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Ouverture: Benvenuto Cellini (H 76B)

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Benvenuto Cellini: histoire sommaire de l’opéra
L’ouverture
Exécutions

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    Voyez aussi Textes et Documents; Livrets de Berlioz; Pierre-René Serna, Les mesquineries de Benvenuto Cellini ? et Benvenuto Cellini: une ur-version trop ignorée; Christian Wasselin, "Benvenuto Cellini"; Berlioz et sa musique: auto-emprunts

Benvenuto Cellini: histoire sommaire de l’opéra

    À l’époque de Berlioz tout compositeur qui voulait réussir en France devait réussir à l’Opéra de Paris, l’institution musicale la plus prestigieuse du pays, qui portait le titre imposant de Théâtre de l’Académie Royale de Musique. Dès 1826 Berlioz a commencé à tenter sa chance avec un opéra qui avait pour titre les Francs-Juges, sur un livret de son ami Humbert Ferrand; mais en juin 1829 l’ouvrage fut finalement refusé par l’Opéra. Après son retour d’Italie en 1832 le premier objectif de Berlioz était de faire jouer ses partitions, nouvelles ou remaniées, notamment la Symphonie fantastique avec son nouveau complément le Retour à la vie, et les deux ouvertures le Roi Lear et Rob-Roy, mais il ne tarda pas à tourner ses regards vers l’Opéra. La première indication en est une lettre à sa sœur Adèle datée du 29 avril 1834, de Montmartre (CG no. 394):

Il est question pour moi d’un grand ouvrage en cinq actes, à l’Opéra nous sommes en négociations pour cette grand affaire qui déciderait de mon existence d’artiste, toute entière. J’espère que cela s’arrangera, je suis fortement et puissamment appuyé…

    Berlioz ne précise pas ici le sujet de l’opéra projeté, mais une lettre de la mi-mai à Humbert Ferrand laisse entrevoir ses intentions à ce moment (CG no. 398):

Mes affaires à l’Opéra, sont entre les mains de la famille Bertin [propriétaire du Journal des Débats], qui en a pris la direction. Il s’agit de me donner l’Hamlet de Shakespeare supérieurement arrangé en opéra. […] En attendant, j’ai fait choix, pour un opéra comique en deux actes, de Benvenuto Cellini, dont vous avez sans doute lu les curieux Mémoires et dont le caractère me fournit un excellent texte sous plusieurs rapports. Ne parlez pas de cela avant que tout soit arrangé.

    De ces premiers pas en 1834 aux exécutions du Benvenuto Cellini achevé en septembre 1838 à l’Opéra de Paris le chemin sera long et tortueux; on ne peut en donner ici qu’un résumé sommaire. Le projet de Hamlet n’eut pas de suite, mais Berlioz poursuivit son idée de Benvenuto Cellini, comme l’indique une lettre à Humbert Ferrand du 31 août 1834 (CG no. 408):

J’avais proposé à Léon de Wailly, jeune poète d’un grand talent et son ami intime [sc. ami de Auguste Barbier], de me faire un opéra en deux actes sur les Mémoires de Benventuo Cellini; il a choisi Auguste Barbier pour l’aider; ils m’ont fait à eux deux le plus délicieux opéra-comique qu’on puisse trouver. Nous nous sommes présentés tous les trois comme des niais à M. Crosnier [directeur de l’Opéra-Comique]; l’opéra a été lu devant nous et refusé. Nous pensons, malgré les protestations de Crosnier, que je suis la cause du refus. On me regarde à l’opéra-comique comme un sapeur, un bouleverseur du genre national, et on ne veut pas de moi. En conséquence on a refusé les paroles pour ne pas avoir à admettre la musique d’un fou.
J’ai écrit cependant la première scène, le chœur des ciseleurs de Florence dont ils sont engoués tous au dernier point. On l’entendra dans mes concerts.

    Refusé par l’Opéra-Comique, Berlioz s’adresse de nouveau à l’Opéra, qui depuis le 23 août 1835 est sous un nouveau directeur, Edmond Duponchel. Duponchel accepte en principe de monter un Benvenuto Cellini en deux actes, mais à condition d’importantes modifications dans le livret. Une lettre de Berlioz à sa mère datée du 11 octobre 1835 présente l’accord avec l’Opéra sous un jour positif (CG no. 445):

A propos de poètes, je dois enfin vous apprendre que je viens d’être reçu à l’Opéra. Le nouveau directeur étant dans de tout autres dispositions que son prédecesseur, je lui ai présenté un opéra en deux actes qui a été fait sous mes yeux par MM. Alfred de Vigny, Auguste Barbier et Léon de Wailly. Il l’a reçu avec le plus vif empressement. En conséquence, je vais me mettre dans peu à écrire la partition.

    Berlioz était optimiste: pressé par de multiples obligations, il lui fallut plusieurs mois avant de pouvoir commencer à composer la musique. La tâche remplit toute l’année 1836, mais laissait encore beaucoup d’instrumentation à faire, et le travail sur la partition se poursuivit dans l’année 1837. Ensuite Berlioz dut attendre son tour: deux autres opéras devaient être montés avant le sien. La composition de l’ouverture fut laissée pour tout à la fin: elle ne fut achevée que dans les premiers mois de 1838. Les répétitions commencent en avril 1838, d’abord avec les seuls chanteurs, plus tard avec l’orchestre aussi. L’opéra reçut trois exécutions complètes avec Duprez dans le rôle principal (10, 12 et 14 septembre 1838), après quoi Duprez abandonna subitement son rôle, qui fut repris par Alexis Dupont. D’où un retard dans la représentation suivante de l’opéra complet jusqu’au 11 janvier 1839, qui fut en fait la dernière. Après cela seul le premier acte fut représenté trois fois en février et mars, et pour finir Berlioz retira l’ouvrage de l’affiche (CG no. 638). Ce fut un grave échec dans la carrière du compositeur, comme il le souligne dans ses Mémoires (chapitre 48). Désormais les portes de l’Opéra lui resteront fermées, restriction majeure sur la musique qu’il peut composer et espérer faire entendre à Paris.

    Benvenuto Cellini ne fut jamais représenté à nouveau en France du vivant de Berlioz, et après cet échec Berlioz semble avoir pratiquement renoncé à son ouvrage. Quand en 1847 il est engagé pour diriger le théâtre de Drury Lane à Londres, pour lequel il était censé fournir un opéra, il ne semble même pas avoir songé à utiliser Benvenuto Cellini. Mais grâce à son ami Liszt, l’ouvrage sera tout de même promis à un avenir. Il est remonté avec succès par Liszt à Weimar en 1852 et de nouveau en 1856, dans une version écourtée et modifiée. Les modifications faites pour ces représentations contenaient quelques améliorations, mais sacrifiaient aussi de belles pages de la version originale, et bouleversaient l’ordre des scènes de ce qui était le deuxième acte (devenu maintenant le troisième, alors que le premier acte est divisé en deux). Le succès de Weimar ne fut pas répété à Londres à Covent Garden, où l’opéra échoua en 1853, mais la reprise de Weimar eut des suites à long terme. Hans von Bülow, qui avait joué un rôle majeur dans cette reprise, monta l’ouvrage de nouveau à Hanovre en 1879, qui resta populaire en Allemagne par la suite. Par exemple Felix Weingartner, qui avait un faible pour cet ouvrage, le fit représenter à Berlin en 1897 puis de nouveau à Vienne en 1911 (voir son article sur l’opéra). Mais en France Benvenuto Cellini dut attendre jusqu’à 1913 pour être représenté de nouveau à Paris, et cette reprise n’eut pas de prolongements à long terme.

L’ouverture

    Comme Berlioz le raconte dans ses Mémoires (chapitre 48), l’ouverture de l’opéra fut bien reçue à la première exécution et aux suivantes, alors qu’une bonne partie du reste de la partition succomba sous une cabale hostile. Selon Berlioz, on fit même à l’ouverture ‘un succès exagéré’. Berlioz ne tarda pas à publier l’ouverture séparément en grande partition: elle paraît en 1839, avec plusieurs extraits vocaux de l’opéra (avec accompagnement de piano). L’ouverture est dédiée à son ami Ernest Legouvé, qui, selon les Mémoires (chapitre 48), était venu secourir Berlioz avec un prêt de 2,000 francs à un moment critique dans la composition de l’ouvrage, prêt qui permit au compositeur de terminer son travail.

    La plus brillante ouverture de concert que Berlioz avait écrite jusqu’alors, elle se distingue par la variété et le brio de son instrumentation, par sa verve rythmique, et par son abondante inspiration mélodique. Felix Weingartner avait une grande admiration pour elle et la fit souvent entendre dans ses concerts (voir son bref article sur l’ouverture). Telle qu’on la connaît maintenant elle est l’aboutissement d’un travail d’épuration dont une copie d’un état antérieur conservé aux archives de l’Opéra de Paris donne quelque idée. Cette dernière ressemble par bien des points à la version finale, mais avec de nombreuses différences dans le détail et dans l’instrumentation, et elle est plus longue d’une cinquantaine de mesures. Comme souvent Berlioz améliore ses premières inspirations en élaguant le superflu.

    L’ouverture est développée à partir de thèmes soit originaux, soit tirés de l’opéra (suivant la manière de Weber). Le thème principal et ses développements (mesures 1-16, 91-134 etc.), qui représentent visiblement Cellini lui-même, ne se trouvent pas dans l’opéra. Les deux thèmes du Larghetto sont tirés l’un de l’air du Pape au IIème/IIIème Acte (À tous péchés pleine indulgence; mesures 23-36, 64-78 et encore dans l’allegro, mesures 355-88), l’autre de l’ariette d’Arlequin au cor anglais dans la scène du carnaval au Ier/IIème Acte (mesures 34-54, 78-88) – thème qui rappelle le début de la Damnation de Faust et que Berlioz avait déjà utilisé dans une mélodie publiée en 1834 (Je crois en vous; H 70). Le second sujet de l’allegro (mesures 159-99, 228-66) découle d’un duo entre Cellini et Teresa au Ier Acte, mais de manière très caractéristique Berlioz l’adapte d’une mesure à trois à une mesure à deux temps et lui donne dans l’ouverture un développement beaucoup plus étendu que dans l’opéra.

Exécutions

    Il est surprenant de constater que l’ouverture de Benvenuto Cellini, l’une des plus brillantes œuvres de concert de Berlioz, ne reçut que relativement peu d’exécutions du vivant de Berlioz, à l’encontre de plusieurs de ses autres ouvertures (notamment celles des Francs-Juges, du Roi Lear, et du Carnaval romain). Berlioz la dirigea trois fois à Paris en 1840, mais pas autrement. Il en donne plusieurs exécutions au cours de son premier voyage en Allemagne en 1843 (Dresde, Brunswick, Berlin [deux fois]), et la dirige deux fois à Dresde en 1854. Après un long intervalle il la dirige pour la dernièwre fois à Saint-Pétersbourg en novembre 1867 au cours de son dernier voyage en Russie. Mais l’ouvrage reçoit plusieurs exécutions aiileurs sous d’autres chefs d’orchestre que Berlioz: à Londres en 1841, à Berlin en 1858 sous la direction de Hans von Bülow, qui en fait aussi une transcription pour piano, et aux États-Unis en 1867 (Brooklyn) et 1868 (New York).

    Pour obtenir leur durée correcte on a dû noter tous les triolets et sextolets intégralement et non sous forme abrégée.

    Ouverture: Benvenuto Cellini (durée 9'52")
    — Partition en grand format
    (fichier créé le 6.6.2001)
    — Partition en format pdf

© Michel Austin pour toutes partitions et texte sur cette page.

Cette page revue et augmentée le 1er janvier 2022.

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