlioz utilise dans ce mouvement est un instrument à percussion d’origine turque, muni de nombreux clochetons et fort usité dans les orchestres militaires de l’époque (Berlioz l’évoque brièvement dans son Traité d’instrumentation). Il n’existe bien entendu pas d’équivalent Midi exact; on a substitué ici le triangle.

    Paroles d’Antoni Deschamps:

Gloire! Gloire et triomphe à ces Héros!
Gloire et triomphe!
Venez, élus de l’autre vie!
Changez, nobles guerriers,
Tous vos lauriers
Pour des palmes immortelles!
Suivez les Séraphins,
Soldats divins
Dans les plaines éternelles!
A leurs chœurs infinis
Soyez unis!
Anges radieux,
Harmonieux,
Brûlants comme eux,
Entrez, sublimes
Victimes!
Gloire et triomphe à ces Héros!
Ils sont tombés aux champs de la Patrie!
Gloire et respect à leurs tombeaux!

Exécutions

    Œuvre d’un caractère spécial, écrite à l’origine pour une grande cérémonie publique et faisant appel à des effectifs importants, la Symphonie funèbre et triomphale est exécutée moins souvent que les trois autres symphonies, et c’était déjà le cas à l’époque de Berlioz. Ce qui ne veut pas dire qu’elle mérite l’attention du public moins que les trois autres: elle est en son genre un chef d’œuvre au même titre. Il vaut la peine de citer ici l’opinion de nul autre que Richard Wagner, qui avait entendu l’ouvrage à Paris en 1840. Dans un article qu’il écrivit pour le Dresdner Abendzeitung du 5 mai 1842 il dit de cette symphonie:

Je n’aurais vraiment nulle répugnance à donner le pas à cette composition sur les autres œuvres de Berlioz: elle est noble et grande de la première à la dernière note…; un sublime enthousiasme patriotique, qui s’élève du ton de la déploration aux plus hauts sommets de l’apothéose, garde cette œuvre de toute exaltation malsaine. [...] Je dois exprimer avec joie ma conviction que cette Symphonie durera et exaltera les courages, tant que durera une nation portant le nom de France.

    Avec sa vaste expérience de la pratique de la musique, Berlioz estimait que pour faire son plein effet, toute musique devait être exécutée dans un local clos doué d’une bonne acoustique: salle de concert, théâtre lyrique, église. Pour lui, la musique en plein air ‘n’existait pas’, point de vue qu’il exprime souvent dans ses écrits, comme par exemple dans un article dans le Journal des Débats du 1er avril 1845, qui traite précisément de la question de comment les bandes militaires, qui par définition devaient souvent jouer en plein air, pouvaient se faire entendre. La commande qu’il reçoit du gouvernement français en 1840, pour une musique destinée à une cérémonie publique dans les rues de Paris, fait donc difficulté pour lui; comme on l’a vu ci-dessus, il la résout en organisant une exécution publique (la répétition générale du 26 juillet à la Salle Vivienne), qui aurait lieu avant l’exécution en plein air de la cérémonie du 28 juillet. Le public pourrait ainsi bien entendre l’ouvrage et s’en faire une idée juste, quoiqu’il arrive à la cérémonie publique: sage précaution, à en juger par tous les obstacles que rencontre l’exécution en plein air, selon le récit de Berlioz. L’exécution en salle close a un tel succès qu’elle est redonnée à deux reprises le mois suivant (7 et 14 août 1840; CG no. 730). Deux ans plus tard, le 1er et 15 février 1842, l’ouvrage est exécuté de nouveau intégralement, encore à la Salle Vivienne, mais cette fois avec l’addition au dernier mouvement d’un orchestre à cordes en plus des instruments à vent et de cuivre (CG no. 765). Plus tard cette même année Berlioz ajoute en plus un chœur au dernier mouvement, sur des paroles d’Antoni Deschamps; cette version est exécutée pour la première fois à Bruxelles le 26 septembre 1842 au cours de la première visite de Berlioz en Belgique, et la symphonie dans sa version définitive est exécutée intégralement avec chœur le 7 novembre 1842 à l’Opéra, sous la double direction de Berlioz et de Habeneck (CG nos. 787 et 789).

    Ces exécutions de 1842 seront en l’occurrence les dernières de la symphonie intégrale du vivant de Berlioz, à Paris ou ailleurs. Par la suite seul le dernier mouvement (III, l’Apothéose) fera l’objet d’un certain nombre d’exécutions, avec ou sans chœur, d’ordinaire seul, mais parfois précédé du second mouvement (II, l’Oraison funèbre). Le premier mouvement, la Marche funèbre, du point de vue musical sans doute le meilleur de toute la symphonie, ne sera jamais exécuté seul; long et d’une teinte sombre, il devait sans doute paraître peu convenable pour figurer au programme d’un concert ordinaire, alors que l’entraînante Apothéose avait toujours du succès avec le public. Voici une liste des exécutions connues du vivant de Berlioz après 1842.

Exécutions à Paris

1843: 19 novembre (II-III, sans chœur; CG nos. 860, 866, 867, 868)
1844: 6 avril, à l’Opéra-Comique (III, CG no. 892); 1er août, Festival de l’Industrie (II-III, avec chœur)
1846: 24 juillet, Hippodrome (III, sans chœur; dirigé par Tilmant)
1855: 15, 16, 24 novembre, Palais de l’Industrie (III, sans chœur; Mémoires, Postface). Les dernières exécutions du vivant de Berlioz.

Exécutions hors de Paris

1843: Dresde, 10 et 17 février (II-III avec chœur; CG nos. 815, 816)
1845: Marseille, 19 juin (III, avec chœur); Lyon, 20 et 24 juillet (III, avec chœur); Vienne, 16 novembre (III, sans chœur)
1846: Lille, 14 juin (III, avec chœur; exécution en plein air; CG nos. 1044bis, 1045)
1847: Russie, St Pétersbourg, 15, 25, 27 mars (III, sans chœur)
1848: Londres, Drury Lane Theatre, 7 février (II-III); 18 février (III, sans chœur). Au cours de son séjour à Londres Berlioz publia en mai 1848 un arrangment de l’Apothéose pour chœur et orchestre, dédié à son ami Pierre Duc, l’architecte de la Colonne de la Bastille (CG no. 1200).

Les partitions

     I: Marche Funèbre (durée 14'7")
    — Partition en grand format
    (fichier créé le 27.06.2000; révision le 3.11.2001)
    — Partition en format pdf

    II et III: Oraison Funèbre suivie de l’Apothéose (durée 15'45")
    — Partition en grand format
    (fichier créé le 11.11.2001)
    — Partition en format pdf

   II: Oraison Funèbre (durée 6'49")
    — Partition en grand format
     (fichier créé le 30.03.2000; révision le 11.11.2001)

   III: Apothéose
   
Première version, sans cordes ou chœur (durée 8'56")
    — Partition en grand format
    (fichier créé le 8.10.2000; révision le 11.11.2001)

    Seconde version, avec cordes et choeur (durée 8'56")
    — Partition en grand format
    (fichier créé le 12.10.2000; révision le 23.12.2001)
    — Partition en format pdf

© Michel Austin pour toutes partitions et texte sur cette page.

Cette page revue et augmentée le 1er février 2022.

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