(Transcriptions littérales, dans l’ordre de l’inventaire)
Textes du fonds Chapot (R96.260.02,
R96.856.1
à 3)
Textes du fond Reboul-Berlioz (2011.02.116 à
153)
II. Transcriptions
littérales, lettres 2011.02.154 à 196
III. Transcriptions
littérales, lettres 2011.02.197 à 265, 2011.02.298
Le texte corrigé des lettres d’Adèle Suat
se trouve sur des pages séparées:
I. 1828-1841
II. 1842-1847
III. 1848-1858. Lettres
de date incertaine
Texte
= mots ou lettres de lecture incertaine
*** = mots ou lettres non déchiffrés
[...] = lacune dans le texte
R96.260.02 | Vendredi 3 novembre 1854 (?) | À son oncle Félix Marmion | Texte corrigé | — |
Texte cité CG IV p. 600 n. 1; annexe à la lettre CG no. 1806 de Berlioz à Adèle du 2 novembre 1854 (numéro d’inventaire R96.260.01). Une page, sans date ou signature. Adèle a dû écrire ce texte dès réception de la lettre de son frère, qu’elle envoyait à son oncle en lui demandant de la renvoyer, ce que Félix Marmion a sans doute fait pour les deux textes, d’où leur présence dans la collection Chapot.
J’ai repondu de suite à mon frere que
nous attendions Louis avec impatience et que nous présumions que vous étiez à
Tournon. Soyez assez bon cher oncle pour me renvoyer cette lettre en me
répondant.
mille chôses à ma Tante et à Louise ; la santé de
mon mari est toujours couci couci comme je vous l’ecrivais dimanche tristement.
Les Pals vont bien ; il n’est pas probable que Louis
aille les voir je n’ôserais l’y envoyer (pour cause
R96.856.1 | Jeudi 30 octobre 1851 | À son frère Hector Berlioz | Texte corrigé | — |
Quatre pages, pas d’adresse ou d’enveloppe. Les nombreuses ratures et l’absence de formule de salutation laissent supposer qu’il sagit d’un brouillon qui n’a pas été envoyé — d’où sans doute la présence de ce texte dans le fonds Chapot.
Vienne 30 Octobre 1851
Mon mari était à Tournon avant hier Mon cher ami lorsque ta
lettre m’est arrivée, à peine de retour une autre affaire importante l’appelle
ailleurs aujourd’hui ; mais avant de monter en voiture il a hâte de
calmer ton inquiétude et de te donner les explications précises que tu
nous demandées
Les six mille francs que tu reçus
de notre père le 16 Mai 1841 furent fournis par mon mari
à qui ils sont encore dus parce que mon
notre pere loin d’avoir des capitaux disponibles avait lui même des dettes
alors
Ce n’etait point un Legs de notre mère
comme tu le crois mais seulement une somme que tu aurais eu le droit de demander
sur sa succession ; maintenant mon pere en a payé les
interets à mon mari jusqu’a sa mort (au cinq pour cent et non point au
six) et depuis cette époque les interets se sont accumulés et font mille
francs de plus ce qui fait 7000, tu as pris en outre mille francs a Camille [p. 2]
l’année derniere au mois d’octobre et mille francs à mon
mari au mois de décembre 1850 ce qui fait en tout 9000 que
tu dois ces 9000 font 450 francs d’intérets au cinq pour cent et non
cinq cents comme te l’avait écrit mon mari par érreur parce qu’il
croyait que Camille au lieu de mille francs t’avait envoyé l’année
derniere deux mille francs au lieu d’un millier
ce qui ne s’explique ***
pour toi fait ton erreur c’est que tu ne te rends pas compte que les
deux successions de notre pere et de notre mère ne font maintenant qu’un seul
tout et que si tu n’avais rien retiré en capitaux jusqu’à présent
ta part serait de trois mille francs dans les revenus actuels ; des quels
par consequent il faut distraire les 450 f d’interets
Tu dois te souvenir que notre pere te
donnait 1500 francs par an pour te tenir lieu des revenus de notre mère
ajoutés à ce qu’il pouvait te donner de lui même ; mais du moment que
tu recus les 6000 f les 1500 se réduisirent à 1200 par an ; il en est [p. 3]
de même aujourd’hui sur les trois mille francs que tu aurais il faudrais
prendre les 450 f d’interets.
Ces Messieurs ne se doutaient pas que tu
ne l’eusses pas compris quand nous fimes nos arrangements provisoires à la
mort de notre pere, dont tu as une copie ; mon mari depuis lors ne t’en a
point parlé parce que il a vu que tu avais de grandes charges avec ton fils et
ta femme et qu’il esperait qu’elles diminueraient et que plus tard tu
parviendraîs à le liberer de ce surcroit de charges arriéreés
L’administration de notre fortune ne
peut pas être meilleure ce serait la dilapider que de vouloir vendre nos
proprieteés dans ce moment ; on a profité de quelques bonnes occasions
pour se défaire de certains immeubles dont le prix a servi à payer les dettes
que notre père avait laissées mais si nous voulions à toute force vendre toutes
nos prietées nous n’en trouverions pas la moitié de leur [p. 4]
valeur tellement tout est déprecié dans les circonstances actuelles.
pour conclure mon bon frère ces
explications que nous avons taché de rendre les plus claires possible il
est certain que ce qu’il y aurait de plus sage pour toi serait de prendre un
peu moins sur tes revenus afin de laisser de quoi payer l’interet des 9000 f afin pour qu’il ne s’accumulassent pas ce qui est très
important.
Mais si cette année encore a cause de ce
que te coutes ton fils tu ne pouvais le faire, il serait malgré cela
préférable de ne pas vendre, et de temporiser que
et de ne
donner point tes biens a vil prix, ta position nous préoccupe tous beaucoup et
nous ne négligerions rien pour la rendre meilleure crois le bien mon cher ami
et rapportes-t-en a l’experience en affaires de tes deux
beaux frères comme en leur affection
R96.856.2 | Samedi 2 août 1856 | Deux pages d’un journal ou mémoire | Texte corrigé | Image |
Deux pages. Ce texte n’est pas une lettre, mais plutôt un journal rédigé par Adèle pour se souvenir d’une occasion qui l’avait particulièrement frappée. D’où sans doute la date indiquée au début du texte, mais sans indication de lieu, et la présence de ce texte dans la collection Chapot.
2 août 1856
réunion dans notre chambre a
Plombieres avec mon frere sa femme, Mmes Boutaud Maisonnolee,
Chevrier, Porcher, Cuvillier Fleury ... Mr Vivier artiste de Paris
très distingué et ami de mon frère a fait les honneurs de la soirée, il a
joué des scènes comiques avec un esprit une verve a mourir de rire, il faisait
parler son violon, imiter le chant des animaux, et jusqu’aux plaidoiries des
avocats, il a chanté des romances délicieuses et très touchantes, il passait
d’un genre à l’autre avec une facilité qui confondait, aussi les
applaudissements étaient étourdissants
La première scène a été celle du Cabinet de Lecture.
la seconde la leçon de natation du Sergent, c’etait a se
rouler par terre puis est venue celle du Monsieur qui manque le Bateau a vapeur
et qui finit par être condamné a mort prevénu d’assassinat, rien n’est
[p. 2] amusant malgré cette fin tragique que cette scène ... La
romance du Muletier était ravissante de sentiments — celle du ruisseau
également ...
après le thé autre charge le Soldat en Afrique les rires
redoublaient a un tel point que la foule s’arretait sous nos fenêtres, et que
la police s’inquietait.
Le Mendiant Espagnol a terminé la soirée, c’était le
bouquet du feu d’artifice ... j’oubliais encore le musicien ambulant, et l’aveugle
Enfin, tous le monde était ravi d’un talent pareil, cette
soirée fera époque dans les souvenirs de tous ceux qui y ont
assistés
Je tiens a me rappeler les details afin que de ne rien en
oublier
[le reste du texte est toujours de la main d’Adèle mais écrit d’un plume plus fine, et a peut-être été ajouté plus tard]
Mr Vivier s’est fait entendre le Lundi suivant chez l’Empereur qui a fait des rires aussi fous que les nôtres, Mon frère y était et m’a raconte des details de cette soirée dont Sa Majesté faisait les honneurs comme un maitre de maison ordinaire avec une affabilité parfaite
R96.856.3 | Mercredi 11 novembre 1857 | À son frère Hector Berlioz | Texte corrigé | Image |
Quatre pages, pas d’adresse ou d’enveloppe. Ce texte a tout l’air d’un brouillon qui n’a pas été posté (d’où sa présence dans la collection Chapot). Plusieurs mots, surtout à la première page, ont d’abord été soulignés puis le soulignage a ensuite été biffé [p. 1: profonde affection, facheuses, lui seul, ménageant toutes, éxigeances; p. 2: deviner]; nombreuses ratures à la troisième page, dont une bonne partie est d’une écriture différente et plus petite, sans doute celle de Marc Suat, mais avec quelques corrections de la main d’Adèle; l’écriture d’Adèle reprend à la 4ème page mais la lettre s’arrête court et ne conclut pas.
Vienne Mercredi 11 Novembre
Mon bien Cher frere
La lettre que tu reponds à mon mari nous fait de la peine en
nous prouvant que tu ne nous a pas bien compris, jamais nous n’avons douté de
ta profonde affection pour ton fils, nous connaissons trop le fond de ton cœur
pour cela ; nous avons craint seulement qu’au milieu des préoccupations
de ton grand ouvrage et de la maladie de ta femme, Louis n’eut éprouvé des
impréssions facheuses
Je sais que le rôle de belle mère est très difficile ;
que les enfants ont des préventions contre elles, et que celui du pere au
milieu de ce conflit, est souvent le plus cruel !... cependant lui seul
est appelé à servir de lien par tous les moyens en son pouvoir et en
ménageant toutes les éxigeances
La profonde tristesse que Louis a [p. 2]
rapportée de Paris, m’avait donné à craindre qu’en raison de ton caractère
un peu faible tu n’eusses pas assez pris d’initiative... ce
que tu dis de la chambre à donner à Louis serait parfaitement sensé si ta
femme était sa mère, mais mon cher frère ce sont là des nuances qu’il faut
deviner.
toutefois fois en raison des difficultes
des logements à Paris nous avons peut être eu tort de te parler de cela sur
tout après ta propôsition de lui en louer une près de chez toi... J’en
reviens donc à te dire encore une fois que jamais je n’ai douté de ta
tendresse pour ton fils cher frere et que nous avons été entrainés à t’écrire
comme nous l’avons fait par sa tristesse et son découragement, ils étaient tels
que nous en étions tous impressionnés, et que je n’en dormais plus
un moment j’avais craint d’abord qu’il n’eut laissé un
attachement a Paris, [les mots suivants ajoutés plus tard par
Adèle mais d’une écriture plus petite] et ce n’est que plus tard que j’ai
été rassurée sur ce point [p. 3] Mon mari n’a rien negligé
pour le rappeler vigoureusement aux nécessités de sa position, et aux
réalités de la vie ; nous savons très bien qu’il a souvent
besoin d’être guidé en toutes chôses Si il faut bien
[deux mots biffés] absolument arriver au but [le reste de la phrase
est biffé et difficile à lire]
[Le reste de cette page est semble-t-il rédigé par Adèle ou
sous sa dictée, mais est écrit d’une main différente et plus fine que le reste de la
lettre; cette écriture est celle de Marc Suat (voir les images de
son écriture, et remarquer les — caractéristiques à la fin des lignes);
plusieurs ratures de la main d’Adèle]
c’est à notre invitation qu’il a écrit à M. Lecourt et
à M. Morel, et je suis fachée de l’avoir engagé — a le faire au prémier
[mot biffé] soit parcequ’il n’a pas répondu soit
parceque cela t’a contrarié. quant à L’excellent M. Morel il lui
a répondu une lettre en a recu hier une reponse très-affectueuse et
explicative qui nous tranquillisa [de la main d’Adèle]
et rassurante [de la main de Marc Suat] sur son embarquement qui parait
certain dit-il est certain et avantageux ; — quoiqu’il n’ait
pu nous [de la main d’Adèle] le [de la main de
Marc Suat] renseigner sur les destinations du navire ni [de la main d’Adèle]
dire quels [de la main de Marc Suat] seront Les appointements — Si non
qu’ils seront satisfaisants d’après les habitudes de la maison Aquarone
Louis s’arrêtera peu à Tournon où ta lettre lui sera
parvenue à peu près en même temps que la n ce matin peu
après la mienne en même tems que la mienne, et demain ou
après demain il sera à Marseille et pourra de suite
immédiatement s’occuper de sa nouvelle position, Marc lui — a fait
Comprendre qu’il devait de suite voir ceux qui — lui ont valu son nouvel
emploi s’occuper ensuite du capitaine et tacher de se le rendre favorable [p. 4]
[le reste de la lettre est de la main d’Adèle] ne t’inquiete
nullement de sa prolongation de sejour Mr Morel lui dit qu’il peut
rester jusqu’a nouvel ordre avis, ou se rendre
chez lui ce qui si cela lui convient mieux
Hier matin avant son depart Louis m’a montré ta lettre a Mr
Morel, il me semble que tu ne pouvais rien lui dire de mieux
2011.02.116 | Samedi 29 mars 1828 | À sa mère Joséphine Marmion-Berlioz | Texte corrigé | Image |
Un feuillet de quatre pages, les deux premières écrites, adresse à la quatrième; petite déchirure de la première page à droite; pas de timbre postal.
Grenoble le 29 Mars 1828
Vous dites dans votre charmante lettre ma chère Maman que vous croyez que la premiére lettre que je vous écrirai vous me trouverez tout-afait accoutumé helas s’est tout le contraire je suis plus ennuiée que jamais de toute manière je vois que je ne puis pas m’accoutu mer cela me tourmente par ce que je sais combien cela vous ferait plaisir a vous et [.] mon cher Papa d’un coté je m’ennuie horriblement toutes ses réflexions me tourmente tellement que je n’ai rien dormi cette nuit et que j’ai été agitée toute la nuit. Cependant je voudrais que vous fussiez contente de moi je trouve ma position très triste sans cesse combattue par les deux pensées je ne trouve de plaisir qu’a pleurer tant que j’en ai envie. Ecrivez je vous prie ma Chère Maman aussi tôt que vous aurez ma Lettre vous ne [p. 2] pouvez pas vous imaginer le plaisir que m’a fait la votre elle est si pleine d’expressions de bontè qu’elle m’a fait pleurer, et m’a donnè encore plus de regret d’être separée d’aussi bons parents. J’ai été très sensible aux tendre souvenir de Victorine et de Monique dite leur je Vous prie bien des chôses de ma part Adieu ma chère Maman je vous embrasse et attant avec la plus vive impatience votre lettre ne me la faite pas attendre je vous en prie je suis avec respect votre soumise fille
Adèle Berlioz
Ah ! Si je retournais auprès de vous que je serais heureuse j’espère en votre bonté car je ne serai heureuse qu’alors. Venez me chercher je vous en prie
[p. 4] [adresse]
Madame
Madame Berlioz Née Marmion
A La Côte St André
Isère
2011.02.117 | Jeudi 3 avril 1828 | À sa sœur Nancy Berlioz-Pal | Texte corrigé | — |
Un feuillet de quatre pages, les deux premières écrites, adresse à la quatrième. Timbres postaux: GRENOBLE, 3 avril 1828; anonyme (La Côte), 4 avril 1828
Grenoble le 3 avril 1828
Je suis si fatiguée Ma chère Nancy
aujourd’hui vous devez recevoir ma lettre qui contredit ce que mon oncle
à écrit hier a Papa que cela n’etait rien mais aujourd’hui je suis beaucoup
plus fatiguée que quand il a écrit d’abord voila trois ou quatre jours que j’ai
toujours bien mal au cœur j’ai la tête qui me fait bien mal quand je marche
et ce matin quand je me suis levée j’ai pris un étourdissement qui m’a
retom forcé à retomber sur mon lit je ne dors pas ce qui est
contre mon ordinaire je ne puis manger sans que ce la augmente beaucoup mon mal
de cœur [p. 2] hier j’ai eu un peu de fiévre et je crois même
que j’en ai aujourd’hui car j’ai beaucoup de frisson l’on nous a fait
habiller de blanc et quoique je sors très chaudement j’ai toujours froid et j’ai
été obligée de prendre un grand schal Adieu Ma chère Nancy je t’en conjure
prie Papa de venir tout de suite ou bien envoyè moi Monique mais tout de suite
Odile est ici avec moi sa mère a été très fatiguée et
elle s’est mise hier des sensus. J’ai reçu hier la lettre de maman et de
Victorine je ne puis plus écrire car je suis très fatiguée ah ne m’abandonné
pas ne me laissè pas ici souffrante et au desespoir Adieu ta malheureuse sœur
Adèle Berlioz
[p. 4] [adresse]
Mademoiselle
Mademoiselle Nancy Berlioz
A La Côte St André
Isère
2011.02.118 | Jeudi 10 avril 1828 | À sa sœur Nancy Berlioz-Pal | Texte corrigé | — |
Un feuillet de quatre pages, les trois premières écrites, adresse à la quatrième; pas de timbre postal.
Grenoble le 10 avril 1828.
Tu me dis Ma Chère Nancy que tu crois que
ta lettre me trouveras guerie trouveras de corps et d’esprit ma réponse va t’ettoner mais je ne
puis te le cacher je ne suis guerie ni de l’un de l’autre Le jour que
Monique est partie d’ici je fus extremement fatiguée, ah que je regrettais
que cela ce fut trouvé le jour même de son depart si je l’avais sentie au
près de moi me donnant des tendres soins ah que cela m’aurait soulagé, mais
pour comble de malheur il faut encore pour augmenter mon ennui que je sois
toujours souffrante je fais tous mes devoirs comme si je ne l’éttais pas du
tout l’on esperait que cela me distrairait et que je ne penserait pas temp
tant a mon mal et a mon chagrin mais l’on s’est trompé je suis toujours
aussi chagrine et aussi fatiguée, j’éprouve toujours dans l’estomac et
dans les épaules des douleurs qui sont même assez fortes, que je sois malade
que je ne le sois pas je ne vois ni oncle, ni Tante ni cousins, ni cousines,
Madame Apprin avait bien promis à Maman de venir me voir. Les Demoiselles
Durosier, Mdme Vallet aussi je n’ai vu personne qu’il est triste
d’être abandonné de tous ce qu’on aime le plus sur la terre de ses Parens
en te racontant mes chagrins je suis obligée d’éssuyer mes larmes si je ne
veus pas qu’elle mouilles mon papier ah montre moi ma Chère Nancy combien tu
y prend part en m’écrivant bien souvent en me racontant un peu ce qui se
passe a La Côte je ne lui voit rien de comparable aprésent que je ne l’habite
plus [p. 2] Virgine passe ici prèsque toutes ses journées depuis
que Monsieur Falque est parti avec Monseigneur mais je ne la vois pas plus
souvent pour cela parce qu’elle se tient assez loin des classes.
Monique m’a acheté ma robe bleue de costume Melle
Payen lui avait promis de venir me l’aissayer Mardi elle n’est point venu j’y
ais envoyé quelqu’un elle a répondu que je l’aurais bien surement pour
Dimanche jour ou j’en ai besoin
La cousine de ma tante Mademoiselle Molarique
Montlatruc va s’en aller a la fin de ce mois sa mère doit
venir avec Monsieur l’abbé qui Anglais qui vient pour
prendre ma tante pour aller avec lui a Roanne. Je suis très faché de cela
parce que comme j’avais vue cette demoiselle chez ma Tante je la connaissais
elle est bien gentille elle cherche toujours tous ce qu’elle peut imaginer
pour me distraire ; quand elle sera parti le temps me durera encore davantage
il faut donc que tous se reunisse contre moi vraiment je suis bien a plaindre.
Adieu Ma chère sœur j’ai les yeux si plein de larmes que je ni vois plu.
embrasse pour moi Papa, Maman, Prosper, Monique, Julie, Françoise, Melle
Bertrand, et m’a petite Nancy pour laqu’elle je brode un très joli col
Adieu plein ta malheureuse sœur Adèle Berlioz
[de l’écriture de Louise]
Soyez parfaitement tranquille,
Mademoiselle, sur le compte de notre bonne petite Adèle ; sa santé est
assez bonnes elle mange de bon appétit dort très bien travaille avec suite ; et
commence à s’amuser. Le moyen le plus efficace pour l’accoutumer a été de
ne pas avoir l’air de s’occuper de sa santé et [p. 3] de sa
tristesse. Les douleurs dont elle se plaint ne sont rien, j’en ai parlé à
Monsieur Berlioz qui m’a parfaitement rassurée. Encore quelques jours de
patience et nous serons au bout de toutes nos peines ; et nous eprouverons
de la part de cette bien chere enfant, de grandes consolations j’en ai la
douce confiance
Louise
[p. 4] [adresse]
Mademoiselle
Mademoiselle Nancy Berlioz
A La Côte St André
Isère
2011.02.119 | Mercredi 23 avril 1828 | À l’aumonier Petit | Texte corrigé | Image |
Un feuillet de quatre pages, les deux premières écrites, adresse à la quatrième. Timbres postaux: GRENOBLE, 23 AVRI 1828; anonyme (La Côte), 24 AVRI (1828 presque illisible).
Grenoble le 23 Avril 1828.
Monsieur
Je prends la liberté de vous écrire pour
vous prier d’aller aussi tôt que vous aurez reçu ma lettre chez mon Père et
de faire tout votre possible pour le décider a me retirer d’ici et a me
ramener auprès de lui. ah Monsieur qu’elle reconnaissance ne vous aurai-je
pas toute de ma vie si vous parveniez a decider mes parens a venir me chercher
ce n’est qu’alors que je me porterai bien et que je serais heureuse car
depuis que je suis ici je souffre toujours voila deux jours que je sens que cela
augmente beaucoup. Ah si Maman savait comme je souffre de corps et d’esprit
oui elle retrouverait ses entrailles de mère qu’elle semble avoir perdu
depuis pour moi depuis que je suis malheureuse ici [p. 2] je serais
au désespoir si vous ne parvenez pas a decider Maman je vous en conjure a genoux faite tout ce qui dependra de vous si vous croyez qu’en vous adressant
a Maman premiérement vous reussiriez mieux essayez enfin employez tous les
moyens que votre sagesse poura vous suggerer je conte sur l’attachemen que
vous nous portez a
ma famille pour lui dire de ma part que j’ai fait tout mon possible pour m’accoutumer
parceque je savais combien cela leur ferait plaisir mais cela m’est impossible
absolument impossible que l’on ne crois point que c’est manque de bonne
volonté ah je vous en prie dite leur bien le contraire. Non mon Papa et Maman
se sont montré si bons a mon égard que je ne puis croire que me sachant
toujours plus souffrante et plus malheureuse ils ne mettent un terme a mon
desespoir ; taché je vous prie Monsieur de mettre ma sœur dans mes
interets ah dite lui de ma part qu’elle ne sais pas ce que sait
c’est que d’être malheureuse et d’être éloigné de sa famille mais elle
n’en ait est jamais sorti et élle ne peut savoir les
tourmens qu’on èprouve. je vous prie de ne donner connaissance de cette
lettre a aucun étranger, repondez moi je vous prie et instruisez moi des sentimens
de ma famille à ce sujet j’espère que vos instances auprès de Maman auront
un bon résultat
Je suis Monsieur avec le plus profond respect
Adèle Berlioz
[p. 4] [adresse]
Monsieur
Monsieur Petit aumonier au Couvent
de la Côte de la Visitation
A la Côte St André
Isère
2011.02.120 | Vendredi 25 avril 1828 | À sa mère Joséphine Marmion-Berlioz | Texte corrigé | — |
Un feuillet de quatre pages, les trois premières écrites, adresse à la quatrième; texte très endommagé (déchirures et lacunes dans le texte) et impossible à restituer complètement, mais le sens ne fait pas de doute. Timbres postaux: GRENOBLE, 1 MAI 1828; anonyme (La Côte), 2 MAI 1828.
Grenoble Le 25 Avril 1828
Ma Chère Maman
Je voudrais bien avoir quelque chôse de
consolant a vous dire mais hélas je suis tout les jours plus malheureuse les
réflections affreuses qui me poursuivent ne me laissent pas un pas un moment de
repos ni le jour ni la nuit. je [......] dans quel état je vous met toutes les
fois que je vou[.] écrit. non je ne puis le croir[e] si vous pouviez lire
au [...] d[.] mon cœur ce qui
si passe [.....] de com[....] a l’aspect
des tourmens que [.....] je me dis à moi m[...] pourquoi est ce que je ne
pourais [.. fa....] que les autres
j[.....] je vois tout gaie autour de [.....]
moi, tout le monde s’a[.....] et moi je n’ai que les larmes et les
tourmens [.....] partage ainsi ce passe le printemps de la vie sans
être heureux sans être [.....] vous dites que vos plus beau jour sont
ceux que [..]on passe en pension je ne [p. 2] suis pas aperçu
jusqu’a ce jour je sais seulement que le Roi me promettrait son royaume pour
recommencer les six mortelles semaines que je viens de passer que le refuserait
bien vite je ne suis pourtant pas plus accoutumé que le premier jour ah !
Maman je vous écrit a genoux et mes larmes troublent ma vue ne me laissez pas
plus long-temps souffrir car vraiment je fais pitié hier Odile vint me voir
avec Veronique qui beaucoup
l’accompagnait cette pauvre fille se mit a pleurer elle me [.....]
malheureuse qu’elle se mit a pleurer n’y au[....]il donc qu’elle qui fut
sensible a mes tourmens [.....] cela ne peut s’appeler que comme cela
Ma[.]an Ma chère très chère Maman je vous assure
[.]ue j’ai fait tout mon
possible pour m’accoutumer toutes les reflections les plus propres a me faire
surmonter cela sont infructueuses je viens de faire mes Paques j’ai suplié
Dieu de me faire la grace de m’accout[..]er impossible impossible mes forces m’aband[.....]
moi par pitié une lettre qui me donne un pe[...]espérance
en grace en grace ayez pitié des affreux tourmens que j’endure.
Je n’ai pas vu Madame Faure du tout l’on vient de retirer
sa niéce d’ici pour la mettre a Lyon dans les endroits ou l’on redressent
[...] personnes bossues.
J’ai comm[....] un peu
a connaitre les notes de Musique c’est
une chôse [..]sipide mais comme ici je ne trouve [p. 3] que des
chôses comme cela mais pas des gens car tout le monde est on ne peu pas plus
aimable mais je n’y trouve pas Maman je vous cherche toujours mais envain je
ne rêve qu’a vous mais helas l’affreux reveil viens dissiper cette illusion
si douce et la réflection que je suis éloignée de vous pour si long-temps m’accable
Adieu ma très chère Maman ayez pitié de votre malheureuse et aimante
fille Adèle Berlioz
P.S. Melle Payen vie[.....] costume, s’était bien tem[.....] Dimanche passé les autres les avaient toutes et moi j’étais [..] seule en couleur differente j’embrasse bien Papa dite[.] lui qu’il a une fille qui est bien malheureuse je regrette [....] mon pauvre petit Prosper Monique Julie Melle Bertrand j’ecris a Victorine par la même occasion cela me fait un plaisir indicible de voir quelqu’un de la Côte ce pays que vous trouvez si triste je ne puis y penser que les larmes ne viennent aux yeux
[double adresse à la dernière page, à Madame Berlioz et à Monsieur Berlioz, mais l’une dans un sens et l’autre dans l’autre, séparées par un trait, et de deux écritures différentes, la première d’Adèle]
Madame
Madame Berlioz Née Marmion
A La Côte St André
Monsieur
Monsieur Berlioz Dr Medecin
A La Côte St André
[lacune] L’izere
2011.02.121 | Jeudi 8 mai 1828 | À sa mère Joséphine Marmion-Berlioz | Texte corrigé | — |
Un feuillet de quatre pages, les trois premières écrites, adresse à la quatrième; petite déchirure au côté gauche de la troisième page. Pas de timbre postal : la lettre a été portée à la main.
Grenoble le 8 Mai 1828
Que votre lettre m’a fait de mal Ma
Chère Maman c’est tout au plus si j’ai le courage de vous écrire après
une lettre si decourageante cependant comme Rose part demain je n’ose de peur
de vous facher la laisser partir sans vous donner de mes nouvelles, ah que je
suis donc a plaindre, mon Dieu mon Dieu mes parens m’abandonne il seule que
je suis malheureuse que je suis tellement tourmenté que je n’ai pas un moment
de repos. enfin Madame de Bourcet ma laissé sortir aujourd’hui pour n’avoir
pas devant ses yeux ma malheureuse phisionomie je vous écrit de chez ma Tante
helas tout ici me [p. 2] rapelle le souvenir d’une mère que j’adore
et qui hélas parait vouloir oublier son Adèle oui son Adèle dont le seul
souvenir de sa mère m’est au désespoir vous avez dit à ma Tante que la
derniére que je vous avais écrite je m’étais creusé la tête pour la faire
romanesque mais comment cette idée peut-elle vous être venu dans la tête non
vous ne connaissez pas a ce qui parait mes sentimens à votre égard car dans
cette lettre je ne vous disais que se que je pense mais il parait que vous
voulez que je sois dissimuleé avec vous non vous aurez beau faire je vous le
dis je vous repette je suis trop malheureuse je ne peut plus y tenir envoyez moi
chercher autrement ces Dames seront obligeés de me rémmener elles mêmes je ne
sais s’il faut conter sur ce que Rose m’a dit que mon père viendrait cette
semaine mon cœur bat avec violence a mon père votre malheureuse fille n’eprouvez
vous plus rien de tendre pour elle [p. 3] je ne puis le croire – a mes
chers parens aimez moi mettez fin a mes chagrins
Maman paraît fachée que je ne la remercie pas des brioches
que vous avez eu la bonté de m’envoyer mon dieu j’en suis bien
reconnaissante mais j’avais tant d’autres chôses par la tête que je n’y
ai plus pensé
Rôse m’attend pour aller voir Melle Nancy je la
charge de vous dire ce que je [.]’ai pas le temps de vous dire j’attend [...]
père ou après demain s’il ne peut pas venir envoyez Monique me chercher.
Ma tante part a 9 heures du soir avec Odile et son oncle
elles y resteront plus d’un mois Ma tante félicie vient de revenir de la
campagne aussi si vous venez vous trouverez quelqu’un ah venez je ne peut plus
prendre patience
Votre respectueuse fille :
Adèle Berlioz
[p. 4] [adresse]
Madame
Madame Berlioz Née Marmion
A La Côte St André
2011.02.122 | Jeudi 12 juillet 1832 | À sa sœur Nancy Berlioz-Pal | Texte corrigé | — |
Un feuillet de quatre pages, adresse à la quatrième. Timbres postaux: LA COTE-ST-ANDRÉ, (chiffre illisible) JUIL 1832; anonyme (Grenoble), 13 JUIL (année illisible).
La Côte St André Jeudi
Je présume que ton pauvre mari t’a
quitté hier Ma Chère Nancy, je partage bien toute la peine que ce voyage doit
te faire, il faut convenir que votre Chère Tante n’est pas fort aimable, mais
tu as sans doute déjà pris ton parti, ainsi il faut tacher de l’oublier ;
je pense que tu es maintenant à Uriage je suis bien aise que tu y passe le
temps de l’absence de famille, tu y auras beaucoup plus de distractions, et de
toute maniére je te felicite de cet arrangement.
Plains nous donc aussi ma bonne sœur, nous avons Mr
Anglais depuis hier soir, mon père comme à l’ordinaire ne peut pas s’y
résigner malgré qu’il n’ait presque pas mis les pieds au salon, il vient
de me dire qu’il allait se coucher cela ne m’a pas beaucoup inquiété parce
que tu sais que c’est son usage en pareil cas, d’ailleurs il a besoin de se
remettre un peu de la frayeur qu’il a eut hier soir, un incendie horrible a
éclaté au Chuzeau à côté de la ferme de Mme Pion [p. 2]
comme tu sais qu’on crie souvent pour une poignée de paille qui brule, je ne
me suis d’abord pas du tout éffrayée, au contraire, je pensais que les mines
attrapées des gens qui allaient
revenir en disant que tout était fini, m’amuseraient beaucoup ; Maman
Mon Père et les filles y étaient courus, au bout d’une heure quand j’ai vu
que personne ne revenait j’ai commencé à prendre peur, j’y suis
allée, et je t’assure que j’étais bien loin de m’attendre à ce que je
vis, trois maisons en flammes, plusieurs autres qui couraient les plus grands
dangers une foule immense immense occupée à faire la chaine, et qui de temps
en temps poussait des cris de terreur en voyant des poutres énormes tomber avec
fracas, des murs menacant à chaque instant d’ecraser les gens occupés à
éteindre le feu ; heureusement il n’y a péri personne, et a force de
peine on est parvenu à concentrer l’incendie dans les trois maisons qu’il
était impossible de sauver, et la grange de Mr Pion n’a point eu
de mal, elle en a été quîtte pour la peur, mais elle en est presque malade [p. 3]
Pour moi il faut que je te fasse ma confession mais je t’assure qu’apart la
pitié que me faisait naturellement les victimes de cet évenement je trouvais
ce spectacle magnifique, il faisait un très beau clair de lune, ces gerbes de
feux qui retombaient au milieu de ces arbres bien droits, cette foule qui se
ruait autour, ces cris, enfin tout cela réuni faisait un coup d’œil vraiment
atrocement beau comme dirait Hector ; J’esperais un peu qu’il serait
revenu cette nuit et je l’ai attendu envain, le temps me dure beaucoup qu’il
revienne, toutes ces belles émotions ne me font pas prendre patience.
Mme Scimian est de retour de Tournon, elle est
dans le ravissement de toute cette famille Boutaud Louise a trouvé un
appartement meublé comme celui d’une princesse absolument, son beau père lui
remit 1000 fr le jour de son arrivée, en lui disant
« Ma Chère fille plus vous en dépenserez plus je serai content de
vous ;
j’espère que voila qui est gentil, mais c’était fait pour elle aussi je
suis sure que cela ne lui parait pas fort extraordinaire, elle est dans l’enchantement.
j’ai appris tous les détails avec grand plaisir
[p. 4] J’aurais encore un million de chôses à te dire mais ma
pauvre mère est seule avec son aimable hôte, et tu sens qu’il est temps que
je retourne lui aider un peu à soutenir une conversation qui a deja été
vingt fois à l’agonie
[ici l’adresse, verticalement, occupe la majeure partie de la page]
Madame
Madame Camille Pal
Rue Neuve
A Grenoble
[en bas de la page, au-dessous de l’adresse]
Adieu écris nous vite donne nous de
bonnes nouvelles, c’est ce que tu peus faire de mieux
Ton affectionnée sœur
A B
Baises Hector pour moi si tu le vois
2011.02.123 | Samedi 24 mai 1834 | À sa mère Joséphine Marmion-Berlioz | Texte corrigé | — |
Un feuillet de quatre pages, les trois premières écrites, adresse à la quatrième; petite déchirure au droit de la troisième page. Écriture assez hâtive et négligée. Timbres postaux: GRENOBLE, 24 MAI 1834; LA COTE-ST-ANDRÉ, 25MAI 1834 (très peu lisible).
Grenoble Samedy
Je profite vite Ma Chère Maman d’un
petit moment qui me reste avant diner pour vous écrire un mot ; je ne sais
comment le temps passe ici, mais je n’ai pas eu une minute à moi, depuis ce
matin, Mathilde, nous occupe une grande portion de la journée, elle est si
gentille si jolie, qu’on ne s’en passe pas. hier nous avons couru toute l’après
midi ; je suis allée d’abord chez Mon Oncle Victor que j’ai trouvé ainsi que
ces dames, il m’a dit qu’il avait écrit à mon père, je pense qu’il lui a
fait part de sa nouvelle mésaventure ; le Drac a emporté entiérement
toutes les digues, et les plantations qui lui avaient coutés tant d’argent et
de peines et vous jugé combien il a du être
contrarié ; aussi tous ses
malheurs coup sur coup l’ont vieillit étonnement ; et il est aussi
changé que ma pauvre Tante, pour Odile elle avait [p. 2] un peu
repris, mais l’inquiétude que son petit lui a donné, lui a fait perdre ce qu’elle
avait gagné ; vraiment il est miraculeux que cet enfant existe, il a eu
des accès de fievre pernicieuse si violents que trois fois, il est resté
comme mort ; et sa pauvre mère était au désespoir enfin à présent, il
va tout a fait bien.
Je suis allée de là chez ma Tante Félicie que j’ai
trouvé très bien ainsi que tout son monde ; puis chez Mme
Vallet que je n’ai pas trouvée parce qu’elle court toujours ; mais j’ai
vus Fanny qui tenait compagnie à Mademoiselle Victoire son ancienne institutrice,
qui était venu passer deux jours avec elle, et qui m’a chargée de la
rappeler à votre souvenir, elle nous a fait mille amitiés à Nancy et a moi,
et nous venons de lui envoyer Mathilde quelle nous a demandé vivement : en
sortant de là nous avons vu les Dames Mallein et les Demoiselles Lastellet,
qui nous ont promis de venir ce soir nous prendre pour la promenade :
Mme Buisson vient sort d’ici
elle était dans toute sa parure, hier nous y étions [p. 3] allée,
mais elle était à table, et nous prenions nos chapeaux pour y retourner lors
quelle est entré
Je ne pense pas Ma bonne Mère qu’il soit possible de m’en
retourner avec elle ; Camille me charge de vous dire qu’il veut
absolument que je tienne compagnie à sa femme pendant son absence, et que si je
ne trouvais pas d’occasions pour m’en aller ; il m’accompagnerait
jusqu’a Moiron, et que de cette
maniere tout s’arrangerait très bien, et je me laisse dire tout cela
Je suis si contente de mon métier de bonne et je me fais une
si grande fête de not[..] séjour à Meylan que je n’ai pas le cou[....] de
penser encore au retour ; mais ma chère Maman je suis à vos ordres ;
Camille va bien à présent, demain après la messe il nous menera à Meylan ou
il passera la journée avec nous, il doit partir à la fin de cette semaine
seulement ; nous trouverons d’aimables voisines les Dames Fontanil elles
sont venu aujourd’hui, et nous ont beaucoup engagés a les voir. Adieu Adieu
Ma Chère Maman voila la troisième fois que je laisse ma lettre, on m’appelle
Melle et Mme Teisseire viennent d’entrer et on prétend
que c’est pour moi ; je dois vite
[dans la marge de gauche, de haut en bas] J’embrasse
mon père, mes compliments à Mme Pion
Votre affectionnée fille Adèle
[p. 4] [adresse]
Madame
Madame Berlioz
A La Côte St André
Isère
2011.02.124 | Vendredi 6 juin 1834 | À sa mère Joséphine Marmion-Berlioz | Texte corrigé | — |
Un feuillet de quatre pages, les trois premières écrites, adresse à la quatrième; texte endommagé, plusieurs déchirures qui laissent quelques lacunes dans le texte; écriture parfois peu lisible. Timbres postaux: GRENOBLE, 7 JUIN 1834; LA COTE-ST-ANDRÉ, 8 JUIN 1834.
Meylan Vendredi
J’ai reçu hier votre longue lettre Ma
Chère Maman, j’ai été [....] désolée d’apprendre que mon silence vous
avait donné de l’inquiétude pour ne pas m’exposer à de nouveaux reproches
je me dépèche à vite vous répondre.
Nous passons toujours notre temps très agréablement, tous
les jours nous avons presque des visites, soit de grenoble, soit d’ici, hier Mr
Henri Pal, est venu nous demander à diner ; le soir nous fîmes avec lui
une immense promenade, pour lui montrer
plusie[...] jolis habitations de nos
environs ; il était venu également Mardi passé avec sa mère et sa sœur ;
mais ces Dames ne vinrent que le soir de sorte que nous ne pûmes pas trop, leur
faire admirer, les beautés de Meylan
Mme Pal trouva sa petite fille bien portante, s’il
elle était venue la veille elle n’aurait pu en dire autant ; dans la
nuit du Dimanche au Lundi elle prit un violent accès de fièvre qui nous a fait
passer deux jours dans l’inquiétude, Nancy écrivit [dans la marge de
gauche, de haut en bas] Mme Buisson vous a-t-elle remis vos
gants ? [p. 2] à mon oncle pour le prier de venir ; s’il
allait à Mont-Fleuri ; il le promit à la Domestique mais lorsqu’elle
fut de retour la petite n’avait plus de mal, en conséquence nous lui fîmes
dire de ne pas se donner la peine de monter : Il parait que cette petite
indisposition était occasionnée par deux grosses dents qui voulaient se faire
joure ; enfin elle va à merveille maintenant ; c’est un Diable s’il
en fut ; personne ne peut plus l’approcher que sa mère, et sa bonne ;
pour moi je suis disgraciée irrévocablement depuis que j’ai refusé de lui
passer un caprice par trop violent, depuis lors il n’est sorte, de priéres,
de supplications [.]e promesses que je n’ai faites pour rentrer en grace
impossible de la décider a venir avec moi ; et dès quelle m’appercoit
elle me regarde avec son air malin et si je fais un pas pour l’approcher elle
fait des cris épouvantables, puis quand je recule éffrayée de ses larmes, elle
prend une physionomie si conquérante qu’elle nous fait mourir de rire ;
Mon pauvre grand pere fait des exclamations d’étonnements ; et
Bobos brochant sur le tout, en voulant essayer de rapprocher la Tante désolée,
et la niéce endiablée [p. 3] avec des raisonnements si drôles,
achève de completer la Tragie-Comédie ;
Je suis bien aise d’apprendre Ma bonne Mère que vos vers
à soie vont bien, ceux de mon grand pere sont bientôt fini, et jusqu’a
présent paraissent réussir ; cependant il ne faut pas encore trop se
féliciter ; ils ont tres mal réussis dans les environs, ce qui ne laisse
pas de donner des craintes, la feuille n’est pas aussi belle qu’a l’ordinaire,
mais cependant je la trouve superbe en comparaison de celle de la Cote.
Nous mangeons ici force cerises, et fraises dont il y a en
quantité, mais dont nous [..] nous lassons pas.
Je vous remercie Chère Maman de [....] donner des nouvelles
de Louise, je [....] fâchée qu’elle n’exécute pas son projet de voy[...]
je voudrais bien la voir ailleur qu’à Pointiere.
Je vous prie de vous informer si elle a reçu un
paquet de Laine rouge que j’avais remis à Prud’homme pour le mettre dans la
caisse de mon père ; depuis que je suis ici je n’en ai pas su nouvelle,
et comme il y en a pour cinq francs je ne serais pas amusée qu’il fut perdu,
ne manqué pas de me rassurer dans votre prochaine lettre.
Adieu Ma Chère Maman ne vous fatigue[.] pas trop ainsi que
mon père ; dites de ma [dans la marge de gauche, de haut en bas]
part à à notre aimable voisine que je compte sur elle pour vous soigner un peu
tous deux, et embrassé la de ma part ainsi que mon Père et Prosper
Votre affectionnée fille Adèle
[p. 4] [adresse]
Madame
Madame Berlioz
Côte St André
Isère
2011.02.125 | Mercredi 6 mai 1835 | À sa sœur Nancy Berlioz-Pal | Texte corrigé | Image |
Cinq pages en tout; un feuillet de quatre pages écrites, un page séparée avec la fin du texte et l’adresse d’un côté, blanc de l’autre. Écriture assez soignée, présentation aérée, de même que pour la lettre suivante qui utilise le même papier. Timbres postaux: CHATILLON-LES-DOMBES, 8 MAI 1835; GRENOBLE, 9 MAI 1835.
L’Abergement le Mercedi 6 mai
J’ai bien du temps de libre ici,
Ma Chère Nancy pour t’écrire de longues lettres ; ce sera plus qu’un
plaisir pour moi, c’est un besoin ; depuis mon départ de Lyon il me
prend par moment une tristesse affreuse de me sentir si loin de vous tous ;
il me semble que je suis dans un pays perdu ; je passe mon temps d’une
maniere tres calme ; et très uniforme cependant je ne m’ennuis pas le
moins du monde, c’est absolument mon genre de vie de la Côte animé par la
société d’une amie intime d’un commerce très agréable, et cela seul me
suffit, nous travaillons beaucoup en babillant, nous avions tant de chôses à
nous dire ? puis nous avons des livres intéréssants ; nous jouons
avec les enfants, et cela me rappelle ma petite Mathilde après cela
nous faisons tous les jours d’immenses promenades, le pays n’est pas très
curieux à parcourir mais dans ce moment la campagne est toujours belle ;
nous sommes presque habituellement seules Sophie et moi, ces Messieurs sont
tous les jours dans les champs du reste j’aime autant et même mieux car ce
sont [p. 2] des jeunes gens, si graves, si polis, si saints ;
si parfaits en un mot, que je ne suis pas encore très à mon aise en leur
présence, ce n’est pas que je les crois très redoutables car leur
conversation est si simple que je puis bien me mettre à leur niveau ; mais
c’est un genre qui m’engourdirait plutôt ; Sophie se trouve très
heureuse dans le faît elle a tout les élemens d’un vrai bonheur son mari est
bon ; attentionné, doux, bien élevé, riche beau garçon, jeune ; et
bien je n’ose presque te l’avouer Ma Chère Nancy ? je ne voudrais pas
d’un bonheur semblable ! .. c’est si calme, si fade, que c’est à en
faire soulever le cœur, point d’éxaltation, rien, rien qui ranime, pas même
la plus légère contradiction, c’est trop de perfection vraiment, j’aimerais
presque encore mieux un aimable mauvais sujet ; ne me gronde pas bonne sœur
de mon enfantillage, ce n’est qu’a toi seule que je dis de semblables folies ;
mais je ne veux pas qu’elles me fassent oublier de te parler de mon charmant
voyage sur le bateau à vapeur j’en suis encore dans le ravissement, ce sera
un des souvenirs les plus agréables de ma vie ; le temps était à souhait,
nous avons pu rester sur le pont presque tout le jour ; nous avions une
immensité [p. 3] de compagnons de voyages de toutes espèces ;
de beaux jeunes gens à moustaches ! de jolies et gracieuses jeunes
femmes, et sur tout de ravissantes petites filles qui faisaient faire le peché
d’envi ; puis mieux que tout cela encore deux Anglais !
comprends
donc ma joie Nancy ? moi qui désirait depuis si long-temps d’en voir ;
j’ai pu les écouter, les éxaminer à mon aise, ils chantaient, ils causaient
avec chaleur, et leurs physionomies étaient si expréssives, leurs gestes si
animés que je comprenait leur admiration pour le beau pays qui nous parcourions.
Tu m’avais beaucoup vanté les rives de la Saone, elles ont encore surpassées
mon attente ; j’étais si heureuse par moment qu’il me semblait réver,
tout était enchantement pour moi ; ce que c’est que de n’être point
blasée ! .........
Je te voudrais ici avec moi Chere et bonne sœur pour te
faire apprécier davantage ton intérieur de famille (ta belle sœur à part
bien entendu) figure toi une vieille belle mère de 88 ans bonne mais froide et
sévere, et qui pour ma part, m’a horriblement intimidée ; à présent
je ne la redoute presque plus, plus un beau père, grave et silencieux autant
que possible [p. 4] un jeune veuf pour beau frère, qui est sombre,
très convenablement, et qui ne s’occupe que de sa petite fille, tout cela
réunis dans une maison de campagne isolée, et à côté de laquelle tu
trouverais ton St Vincent un paradis terrestre ; presque jamais de visite
autre que celle d’un bon et simple curé ; vois Chère amie et compare ?
........
Demain s’il fait beau nous devons aller passer la journée
à Bourg c’est très près d’ici, et Sophie est bien aise de me faire faire
ce petit voyage moi j’en suis enchantée ! cette pauvre amie me répète
à chaque instant combien elle est heureuse de m’avoir elle me comble de
témoignages d’amitié ; elle se tourmente beaucoup dans la crainte que
je ne m’ennuies, mais elle a tort tout a fait il n’en est rien.
Adieu Ma Chère Nancy peut être trouveras tu les détails
que je te donnes un peu longs, j’avais trop besoin de te mettre au courant de
tout ce que je fais ; je pense que ma lettre te trouveras établie chez toi,
notre pauvre mere doit se trouver bien tristement depuis ton départ, je lui ai
écrit avant hier une grande lettre dans l’espoir de la [p. 5]
distraire, pour toi j’aurais tant et tant de chôses à te conter que je ne
puis me résigner à finir, cependant il faut garder quelque chôse à nous
dire, adieu
[adresse au milieu de la page]
Madame
Madame Camille Pal
Rue Neuve
Grenoble
Isère
[au bas de la page, sous l’adresse]
Des amitiés par centaines à ton Camille, et à ma chère
petites niéces des millions de baisers
Tout à toi
Ton affectionnée sœur
A B
2011.02.126 | Jeudi 14 mai 1835 | À sa sœur Nancy Berlioz-Pal | Texte corrigé | — |
Cinq pages en tout; un feuillet de quatre pages écrites, un page séparée avec la fin du texte et l’adresse d’un côté, blanc de l’autre. Timbres postaux: LYON, 15 MAI 1835; GRENOBLE, 16 MAI (1835) (année peu lisible).
L’Abergement le 14 Mai Jeudi
Je suis bien reconnaissante de ta longue
et aimable lettre Ma Chère Nancy, d’apres ce que tu me dis du trouble qui
règne dans votre intérieur, je ne saurais assez te remercier d’avoir pu
surmonté ton ennui, et ton irritation au point de me mettre au courant de tout
ce qui m’interesse ; le mariage de ta cousine Louise m’a peu étonnée,
mais comme toi je suis encore à comprendre comment elle est assez résignée
pour aller habiter avec un vieux beau pere et sa sœur ; pour moi dont la
position est bien différente de la sienne sous tous les rapports ; je
crois que jamais je n’y aurais consenti, l’expérience de toutes les jeunes
femmes à commencer par toi et à finir par Sophie, me prouve que c’est chôse
fort ennuieuse, et très difficile à supporter même pour les meilleurs
caractères ; aussi je prie Dieu de toute mon ame de n’être jamais mise
à semblable épreuve, je ne suis pas assez parfaite !
conclusion !......
[p. 2] Depuis ma derniére lettre notre
genre de vie c’est beaucoup animé, ces Messieurs se sont tout à fait apprivoisés
avec moi, ils causent bien, et je vois maintenant qu’il ne leur manquait que
la bonne volonté de montrer tous leurs moyens : les heures des repas sont
toujours maintenant très agréables ; les grands parents et le
vieux intendant parlent de leur cotés tres gravement ; mais nous, tout bas
nous plaisentons à qui mieux mieux ; je vois les gens et les chôses sous
un aspect beaucoup plus favorable que les prémiers jours, le pays est vraiment
riant et tres varié, nous faisons toutes les apres midi de longues promenades,
il y a dans les environs tout pleins de petites villes dans le genre de la Côte
et même mieux ; ainsi les buts ne nous manquent pas, nous avons une Anesse
sur laquelle nous montons alternativement de la sorte nous pouvons faire de plus
longues courses ; ces Messieurs nous accompagnent, et se divertissent un
peu à nous faire galoper pour juger de notre adresse ou plutôt de notre
gaucherie ; Dimanche pour varier un peu ils cedèrent enfin aux instances
de Sophie [p. 3] et se mirent à chanter chemin faisant,
seuls et en partie de maniére à me faire grand plaisir, ils ont tous deux d’assez
jolie voix, mais sur tout le mari de Sophie, aussi il fallait voir comme elle
était contente de mon admiration ; les femmes aiment tant a fait ressortir
leur mari, par tous pays elles sont de même je le vois bien ; l’autre
jour nous avons fait de bons rires à ce sujet, sur la route de Bourg ;
mais je te conterai tout cela plus tard ; que je te dises seulement que
notre voyage fut on ne peut plus agréable, mais à part les promenades, et l’eglise
de Brou ; le reste de la ville a peu répondu à l’idée que je m’en
étais formée, je trouve que Grenoble est un second Paris en comparaison ;
nous devons aller à Macon cette semaine l’on m’assure que cela vaut
infiniment mieux, nous verrons ? pourvu que Mme Sabine ne s’arrange
pas de maniére à trop brusquer mes plaisirs ; Sophie ne peut se resigner
à cet arrangement elle voudrait absolument me garder aumoins six semaines, et
se chargerais de me ramener ; mais malgré tout le desir que j’en aurais,
je ne parlerai pas de cela [p. 4] à ma bonne mère je sens trop
combien il est généreux de sa part de se passer de moi dans ce moment, son
isolement m’attriste quand j’y songe Je compte beaucoup sur tes lettres et
les miennes que je ne ménage pas, et sur la société de Mme Pion
pour la distraire.
Pour moi je me trouve si bien ici que j’aurai de la peine
à en partir ; Sophie ne cesse de me remercier de ma visite, elle prétend
que de parler avec moi était un besoin impérieux pour elle, et que ses
malaises ne venaient que de ses longs silences, aussi Dieu sait que nous ne
ménageons pas le remède ; ces Messieurs s’amusent souvent à nous
regarder parler de loin, et ne peuvent comprendre comment nous y tenons, ils
nous contrarient toujours à ce sujet ; mais tout en riant avec eux nous n’en
disons pas un mot de moins.
Je voudrais pouvoir te faire connaître et apprecier
Sophie Ma Chère Nancy, je suis sure que tu l’aimerais aussi ; elle est
si naive, si bonne, et avec cela à tant de raison, un jugement si parfait, que
je suis toujours à l’admirer, je crois que ma visite me [p. 5]
sera très utiles sous beaucoup de rapports, je remarque aussi avec plaisir, qu’elle
a souvent les mêmes idées que toi sur beaucoup bien des sujets ; depuis son
mariage elle s’est formée d’une maniére extraordinaire et c’est une
femme parfaite si toute fois il y en a ?.......
Je ne puis me résigner à finir Chère Sœur, j’ai encore
tant à dire ; mais l’heure du diner approche Sophie m’attend ; et
veus même absolument que je te remercie particuliérement de sa part pour avoir
bien voulue engager Maman à me laisser venir !.....
Adieu Chère et bonne Nancy, il y a des vis[.....]ujourd’hui,
il ne faut pas que je me fasse attendre ; ne m’oublies pas aupres de mon
cher frère Camille, je t’embrasse bien tendrement ainsi que Mathilde.
Ton affectionnée sœur
A B
[adresse à la dernière page]
Madame
Madame Camille Pal
Rue Neuve
Grenoble
Isère
2011.02.127 | Dimanche 24 mai 1835 | À sa sœur Nancy Berlioz-Pal | Texte corrigé | — |
Six pages en tout, un feuillet de quatre pages écrites plus deux autres pages, adresse à la sixième. Timbres postaux: TOISSEY, 26 MAI 1835; GRENOBLE, 28 MAI 1835.
L’Abergement le Dimanche 24 Mai
J’attendais ta lettre avec grande
impatience Chère Nancy, et je t’en remercie beaucoup bien
malgré le ton un peu
sevère que j’y ai trouvé à chaque ligne et qui m’as chagrineé beaucoup
à la prémiere lecture ; puis en y réfléchissant je me suis convaincue
que ton intention n’était pas de me gronder, et pourquoi le ferait tu en
éffet chere sœur ? Je prolonge beaucoup mon séjour ici, c’est vrai,
mais c’est d’après les offres réitereés de notre bonne mère que je n’ai
pas cru mal faire en cèdant aux instances de Sophie ; et quoique tu en
dises belle Dame je ne galoppe point à droite et à gauche la bride
sur le cou ; de maniere à avoir de la peine à rentrer sous le joug
maternel suivant tes propres expréssions ; je suis [p. 2] dans
une famille aussi respectable et considérée que possible, tout le monde y a un
ton très réservé, et tres convenable sous tous les rapports ; la vieille
grand mère malgré ses 88 ans, n’est ni sourde, ni aveugle, ni impotente,
bien loin de la et je réponds que c’est un Mentor qui en vaut bien d’autres ;
quand aux Messieurs ce que je puis te dire de plus capable de te rassurer, c’est
que depuis que je t’ai quitté je ne me suis pas trouvée une seule fois
(entends tu bien ?) dans une position embarrassante pour une jeune personne,
jamais un mot de trop, jamais ! ........ quand à ma conduite à moi je ne
pense pas avoir rien à me reprocher sous aucun point et tu sais que je
suis difficile à contenter ; je sais positivement que Mmes
Gautier et Munet m’ont
trouvés l’air bien élevée et surtout très réserveé !.. pour
les hommes Sophie m’a avouée qu’ils m’avaient jugeé un [p. 3]
peu froide au prémier abord, mais à part cela hem !
.... je te conterai puis les compliments je ne veus pas que tu en perdes un mot
lis je te prie une portion de ma lettre à Camille j’ai peur que lui aussi ne
se tourmente un peu de ce que je deviens ici, et je tiens singuliérement à
vous rassurer tous deux ; dis lui que la Chinoise à fait de l’effet
ici (Modestie à part !
on a déclaré à l’unanimité que coiffeé ainsi je n’avais que quinze ans ;
du reste Sophie sagement ne m’en donne que 18 en dépit de notre conformité d’age
que j’oublie de nier à chaque instant, et ce qui m’attire des reproches de
sa part, cette bonne amie a une vanité extrème pour moi, et sait tres bien
sans la moindre affectation faire ressortir ce que j’ai de passable ; je
suis entre bonnes mains je te le repète, et malgré ma mauvaise tête je
saurai profiter d’un aussi bon modèle ! ...
[p. 4] A present parlons de mon voyage à
Bourg Chère Nancy il faut que j’ai le cœur net de tous tes reproches,
Maman m’en a fait beaucoup aussi à ce sujet, et Dieu sait que j’ai été
horriblement triste de tout cela ? moi qui avait cru agir tres sagement en
passant dans cette ville incognito ; je pensais qu’il vallait
mieux ne pas aller tomber comme de la Lune dans la famille Golety ;
expliquer avec qui, chez qui, et où j’etais ? j’étais si lasse
des présentations, et des visages inconnus, que je conviens que la froideur
ordinaire de Mme Rosanne n’était pas capable de m’encourager
assez pour surmonter ma timidité ; puis je redoutais (puis qu’il faut
tout dire la comparaison des
deux sœurs cette idée là m’aurait rendue encore cent fois plus gauche et
plus bête ; mais enfin j’aurais surmonté tout cela n’en doute pas je
te prie, Chere sœur si je n’avais cru faire mieux que bien, et si je avais
su que tu le désirais ainsi que nos Parents ; il y a de quoi me dégouter
a jamais de mes prudences mal placées
[p. 5] Voila ma confession faite sur tous les
points il ne me reste plus qu’a faire des vœux pour qu’elle te trouve
disposée à l’indulgence et à l’équité, c’est la derniere fois
que tu recevras de mes nouvelles d’ici, nous partirons probablement samedi
pour Lyon, Mme Pion n’y arrivant que Lundi il est à presumer que
je ne serai à la Côte qu’a la fin de l’autre semaine, ainsi je te prie
reponds moi chez Mr Gautier tu me fera grand plaisir de me dire si
mes explications t’ont pleinement satisfaite
La lettre de Mathilde m’a rendue fière et contente de son
petit souvenir il me tarde bien de revoir cette chère petite en attendant je
pouponne bien ici, et souvent je me trompe et j’appelle Mathilde pour Helène
ou Melchior, ce sont aussi de beaux et gentils enfants que je me prends à aimer
tout à fait, et dont je veux te parler longuement à mon retour ; mais qui
sait quand je te verrais ? et pourtant j’aurai tant et tant de chôses à
te conter ! ...
[p. 6] Adieu Ma Chère Nancy, Sophie trouve que je ne
finis plus, et s’impatiente chaque fois que je bavarde si longuement avec toi.
adieu adieu je t’embrasse tendrement ainsi que Camille et Mathilde
Ton affectionnée sœur AB
[ici l’adresse au milieu de la page]
Madame
Madame Camille Pal
Rue Neuve
Grenoble
Isère
[au bas de la page, sous l’adresse]
P. S J’oubliais de te remercier de nous avoir découvert une cuisiniere vraiment j’en suis bien contente ; j’ai écrit hier à Maman, et je n’ai pas songée à l’en féliciter
2011.02.128 | Lundi 6 septembre 1847 | À sa sœur Nancy Berlioz-Pal | Texte corrigé | — |
Un feuillet de quatre pages, les trois premières écrites, adresse à la quatrième; lettre écrite à la hâte, écriture négligée. Timbres postaux: VIENNE, 6 SEPT. (année illisible); VOREPPE, 7 SEPT. (18)47.
Vienne Lundi matin
Je reçois en même temps Chere Sœur ta
lettre et celle de mon Pere les impromptus ne me conviennent pas plus qu’a
toi et je suis toute troublée de l’arrivée subite d’Hector
Mon mari est parti Samedi il était de nouveau un peu
souffrant et je le décidai à s’embarquer, depuis lors je me préoccupe sans
relâche de son voyage, jusqu’a ce que j’ai de ses nouvelles ma pauvre
tête sera bien à l’envers.
J’espere en avoir demain
Il a du prendre une longue route pour aller à Grenoble et
Allevard par Lyon et le pont de Beauvoisin, l’essentiel et qu’il se trouve
bien ; j’ai passé une nuit affreuse mille craintes me torturaient
J’avais appris hier que Mme Faure avait pris
un
espèce de transport au cerveau [p. 2] et qu’elle avait été tres
malade il y a huit jours à Arveulieu il avait fallu la
seigner 3 fois dans la
journée elle va bien mieux mais c’etait une suite de fiévre muqueuse comme
Marc et ce rapprochement me fait mal, s’il allait faîre comme Mme
Casimir en route et sans moi ? ...
Je dois ecrire à mon pere que je ne veus pas me mettre en
route avant d’avoir des nouvelles de mon mari
après des indécisions sans fin je me decide a lui annoncer
mon arrivée à la Côte pour Mercredi dans la nuit par la diligence
J’ai une queue de lessive des tailleuses etc etc comme toi
je ne puis tout laisser inachevé
[p. 3] Joséphine va assez bien heureusement
Adieu chere comme tu dis tout serait mieux si on s’annoncait
d’avance pour tous
a vendredi donc au rendez vous general
Ad
[p. 4] [adresse]
Madame
Madame Camille Pal
Voreppe
près Grenoble
2011.02.129 | Samedi 13 janvier 1838 | À sa sœur Nancy Berlioz-Pal | Texte corrigé | — |
Un feuillet de quatre pages écrites, adresse à la quatrième; déchirure au côté droit de la troisième page. Texte de lecture difficile à cause de la pénétration de l’encre d’un côté de la page à l’autre. Timbres postaux: LA COTE-ST-ANDRÉ, 13 (mois illisible) 1838; GRENOBLE, 14 JANV 1838.
La Côte St André Samedi soir
Tu as vraiment bien fait Chère Amie de ne
pas te casser bras ou jambes en tombant, car je ne t’aurais pas pardonnée
cette sottise dans ce moment surtout ; J’ai besoin de vous tous
dispos, et satisfaits, c’est la seule pensée qui me repôse de mes tristes
préoccupations
Maman a été encore tres souffrante depuis ma derniere
lettre, les douleurs dans le côté étaient revenues pire que jamais,
hier soir elle ne pouvait faire un mouvement dans son lit sans crier, aujourd’hui
elle sont beaucoup moins fortes, elle est calme et ne s’inquiète
pas à notre grand soulagement ; je ne sais si je dois attribuer ce mieux
aux sang sues qu’on a appliqués ce matin et qui saignent encore ?
Il parait prouver maintenant [dans la marge de gauche, de
haut en bas] Je vous embrasse bien tendrement Mille chôses tendres à
Camille de ma part et à mon Cher Bijou Ton affectionnée AS
[p. 2] que ma pauvre Mère a un rhumatisme aigu des moins violents
il est vrai, mais comme aulieu de se porter sur un membre, il est dans [mot
biffé] l’interieur, il sera je [mot
biffé] le crains plus long et plus difficile à guérir, il faut
donc s’armer plus que jamais de patience, et se trouver heureux encore d’être
éxempt d’inquiétudes sur la gravité de la maladie
pour tout le reste gràce a Dieu je me sens du courage, je ne
veus pas absolument me laisser dominer par l’ennui, et quand je serais tentée
de cela je songe vite aux gens plus malheureux que nous
à Mme Scimieu par
exemple qui depuis 17 jours ne peut faire un mouvement dans son lit a
cause d’un dépôs de lait qu’elle a au bras et qui la fait souffrir le
martyre en pensant à la position de cette malheureuse femme je rougis de me
plaindre
Les jours s’écoulent bien vite tous tristes qu’ils sont
pour nous on a assez à faire d’un remède à l’autre, on [p. 3]
arrive au soir sans avoir le temps de se retourner ; Monique jusqu’a
présent à couchée dans la chambre de Maman mais c’est à mon tour
maintenant, et j’ai déclaré que je voulais quelle se reposat, si cela se
prolonge tout l’hiver il ne faut pas s’abimer tous à la fois, la force et
la bonne volonté ne me manquent pas ainsi ne t’inquiètes pas de moi
Chere
S[....]
Mon pere est plus résigné [...] sa santé est passable,
Maman [...] plus calme, et sa force est étonnan[..] pour quelqu’un qui ne
mange rien que quelques cueillerées de bouillons clair. depuis quinze
jours, elle n’a pas de fievre maintenant cela me tranquillise beaucoup.
Tes lettres lui font grand plaisir cela la distrais un peu
des ses maux je lui ai lu la relation de ton diner brillant, mais j’ai cru
prudent de ne pas lire l’article du parterre [p. 4] Je te
remercie des détails que tu me donnes sur les plaisirs de Grenoble, l’année
prochaine qui sais si je ne prendrai pas ma revanche ? en attendant amuse
toi pour deux, je compte sur une invitation
du bal de Mme Simon, il me faut cette distraction ainsi fait toi
belle chere sœur et vas y !
[ici l’adresse au milieu de la page]
Madame
Madame Camille Pal
Rue Neuve
Grenoble
[au bas de la page, sous l’adresse]
Adieu adieu je te dis les chôses telles quelles sont ainsi ne te tourmente pas hors de propos ; sois tranquille je ne voudrais pas t’abuser ce n’est pas mon système écris moi à ton aise aussi ; je prends mes précautions, dis ce que tu voudras [salutation terminée dans la marge gauche de la première page]
2011.02.130 | Jeudi 18 janvier 1838 | À sa sœur Nancy Berlioz-Pal | Texte corrigé | Image |
Un feuillet de quatre pages écrites, adresse à la dernière. Timbres postaux: LA COTE-ST-ANDRÉ, 18 (probablement) (mois et année illisibles); GRENOBLE, 19 JANV 1838.
La Côte St André Jeudi soir
Je t’ecris aussi au lendemain Ma
Chère Nancy, mais il a peu de rapports avec celui d’un Bal, j’ai passé la
nuit à faire mon bas, pres du lit de Maman
J’étais si heureuse de l’entendre dormir quelques
instants, de sentir mon pere et Monique se reposer un peu, que je ne sentais
pas le moindre sommeil, le calme qui reignait autour de moi me faisait éprouver
une jouissance indicible
Maman me semble un peu mieux, les Angoisses Nerveuses
ont été moins violentes le matin, car c’est toujours entre huit et neuf
heures que la crise (je ne saurais appeler cela autrement) est plus violente ;
grâce à un Lavement d’Opium elle est tres calme depuis plusieurs heures ;
ces courts moments de trêve sont bien précieux pour nous tous on reprend
courage, on en a besoin !! [p. 2] Cela m’attriste Chere Sœur
de répondre à tes descriptions de fetes et de toilettes brillantes ; par
des détails de maux et de remèdes ; depuis ma derniere lettre on applique
encore ses sang-sues sur le terrible côté, puis apres des ventouses, et
ensuite un large vessicatoire pardessus tout cela ; en esperait beaucoup de
ce dernier pour attirer l’irritation à l’exterieur, mais il ne donne pas
et la douleur est toujours de même à peu de chôses près ;
Monsieur Buisson serait d’avis encore des sang-sues ; mon père d’un
autre vessicatoire, et Maman est si lasse des essais inutiles qu’elle ne veut
plus que le repos, et je conçois bien son découragement on en
aurais à moins
J’ai l’esprit si peniblement préoccupé Chere Sœur que
j’avais oublié le fameux Bal, je m’étonnais beaucoup de son silence
depuis Vendredi passé, Maman en était presque [p. 3] un peu irrité,
de sorte que je ne savais trop que faire ce matin avec ta lettre j’avais peur
que le récit des plaisirs ne fit un mauvais éffet dans sa disposition d’esprit ;
Il n’en a rien été grâce à Dieu, elle s’est interressée plus que je n’osais
l’esperer aux détails que tu nous donnes.
Mon pere ne va pas mal, mais il est sourd d’une maniere désesperante
du matin au soir il faut que je repète le moindre mot, que je serve d’échos
au plus léger gemissement de notre pauvre mere encore le tout contie[..]
des quiproquo. quand je suis enco[..]
fatiguée j’ai toutes les peines du monde à retenir un mouvement d’irritation
cela est souverainement injuste je le sais et je fais tous mes éfforts pour
dissimuler ce que j’éprouve.
adieu chere sœur adieu je prends mon mal en patience et j’espere
toujours pour le lendemain, je crois qu’on finit par s’accoutumer a tout, il
me semble je ne [p. 4] saurais plus avoir d’autres idées, adieu
adieu je ne sais ce que je dis je rève debout
Camille depuis un siecle ne me fais dire un mot d’amitié,
Mathilde m’oublie ! mais pas toi j’en suis sure Chere Nancy
Tout a toi
AB
[ici l’adresse au milieu de la page]
Madame
Madame Camille Pal
Rue Neuve
Grenoble
[au bas de la page, sous l’adresse]
nos compliments bien empressés à Mme
Augustin
Les fameuses Lancettes pour Samedi si tu pouvais aussi me
choisir quelques livres chez Marechal ce serait une charité
2011.02.131 | Mardi 30 janvier 1838 | À sa sœur Nancy Berlioz-Pal | Texte corrigé | — |
Cinq pages en tout, un feuillet de quatre pages écrites plus une feuille d’une page écrite avec adresse au verso. Timbres postaux: LA COTE-ST-ANDRÉ, 30 JANV 1838; GRENOBLE, (jour et mois illisibles) 1838.
La Côte – Mardi
Le Mieux se soutient !... il
est sensible aujourd’hui même pour notre bonne mère félicitons nous
donc Chere Sœur et prenons courage, nous marchons, et pour être
moins rapide, notre marche en sera plus sure ; hier apres ton départ maman
dormis quelques heures, l’après-midi fut moins tranquille, deux
tentatives pour avaler de l’opium provoquèrent des éfforts violents, et des
vomissements qui nous éffrayerent un peu ; mais plus tard elle prit du
Bouillon qui lui redonna des forces, elle se leva sans éprouver de faiblesses,
et resta deux heures sur son fauteuil, tout a fait bien à notre grande
joie à tous elle m’ecouta long-temps lire avec plaisir, puis Mme Pion
vint, elle prit part à notre conversation, comme une [p. 2]
personne bien portante, je jouissais délicieusement et je regrettais que tu ne
fus pas là Chere Nancy pour partager ma joie, la soirée fut excellente, j’esperais
une aussi bonne nuit, mais elle n’a pas dormi du tout ce matin un lavement d’opium
a encore occasionné le même effet qu’hier c’est étrange, mais à
present
il sera tous les jours moins necessaire, ainsi cela m’inquiéte peu,
Maman vient de remplacer sa mauvaise nuit par un sommeil paisible de trois
heures en se réveillant elle a prit une soupe un peu plus forte qu’a l’ordinaire
qui ne la fatigue nullement, une petite dôse d’eau et de vin sucré, a bien
réussi également, et depuis hier ce n’est pas la premiere ; mais nous
irons bien prudemment sois tranquille
pendant que je t’écris Maman essaye de se
rendormir, J’ai soussigné la poste et je puis à mon aise te communiquer mes
bonnes nouvelles.
[p. 3] Mon dieu que cela fait du bien de ne plus
avoir de montagne sur l’estomac ! Je respire ; mes nerfs se
détendent ; c’est bien temps ma chère il me semble que la mesure était
comble et je remercie le ciel cent fois par minutes d’être enfin venu à
notre secours ! ...
Je ne puis te dire combien je suis contente de pouvoir t’ecrire
sans combiner mes phrases, franchement sans arriere pensée te dire que Maman
est mieux, décidement mieux qu’elle-même en convient, qu’elle ne
se désole plus ; quelle commence à faire des projets pour manger
cependant en nous repondant, ne parle pas trop de tout ce que je te dis, il
faut encore des ménagemens un mieux
officiel impatienterait peut-être ?
mais je suis satisfaite quand même !...
[p. 4] J’ai vu aujourd’hui sur le journal la
décision sévère du Ministre de la Guerre au sujet du duel de Vesoul, le Chef
d’escadron qui s’est battu est destitué, un des témoins condamné
à un mois de prison et le second aux Arrets de rigueurs pendant
quinze jours ainsi que le colonel !… c’est un peu fort pour ce
dernier et je conçois son irritation on n’en aurait à moins ; si j’ai
le temps je lui écrirai à ce pauvre oncle.
Adieu Chere Sœur, soigne toi, tu dois avoir besoin de repos
et de distraction apres ta campagne de la Côte, jouis sans arriere pensée du
plaisir de te retrouver chez toi pres de ton bon Camille et de ta Mathilde,
sors un peu je te l’ordonne et ne t’inquiétes plus de nous maintenant nous
ne sommes pas si à plaindre, et tu as bien fait de partir je te le repète ;
je jouis de te savoir [p. 5] plus agréablement qu’aupres de nous,
cela me console de tout, j’aime mieux gémir seule qu’avec ceux que j’aime
mais maintenant je ne gémirai plus j’espère ainsi soyons tous contents adieu
adieu mille et mille amitiés à mon bon frère Camille j’ai eu beaucoup de
remords de ne t’avoir chargé de rien de tendre pour lui mais j’étais si
péniblement [..]sorbée que je suis pardonna[...] maintenant que j’ai l’esprit
[..] le cœur plus contents ma prémiere pensée est pour mon bon frère, et ma
Mathilde je vous embrasse tous bien tendrement.
Tout à toi
AB
[adresse au verso]
Madame
Madame Camille Pal
Rue Neuve
à Grenoble
2011.02.132 | Janvier-début février 1838 | À sa sœur Nancy Berlioz-Pal | Texte corrigé | — |
Un feuillet de quatre pages, les trois premières écrites, adresse à la quatrième. Pas de timbre postal : la lettre n’a pas été postée, mais remise à la main.
La Côte Lundi Soir
Je saisis avec empressement Chere Sœur
toutes les occasions de te donner des nouvelles de notre bonne Mère, je serais
bien heureuse si je pouvais enfin t’annoncer un Mieux positif, le
moment n’est pas encore venu, et je ne puis que te répéter ma formule ordinaire
depuis un mois, « c’est toujours de même » Il y a
des gens qui penseraient que je ferais aussi bien de ne pas t’ecrire si
souvent n’ayant rien de mieux à dire, mais moi je pense que tu préfères
encore savoir à quoi t’en tenir jour par jour, de cette manière on s’inquiète
moins s’il est possible.
Maman a été passablement cette apres midi, elle est resté
levée sans trop de fatigue une heure de plus qu’hier j’ai remarqué qu’il
y a toujours [p. 2] alternativement un jour moins mauvais que l’autre
les douleurs n’ont pas été aigues, les angoisses nerveuses moins fréquentes ;
Monsieur Buisson a décidé d’accord avec mon père qu’il fallait
cependant se décider demain à faire une nouvelle application de sang sues, et
a frotter les piqures avec la terrible pommade Epipastique ;
je frissonne au seul nom de ce remède, très éfficace il est vrai mais si
douloureux !…..
Je ne saurais t’en dire plus long Chere Sœur, je suis si asphixiée
d’ennuis de froid, de sommeil qu’il me serait impossible de rien tirer de ma
pauvre tête ; je suis incapable d’autre chôse que de chauffer des linges
à Maman de gémir, et de foudroyer
Mon bas
c’est mon souffre douleur.
Adieu adieu je vous embrasse tous bien tendrement
Ton affectionnée
AB
Maman s’étonne de l’indifférence de
mes oncles et tantes à son égard, est ce à torts ? [p. 3] Mr
Charles Bert qui te remettra ma lettre pourra te parler plus en détails de
l’état de Maman il l’a vue hier
Mon père réclame encore ses Lancettes, et voudrait
savoir si le cher Prud’homme est payé ?
[p. 4] [adresse]
Madame
Madame Camille Pal
Rue Neuve
Grenoble
2011.02.133 | Dimanche 31 décembre 1837 (?) | À sa sœur Nancy Berlioz-Pal | Texte corrigé | — |
Six pages en tout; un feuillet de quatre pages plus une page séparée; une lacune vers le bas de la dernière page; pas d’adresse, d’enveloppe ou de timbre postal. Écriture assez hâtive et fatiguée.
La Côte St André, Dimanche
Je t’envois enfin le fameux volant
Ma Chere Nancy, il y a bien fallu toute ma tenacité pour le finir hier, j’avais
travaillé toute la semaine avec ardeur, aussi les huit aunes que je m’étais
imposées étaient terminées de bonne heure mais le peu que j’avais voulu
faire broder m’a donné plus de peine que tout le reste, d’abord pour
trouver des ouvrières, puis elles me manquaient de paroles ;
me faisaient des bêtises malgré toutes mes précautions, enfin si tu n’es
pas contente ce ne sera pas ma faute Chere Sœur j’ai fait de mon mieux pour
tout.
Je veux me débarrasser avant de parler d’autres chôses de
l’article commissions La plus importante le Brochet tu peux y
compter on le pêchera jeudi, il sera de dix à douze livres nous te l’enverrons
par Dumont [dans la marge de
gauche, de haut en bas] Pour le chapeau je n’ose rien
promettre de positif [p. 2] avec une provision de Beurre frais, des
fleurs, et une nape que Maman te
(prêtera) le Gibier se trouvera aussi je pense on ne peut l’acheter d’avance
et dans tous les cas nous t’avertirons à temps …… voilà
Tes lettres nous font toujours grand plaisir Chere Amie, Maman
s’interresse à tout ce que tu racontes de tes plaisirs, elle jouit de penser
que toi aumoins tu passes quelques moments agréables pour nous tous les jours
sont aussi tristes Maman est toujours de même, c’est désolant je ne
vois pas de terme à cette maladie, elle n’a pas eu la force d’aller à la
messe aujourd’hui, et se plaint maintenant d’une douleur de côté,
son dégout pour les vivres continue mon pere s’en
inquiète, il craint que que l’estomac s’accoutume trop à se reposer, et
que Maman perde ses forces tu sais que ce n’est pas [mot
biffé] sa crainte ordinairement,
et cela m’étonne beaucoup [p. 3] Je suis ennuiée plus que je ne
saurais dire et je finis l’année dans une triste disposition d’esprit, je
me suis fait un long sermon avant de commencer ma lettre pour me décider à ne
pas te faire de lamentations, je me permettrai seulement de te dire que les
visites ennuieuses me tuent !…. Je croyais de ne pouvoir trouver un
instant pour t’ecrire de l’une à l’autre c’est continuel et les moins
agréables sont les [mot
biffé] plus longues
et presque habituelles, si cela dure encore quelques temps mes pauvres nerfs en
seront victimes !.. conçois donc pas une minute de solitude et de liberté !…..
Maman ne pouvant pas trop parler il faut que je m’extermine moi pour soutenir
la conversation absolument et encore j’ai l’air enchanté cela fait plaisir
à Maman trop heureuse ! [mot
biffé] à chaque jour suffit sa peine je me couche tous
les soirs rendue de corps et d’esprit ;
patience égale.
[p. 4] prudemment j’essaye de m’accoutumer à
l’idée de point aller à Grenoble ce carnaval, je me surprends par ma
résignation quelques fois ; il y a trois ou quatre ans une pareille perspective
m’aurait mise au désespoir ! la belle chôse que de vieillir ! ….
je prendrais mon parti Je de
tout pourvu que tu te portes bien et que tu sois contente, cette pensée me
repose délicieusement l’esprit, que te manquerais-t-il dans ce moment pour
cela ?… ainsi donc pour souhait de bonne année je ne désire que rien ne
change autour de toi … santé, repos, aisance, n’est-ce pas le bonheur avec
un Camille et une Mathilde….. ? à propos de cette chere
petite endiablée je lui envois un petit ménage tres complét,
j’aurais voulu trouver mieux mais c’est peu facile ceci
ce n’est donc qu’un petit souvenir de sa folle de Tante, qui la punirait
bien ce soir de bon cœur en rugissant
[p. 5] cependant Jeudi Mr Hypolyte m’invita avec mes
fillettes vraiment je suis charmée de cette attention, il pleuvait, je m’ennuiais
et cette diversion était précieuse Les dames Pion sont toujours absorbées
dans leurs affaires, puis je t’avoue que j’ai perdu l’habitude des
conversations malveillantes, des curiosités sur tout le monde et toutes chôses
j’y trouve moins que du plaisir de l’irritation…
l’autre jour j’allai chez ces Dames un moment il ne fut
question que de la douleur [..] Mme
Jîmieu critiquée, comme [.....]
sans pitié on savait tout [.....] ..
puis Mme Sab[… lacune …]ant sur tout on
s’étonnait, on s’exclamait sur sa maniere de vivre après la Banqueroute
de son mari, je ne trouvais rien à repondre mais je souffrais plus que je ne
puis dire et n’y suis pas retourné depuis [p. 6] avec tout ce
genre intolérable la belle Nancy devient laide et ne fait pas fureur à ce
qu’il parait la République n’aide pas à trouver des maris ; Mr
Monet attend toujours aussi que son Usine reprenne ses travaux, comme François
son inaction l’irrite je les comprends, ma Tante doît s’agiter de l’avenir
de ses enfants si fort compromis, la perspective de se faîre paysan à
Muriannette est peu séduisante à mon avis, et je regrette doublement pour lui
Melle Monet je n’ai
pas su si le mariag[.…] se faisait cette saison et si [...] Assises étaient
terminées Mme [..]yron étant à Rives je ne la [....]ai pas.
Adieu Chere Sœur l’idée de retourner chez moi me fait
battre le cœur de joie mais quand je regarde notre pauvre pere il ne me reste
plus que de la tristesse…. et du découragement je t’écrirai un mot avant
de partir. J’embrasse Mathilde de moitié avec toi tendrement
A
2011.02.134 | Vendredi 26 février 1841 | À sa sœur Nancy Berlioz-Pal | Texte corrigé | Image |
Un feuillet de quatre pages écrites, mais le texte s’arrête au bas de la dernière page et semble incomplet; pas de formule de salutation, de signature, d’adresse ou d’enveloppe. Écriture assez hâtive.
St Chamond Vendredi
Merci ma Chere Sœur des détails que tu
me donnes sur tes plaisirs et tes toilettes, cela nous rapproche il me semble ;
à mon tour que je te raconte que j’ai passé tres gaiment mes derniers jours
gras. mon voyage à St Etienne a été charmant, en dépit de la pluie battante
qui nous y a accompagnés dimanche cela a été le dernier malencontre Mr
Dumoret nous attendait avec sa voiture au chemin de fer, et pendant deux jours
nous avons été comblés de toutes les attentions les plus aimables, la
recherche de Mme Teisseire et de Mme Jourdan pâlisait
devant celle de Mme Dumoret, il est impossible de rien désirer de
plus confortable que cette maison ; la soirée de Lundi était
excessivement nombreuse, et parfaitement bien la maitresse de la maison etait jolie comme un ange ; mais que je te divertisse un peu à mes
dépends croirais tu ma Chère que pour danser la [p. 2] la second
contredanse (comprends tu la seconde ?
j’en ai été reduite à un criquet de clerc d’avoué envoyé par
le maitre de la maison !….. oh humiliation… J’étais si outrée
que je voulais refuser mais cependant la crainte de m’ennuier toute la soirée
à faire tapisserie m’a décidé a subir mon triste debut pour me consoler je
me rappelais alors mes succès d’autre fois du temps de dada et de
mille autres je m’exagérais même mes vieux triomphes par pitié….. puis j’ai
réflechis que je m’étais peut être trop modestement cachée dans un coin du
salon ; alors j’ai fait un tour de salon avec un aplomb rare J’ai
avancé mon fauteuil davantage en un mot je n’ai rien négligé de ce moment
la tout est allé à merveille, ma toilette etait une des plus jolies, et mon
mari m’assurait que je lui faisais beaucoup d’honneur…
Enfin cela n’empèche
pas suffit !… [p. 3] à mon retour j’ai fait rire les dames
aux larmes en leur racontant mes succès Mme Richard m’a
avoué alors que pareille chose lui était arrivée à St Etienne l’année
passée et comme elle est tres bien tres
bien cela m’a consolée. Nous sommes revenus Mardi a midi à peine
ai-je eu le temps d’embrasser Finette on nous attendait au second pour diner,
Marguerite avait heureusement tous préparé pour le soir, ma réunion a été d’une
gaité folle, je ne trouve pas dans mes souvenirs de jeune fille aucune occasion
ou je me sois tant amusée.
J’avais entendu dans l’apres midi des musiciens ambulans,
l’idée me vint de les faire venir le soir, Marc toujours si empressé de me
faire plaisir ne me laissat pas le temps d’en exprimer le desir que tout
était arrangé ; il me gate ce
pauvre ami j’en étais vraiment touchée plus que je ne puis dire. nous
gardâmes bien notre secret : nous commencons une [p. 4]
raisonnable partie de vingt un ; je ne me donnais à dessein
aucune peine pour l’animer, lorsqu’a neuf heures les deux portes de mon
salon s’ouvrent et mon orchestre improvisé est introduit au milieu des
exclamations de surprise de tout le monde ; ils étaient trois réfugiés
Italiens d’un talens rare l’un d eux chantait tres bien un autre l’accompagnait
de la harpe ils nous jouèrent des contredanses délicieuses, les jeunes
personnes étaient ravies du reste leur entrain fut contagieux comme c’etait
tout a fait dans l’intimité ; il y avait beaucoup d’abandon ;
nous avons dansé et galopé jusqu’a minuit, la musique était enlevante,
nous ne touchions pas le parquet ; mon mari était d’une gaité comme je
ne l’avais jamais vu, il dansait avec folie vraiment ma collation était
charmante pendant que nous mangions les musiciens nous jouerent des morceaux
délicieux, nous applaudissions à outrance [la fin de la lettre manque]
2011.02.135 | Lundi 8 avril 1839 | À son père Louis-Joseph Berlioz | Texte corrigé | — |
Une page écrite des deux côtés, mais le texte s’arrête au bas de la deuxième page et la suite manque; déchirure dans la marge de gauche de la première page. Le mot ‘Anjou’ au début de la lettre semble avoir été ajouté après coup par Adèle d’une écriture un peu plus petite.
Anjou Lundi soir 8 avril
Etant resté un jour de plus ici mon cher
papa, je craindrais que vous ne fussiez en peine si j’attendais notre
arriveé
à St Chamond pour vous donner de nos nouvelles.
Je ne puis vous dire mon bon pere avec [.]uel aimable
empressement nous avons été [..]cueillis par la famille Jourdan, on
[.]ous attendait ;
hier nous avons eu un grand déjeuner chez le pere, puis le soir un diner splendide
ici chez son fils aîné ; c’est tout a fait une maison monté pour recevoir
rien n’y manque, aussi mon Oncle se retrouve sur son terrain lui qui aime tant
le confortable ; j’ai occupée sa chambre d’honneur, et la
premiere place à
table chôse qui me troublait un peu.
Mais j’en jouissais de devoir toutes ces aimables
distinctions à mon bon mari qui est traité comme l’enfant de la maison
Nous partons demain matin, et nous arriverons à quatre
heures à St Chamond [p. 2] je pense que Camille vous quitte aujourd’hui
mon bon Pere et cette pensée m’attriste plus que je ne puis dire, quand je me
vois entourée de tant d’affection votre isolement me trouble comme un
remord
Le temps est si froid et si mauvai[.] depuis notre départ que je crains que vous
n’ayez été privé de vos distraction[.] ordinaires, écrivez moi je vous prie
pou[.] me rassurer bien vite, nous vous donnerons encore de nos nouvelles cette
semaine soit de St Chamond soit de Lyon ou nous serons mercredi soir.
Je suis horriblement pressée il y arrive du monde pour le
diner, et mon excellent mari est à coté de moi qui me donne des distractions
par les aimables douceurs qu’il me repète sans me lasser je l’aime déjà
de toute mon ame ne riez pas mon bon Pere, je ne saurais faire autrement
impossible.
Je suis bien aise de vous dire que je fais honneur à mon
mari il a reçu beaucoup de compliments hier sur mon compte, le fait est que [la
fin de la lettre manque]
2011.02.136 | Samedi 8 juin 1839 | À son père Louis-Joseph Berlioz | Texte corrigé | Image |
Un feuillet de quatre pages, adresse à la dernière; petite déchirure au côté droit de la troisième page. Timbres postaux: PARIS, (?) JUIN (année illisible); LA COTE-ST-ANDRÉ, 12 (JUIN) (année illisible).
Paris Samedi 8 Juin
Votre lettre m’a fait de la peine, mon
bon Père, vous paraissez triste, souffrant, l’influence du mauvais temps
agissait aussi sur nous, je pourrais être de même aujourd’hui car ce ciel
fond en eau depuis ce matin, je me console parfaitement d’être
condamnée à rester chez moi ce soir, j’avais plusieurs lettres à écrire,
puis je tiens beaucoup à me reposer un peu maintenant que j’ai à peu
pres la douce certitude d’être enceinte !…. vous comprenez mon bon père
combien mon mari et moi nous sommes heureux de cette bonne nouvelle ? et je
me hate de vous la communiquer esperant aussi qu’elle vous sera agréable
Je
suis presque pas fatigueé mais Marc ne me laisse pas faire d’imprudence Soyez
tranquille cher Papa, j’ai là un tendre surveillant, et je suis tres docile.
Heureusement nous avions fait toutes les courses penibles en
arrivant, avant que je pus me douter de ma grossesse, ainsi je pourrai achever
de [p. 2] satisfaire ma curiosité sans danger.
Nous nous voyons
tous les jours avec Hector je ne puis vous dire mon pere toutes les aimables
attentions qu’il a pour moi j’en suis émerveillée avec son état de
préoccupation ordinaire ; il travaille beaucoup dans ce moment à une nouvelle
Symphonie sur Roméo et Juliette il parait que cet
un ouvrage immense et qu’il espere terminer avant l’hiver Sa femme espere
beaucoup … du reste, ils sont calmes,
heureux et tres unis .. Hector a pris les idées d’un pere de famille,
il pense à l’avenir de son enfant, Henriette aussi a des gouts tres simples,
s’occupe de son menage avec zèle et ne sort presque jamais demain nous
devons aller ensemble a Versailles diner chez un ami d’Hector immensément
riche et qui a eu l’obligeance de nous inviter ; je n’ose vous dire le
plaisir que je me promets de cette journée cher Papa sans vous éffrayer de la
chaleur avec laquelle je vous [p. 3] parle de mes impréssions ;
je suis cependant tres calme
habituellement mais lorsque je vous écris je m’anime au souvenir de tout ce
que j’ai vu ; Paris est une ville de merveille capable de ranimer l’esprit
le plus stupide ; je jouis encore plus qu’une autre parce que j’ai le cœur
satisfait mais je ne me crois point à l’abris des tribulations de la vie, l’expérience
a été trop douloureuse pour l’oublier.
Mais cher Pere je ne vois pas la nécessité de gater mon
present par des apprehensions, et des craintes ?..
J’acheterai votre écuelle
de mon mieux
Louis parle tres souvent de son grand pere de la Côte et de sa
bonne Monique qu’il voudrait bien connaitre dites cela à la pauvre fille elle
sera heureuse d’être connue de ce cher enfant. Lundi nous dinons tous chez
Alphonse il m’a fait l’accueil le plus empressé ainsi que sa [p. 4] femme qui est effrayante de laideur : … mais elle parait tres
bonne !….
Adieu cher papa je ne sais si vous pourriez me lire, je n’y
vois plus, et je suis tres préssée, mes amities à Mme Pion et a Mme
Veyron quand vous les verrez
Nous serons probablement à la Côte avant la fin
du mois et je m’en fais une fete
[adresse ici au milieu de la page]
Monsieur
Monsieur Berlioz
A La Côte St André
Isère
[au bas de la page sous l’adresse, écrit à l’envers]
J’espere que nous vous ranimerons un peu
par le recit de notre voyage
adieu encore bon pere mon mari et moi nous vous
embrassons tendrement
votre affectionnée
A
2011.02.137 | Mercredi 12 juin 1839 | À sa sœur Nancy Berlioz-Pal | Texte corrigé | — |
Un feuillet de quatre pages, adresse à la dernière. Écriture assez hâtive. Timbres postaux: PARIS, 14? le reste pratiquement illisible; GRENOBLE, 17 JUIN 183*.
Paris 12 juin
Je voulais t’écrire Samedi Chere sœur
en même temps qu’a mon Pere, mais cela me fut impossible ; depuis nous
sommes allés à Versailles ou nous avons passé deux jours, à notre
retour j’avais un diner chez Alphonse, ou se trouvaient Mr Al.
Teisseire ; et Mr duchadeau Hector y vint avec nous
sa femme
était un peu souffrante et ne put y venir, nous étions allés ensemble
dimanche à Versailles diner chez Mr Castner un ami d’Hector
immensément riche, la réunion fut assez agréable il y avait plusieurs
gens aimables de Paris entre autres Mr Tissot l’académicien dont
(sans me vanter) j’ai fait la conquéte ?… ne sois pas jalouse si tu
peux chere Nancy,
je me repose un peu sur mes lauriers maintenant car je t’ecris
[p. 2] de mon lit, la course de Versailles a été un peu trop
forte. le parc est immense ; les galeries de tableaux plus encore ; j’ai
voulu tout voir me persuadant que ma fatigue ne signifiait rien ; mais
comme j’ai de bonnes raisons de croire que je suis au commencement d’une
grossesse il faut que je repôse pour
reparer ma petite imprudence, et je compte d’apres le conseil d’Alphonse
rester encore demain tout le jour dans mon lit, du reste je m’y trouve à
merveille ; mon bon mari est toujours à coté de moi, il m’entoure de
tous les soins et de toute la tendresse possible, il ne se pardonne pas de
m’avoir tant laissé courir à Versailles, mais dans notre innexpérience ;
nous ne croyons pas être imprudents. Hector et sa femme passèrent hier la [p. 3]
soirée dans ma chambre ; Louis vint aussi me distraire par son gentil
babillage ; que ne puis-je avoir aussi mon bijou ma Mathilde ?…
J’ai fait ton emplettes de robes apres des indécisions
ridicules comme à ma louable habitude celle de Mme Pochin est de 32 sols*
couleur noisette avec une petite feuille verte et rouge, et pour toi apres une
heure d’anxiétés j’en ai pris une de 36 sols fond blanc avec
une petite rayure verte assez jolie ; je ne sais chere sœur si tu seras
satisfaite ? Je n’en ai pris que 8 aunes chacune pensant qu’a des robes
de ce prix là on ne pouvait trop mettre un volant cependant répond moi si tu
en désire une, je puis encore les changer pour la pélerine j’en ai
acheté une charmante tres bien brodée à 3.TT toute garnie si elle te
conviens
tu [p. 4] la garderas, je te laisserai le choix avec celle que je
prendrai pour moi
J’ai acheté les mitaines de Mathilde
adieu chere sœur Marc
veut absolument que je finisse, il t’embrasse ainsi que moi bien
tendrement
Tout à toi A S.
[adresse ici au milieu de la page]
Madame
Madame Camille Pal
Rue Neuve
Grenoble
Isère
[au bas de la page sous l’adresse]
Ne t’inquiète pas de ma petite
indisposition ce n’est absolument rien, je suis si heureuse d’être
enceinte que rien ne me coute
mes amitiés à Camille
2011.02.138 | Dimanche 11 août 1839 | À sa sœur Nancy Berlioz-Pal | Texte corrigé | — |
Un feuillet de quatre pages, adresse à la dernière. Timbres postaux: ST CHAMOND, 11 AOUT 183*; LYON, 12 AOUT 1839; GRENOBLE, (?) AOUT 1839.
St Chamond Dimanche 11 Aoust
J’ai reçu hier mon fameux canapé Chere
Sœur, je me hâte d’en accuser la reception à Camille, en lui faisant de
nouveau mes remerciements à ce sujet, je le prie de faire des reproches au
tapissier seulement pour la maniere dont il l’avait emballé, à peine si
les pieds étaient entourés de papier, le dossier n’en avait qu’un seul
double, et comme tout le poid reposait dessus il a été assez fortement rongé,
ce qui est grand dommage tu conviendras, j’espère cependant que l’ébéniste
me l’arrangera avec un peu de cire qui mastiquera les trous ; du reste je
suis enchanté de mon bel ouvrage, et je me suis vite dépechée à faire
couper et faufiler l’enveloppe, pour m’en servir sans crainte de la ternir.
J’esperais un peu une lettre de mon père, mais je n’ai
encore eu de ses nouvelles que par toi, il parait que son accès de tristesse ne
diminuera point et cela m’afflige beaucoup pourquoi faut-il donc avoir
toujours quelques douloureuses pensées qui viennent troubler le bonheur le plus
complét ?…..
[p. 2] J’ai reçu depuis mon retour une lettre
d’Hector, et une de sa bonne et excellente femme il me l’avait
adresseé à
la Côte, et je suis bien fachée de n’avoir pu te la montrer ; je ne
pensais pas qu’Henriette put se tirer si bien d’une lettre en français,
elle m’a fait un plaisir extrême.
Comme elle me l’avait promis il parait qu’elle est allé
faire une seconde visite à mon portrait
avec Louis, Mademoiselle Zodalie aura été bien satisfaite ; Henriette me
raconte qu’on avait envain cherché à tromper le petit en lui montrant
plusieurs portraits, et qu’enfin l’ayant laissé chercher tout seul il a
fini par découvrir le bon caché derriere un fauteuil, et que triomphant
il s’etait mis à crier « voila ma Tante Adèle ! c’est elle !
c’est elle !……
Sa mère avait été attendrie de sa joie en me
reconnaissant, elle même avait été bien heureuse de me revoir encore ?…
car Dieu seul sait ajoute-t-elle quand nous nous
rencontrerons maintenant ?……
D’apres ce que tu me dis chère sœur ta brillante réception
aura eu lieu mardi passé, décidement le pere Apprin à pris une
passion pour toi, prends garde [p. 3] méfie toi de lui, le petit
frippon pourrait bien troubler ton repos, cela m’inquiete sérieusement,
et comme je désire que tu conserves ton beau calme je te conseille de ne
pas accepter tant de déjeuner nos parents seraient responsables alors de te négliger si
fort sur ce chapitre ils ne savent pas à quoi ils t’exposent.
Pour moi Ma chere je n’ai pas le temps de faire des
conquêtes, les jou[.....] passent
comme une heure ; je serais tenté[.] d[.]
désirer comme Mme Arvet qu’elles en eusse[..]
cinquante huit au lieu de vingt quatre pour pouvoir accomplir tous mes projets
cette semaine je me suis un peu liberée des visites les plus urgentes, mais je
suis encore loin d’étre sur mon courant il faudrait passer une vie à cela
vraiment
Mon mari est excéssivement occupé depuis notre retour, les affaires lui
arrivent en foule ; ce qui nous fait grand plaisir à tous deux, je
commence à flairer les cliens,
et a les apprécier beaucoup.
Nous sommes allés hier visiter un appartement en face de
celui ou nous sommes je l’ai trouvé bien petit, mais si celui de l’original
de Monsieur ne me convenait pas celui la pourra à la rigueur [p. 4]
nous câser tous, comme il est tout neuf il serait tres gai, point éssentiel ;
nous déciderons cette importante affaire dans quelques jours dans tous les cas
j’ai maintenant la certitude d’être mieux logée cet hiver……
[adresse ici au milieu de la page]
Madame
Madame Camille Pal
Voreppe Rue Neuve
pres à Grenoble
Isère
[au bas de la page sous l’adresse, texte à l’envers]
Adieu chere sœur je vais faire ma
toilette — nous sommes invités ce soir à prendre des glaces à la maison de
campagne de Mr Richard je vois avec plaisir que sa jeune femme
désire beaucoup me voir souvent, comme elle est tres agréable je me réjouis
des avances qu’elle me fait ; le député est de retour, sa maison est
charmante ; nous sommes parfaitement accueillis, sa femme aime beaucoup à
recevoir et tous les dimanches soir on y va, particulièrement. Ils avaient été tres aimables pour nous à Paris
adieu
adieu chere sœur ma santé est excellentissime j’embrasse Camille et Mathilde
AS.
2011.02.139 | Dimanche 10 novembre 1839 | À sa sœur Nancy Berlioz-Pal | Texte corrigé | — |
Deux pages écrites, adresse à la dernière page; le début de la lettre manque. Petite déchirure vers le bas de la marge de droite; déchirure plus bas au milieu de la page. Timbres postaux: ST CHAMOND, 10 NOV (année illisible); LYON 11 (?) NOV (année illisible); LA COTE-ST-ANDRÉ, 12 (?) NOV (année illisible).
[Le début de la lettre manque]
Je travaille quand j’ai le temps à un
petit trousseau ; j’ai fait des petits bonnets délicieux sans qu’il m’en
coute rien ; des cravates de
mon mari m’ont servis pour des collets,
souviens que j’ai de l’j*d**stée
chere sœur ? si tu voyais donc ma vieille capôte
de satin blanc rajustée de ma façon ce serait bien autre chose ; je m’admire
chaque fois que je la porte ; notre jeune modiste est à Lyon à son
retour des emplettes je me déciderai cependant à me faire faire un chapeau d’hiver
J’ai trouvé ici parfaitement tout ce qu’il me fallait en toile pour drapeau ;
Bazin piqué pour langes et jolis petites couvertures, dentelles etc etc
Tout le monde a tant d’argent ici ? ….
Je voudrais bien être à la mode du pays sous ce rapport, en
attendant les affaires arrivent assez à mon mari, il est chargé de plusieurs
ventes considérables, et comme on paye bien cela bouchera un peu les trous de
cette ann[..] mémorable pour nous et nous
commenceron[.] bientôt j’espere l’ère
économique…
Nous serons parfaitement bien logés et meublés quand
viendra tu chere sœur admirer tout ce[...]
j’aurai une gentille petite chambre à t’offrir plus mon salon.
Si tu veux, je ne pourrais la garder pour une meilleure occasion ?..
quand je me rappelle comme tu étais mal cela m’attriste …..
Adieu Chere amie, j’espère que la dimension de ma lettre
est convenable ; il faut bien savoir [p. 2] que tu n’as pas
grand chôses à faire pour esperer faire lire avec interêt des détails aussi
insignifiants il me semble que cela nous rapproche Chere sœur cette habitude de
tout écrire est trop précieuse pour la perdre ; j’espère que tu
es du même avis.
Dis à Monique que sa niece se porte à merveille elle parait
fort entrain du prochain déménagement, et plus encore de travailler au petit
trousseau ; j’en suis toujours tres contente ; dis lui cela de ma
part Julie comme toutes les vieilles domestiques parait tres empressée pour
notre futur enfant, elle en sera folle je le vois et ne parlera peut être plus de
nous quitter si vite…. adieu encore chere sœur j’embrasse tendrement mon
Pere et Mathilde ; merci encore du fameux tapis
Ton affectionnée sœur Adele
[adresse ici au milieu de la page]
Madame
Madame Camille Pal
Chez Mr Berlioz
La Côte S André
Isère
[au bas de la page sous l’adresse]
Mon mari rentre et veus que je te fasses ses amitiés ; j’espere que Camille sera partis, et nous reservons nos compliments
2011.02.140 et enveloppe 2011.02.141 |
Vendredi 20 décembre 1839 | À sa sœur Nancy Berlioz-Pal | Texte corrigé | Image |
Six pages en tout (un feuillet de quatre pages et une feuille séparée). Timbres postaux sur l’enveloppe: (recto) ST CHAMOND, 20 DEC (année illisible); (verso) LYON, 20 (DEC) **39; GRENOBLE, 22 DEC (année illisible). C’est la première enveloppe connue dans les lettres de la collection Reboul-Berlioz qui se trouvent au Musée Hector-Berlioz, mais l’utilisation d’enveloppes avait sans doute commencé plus tôt (cf. 2011.02.133).
St Chamond Vendredi le 20 décembre
décidément Chere Nancy je veus t’écrires
par le courrier de ce matin, depuis plusieurs jours j’en fais envain le
projet, d’une chôse à l’autre je suis constamment dérangée, et je crains
que tu ne me trouves un peu en retard sur tout apres ta dernière lettre si
affectueuse et si détaillée comme je les aime tant, je t’en remercie bonne sœur
et te prie de recommencer souvent ; plus habile que moi tu sais mieux sans
doute suffire à tout ce que tu desires faire ; malgré les jours si
courts je suis un peu comme Mme Arvet, en retard habituellement, je
sais faire il est vrai beaucoup de choses à la fois
Les éxercices de la mission que je veux suivre un peu
aumoins à la fin m’absorbent, et m’agitent, il faut dit-on avoir assisté
à cinq sermons pour gagner l’indulgence, malheureusement ils se font toujours à l’heure de notre
déjeuner ou de notre diner, il faut que je me précipite, ou que j’y aille
sans manger ce qui me fatigue beaucoup puis je crains horriblement la foule, la
chaleur, Marc ne veut pas me laisser aller seule absolument, il faut donc ou qu’il
m’accompagne ce qui l’ennuie beaucoup [..]
que mes domestiques quittent ce qu’elles [p. 2] ont à faire
pendant une heure et demie, et l’ouvrage de la maison en souffre ce que je
crains plus que je ne puis dire, enfin cela finira le jour de Noël, et comme je
ne me suis pas fatiguée du tout ces jours ci grâce à dieu je pourrai j’espère
terminer mon affaire convenablement.
J’ai eu une repasseuse, une lessive à compter et à mettre
en ordre cette semaine, le tapissier est enfin venu de Lyon poser mon lit, je
suis maintenant meublée comme une petite maitresse rien n’est frais coquet
comme mes draperie renaissance avec des glands et des galons bleus et blancs
assortie à mon meuble ma petite chambre fait l’admiration de tout le
monde ; je ne me trouve pas digne de tant de jolie chôses mon mari
prétend qu’il ne saurait trop me dédommager d’avoir été si mal jusqu’a
present, mais cela est cause que je jouis davantage de tout.
J’ai été veuve pendant deux jours cette semaine Marc a
été obligé d’aller à Lyon pour une affaire assez importante, et qui lui
rendra aumoins huit ou neuf cents francs ce qui vaut bien la peine de se deranger
[..] qui [p. 3] nous iras
à merveille, c’est le revenu d’un domaine, à propos de cela il a eu
l’occasion de voir le notaire de ton mari Mr Pantin
il lui a demandé s’il ne trouvait point d’acheteur pour les Houteaux,
mais il parait qu’il a peu d’espoir à ce sujet.
Marc est aussi allé chez Sophie comme tu peux le présumer,
la première chôse qu’elle lui a demandée c’est si Pauline ne se marierait
pas ?… elle était chargée de chercher une femme modèle pour un
monsieur de sa connaissance du plus grand mérite, tres réligieux, tres
aimable ayant 36 ou 40 ans et 500,000 TT de fortune heu ! que dites tu de cela Chere sœur !..
Mais Mais un mais insurmontable pour notre chere
cousine c’est qu’il faudrait aller habiter pendant cinq ans devine quelle
ville ?… St Petersbourg ! ne saute tu pas d’horreur comme
moi apres tant de belles chôses j’étais en colère … enfin ce Monsieur ne
demande qu’une femme de mérite une femme unique, et Sophie m’ayant
souvent entendu vanter Pauline comme une merveille en a eu tout de suite l’idée,
mais je [p. 4] pense que sans me compromettre je puis repondre qu’il
n’y faut pas penser.
Le mariage de Mlle Rolland m’a fait grand
plaisir Marc connait le Monsieur de vue et de réputation, il est en éffet tres
bien, et tres riche Sa famille jouit d’une grande considération dans le pays,
elle est tres Légitimiste, et a des manieres tout à fait aristocratiques cela
ira avec Monsieur Ferrand… je désirerais avoir l’occasion de connaitre
cette jeune femme nous serions assez voisine pour établir ensemble des
relations agréables, on dit que les dames de Rives de Gier trouvent le
séjour charmant ?… je vois d’ici ton étonnement mais c’est une
fait chôse prouvée, la société y est tres agréable à ce qu’il parrait
pour compenser le reste.
Pour achever de te surprendre je te dirai chere sœur que j’ai
eu hier une petite réunion de quinze personnes tres gentilles vraiment, pour
notre coup d’essais nous ne nous en sommes pas trop mal tirés, tout le monde
avait l’air enchanté. j’ai inauguré ton beau
thé [p. 5] tout etait neuf depuis le salon jusqu’au panier
de Boston … c’etait bien
vraiment, mais cela te ferais pitié à toi grande dame à Lustre et à Lampes,
et Camille hausserait les épaules, mais c’est egal je suis parfaitement
satisfaite plaisanterie à part Chere Sœur jamais je ne me suis trouvée si
heureuse j’aime à te le redire sure que cette rabâcherie ne peut que te
faire plaisir.
Il me semble que j’écrirais des volumes j’ai le cœur et
la tête si pleins.
Mon Pere quand donc iras-t-il te rejoindre ?.. je lui ai
donné de mes nouvelles depuis peu, et j’ai écrit dimanche une grande lettre
à Mme Veyron qui me répondra j’espère bientôt.
Fais mes compliments sinceres à Mélanie sur la
convalescence de son frère j’ai appris cette bonne nouvelle avec un grand
plaisir… ne savez vous rien de Mme Burdet — dit Caffarel ?..
je parie pour des maux de cœur ?…. [p. 6] mille tendresses
à Tété Son tapis m’a fait beaucoup d’honneur, je l’ai entouré d’une
frange noire magnifique, et je suis tres fière de dire c’est l’ouvrage
de ma charmante petite niece !..
Je l’embrasse tendrement en attendant sa lettre prochainement
… j’ai le projet d’y repondre sur du papier de dentelle rosé enfin tout
ce que j’ai de plus magnifique, je ne garderai rien pour une meilleure
occasion dis le lui ?..
Camille doit continuer ses courses à St Vincent avec le
temps doux et benin que nous avons ; s’il n’y est pas aujourd’hui je
me permettrais de l’embrasser sans façon à son retour de l’audience,
quand il se sera assuré « qu’il n’y a pas du monde !
tu pourras t’acquitter peut être de ma commission. à quand le grand
diner ?..
Adieu Chere Sœur ne me punis pas d’être resté trop
long-temps sans t’écrire en faisant de même, mon mari te dit mille chôses
affectueuses.
Je t’embrasse tendrement
Tout à toi
A S
[enveloppe]
Madame
Madame Camille Pal
Rue Neuve
Grenoble
Isère
2011.02.142 | Printemps-été 1847 (?) | À sa sœur Nancy Berlioz-Pal | Texte corrigé | — |
Huit pages en tout (deux feuillets chacun de quatre pages). Pas d’adresse, d’enveloppe ou de timbres postaux.
Vienne Jeudi matin
Depuis jeudi dernier Chere Sœur ou j’ai
reçu ta longue lettre je désire envain y répondre, je crains même que mon
silence ne te préoccupe mais règle génèrale tu peus être sure en pareil cas
qu’il est occasionné par des embarras, et des contrariétés, mais non par ma
paresse.
Madame Veyron m’était arrivée jeudi matin, pour repartir
dimanche par une pluie épouvantable ; pendant son séjour ici je n’étais
occupée qu’a la promener, et à faire ses commissions, elle en avait
plusieurs la marchande de modes m’a fait faire bien des voyages chez elle pour
obtenir chapeau et bonnets avant l’heure du départ du bateau, enfin j’en
suis venue à bout à la satisfaction de Mme Veyron ; Samedi j’eus
les Pal, et les Faure à passer la soirée avec elle ; ils allaient tous bien ton
beau frère a une mine de Chanoine maintenant [p. 2] Dimanche en
revenant d’embarquer Mme Veyron mouillée et crotteé à faire peur,
j’eprouvais un besoin de repos
extrême ; j’en jouis délicieusement toute l’apres midi au coin de mon
feu ; le lendemain je prévoyais avoir une léssive à ranger, laquelle
léssive avait été à la garde de dieu, complêtement abandonnée grace à
mille contretemps enfin Lundi matin comme je me mettais à commencer mon ouvrage
sî en retard, arrive pour m’achever la pauvre Séraphine ; qui voulait
aller consulter à Lyon et sans ofrir
ou demander de l’accompagner je vis bien que par pitié je devais le
lui offrir, elle était persuadée qu’elle allait devenir paralytique,
souffrant des douleurs atroces …. Je me décidai en cinq minutes, voyant que je
ferais plaisir à Marc, nous partîmes à midi par le chemin de fer et je crois
que ce voyage devrait me valoir les Indulgences vraiment, courir apres les
Medecins n’est pas facile ; Mr Jensoul
était en Italie pour arriver à parler à Mr Pétrequin
le major de l’hopital [p. 3] j’ai eu mille difficultés à
surmonter enfin apres avoir attendu une heure et demie sur un mauvais banc de
pierre dans un vestibule glacé à voir passer tous les carabins qui nous
regardaient sous le nez d’une maniére fort ennuieuse, nous sommes parvenus à
parler au medecin dont j’ai été tres contente ; il n’est nullement
Charlatan, vous écoute attentivement, et longuement sa consultation était tres
courte tres précise et me sembla bonne. Si j’avais quelqu’un de malade
chez moi (ce que dieu me préserve) j’îrais avec grande confiance consulter ce
medecin ; il rassura beaucoup Séraphine sur sa crainte de devenir infirme
c’etait l’éssentiel.
Enfin grace à mon activité nous pûmes revenir pour le
départ de midî en sortant de l’hopital ; ma pauvre malade me
préoccupait bien péniblement je n’avaîs pu fermer l’œil à l’hôtel, le
spectacle de la souffrance est pour moi pire que pour bien d’autres tu le sais
Chere Sœur, tout le long [p. 4] de la route je crois que j’etais
aussi mal à mon aise qu’elle ; en arrivant chez j’étais brisée ; je la fis coucher tres inquiète ; hier elle
souffrait plus que jamais, au moment de repartir pour Beaurepaire je ne savais
si je devais la retenir, c’était a craindre qu’elle ne put arriver jusqu’au
bout, mais comme elle me disait qu’elle sentait que le lendemain elle se
mettrait au lit pour ne plus s’en relever peut être juge de notre embarras !…
je ne pouvais soutenir l’idée de la voir malade chez moi mourir peut être !…
elle même à tout prix voulait partir !… enfin je me décidai à lui
donner Claudine pour l’accompagner elles prirent le coupé pour elles seules,
mais nous étions tourmentés plus que je ne puis le dire.
Claudine vient de revenir ce matin, elle a supporté le
voyage …. et je respire plus à mon aise.
Mon Pere m’ecrivit hier par Bîlliat, une longue lettre
assez étrange [p. 5] je lui avais envoyé la semaine derniere par
une occasion et pensant lui faire plaisir un charmant petit bîllet que
Louis m’avait repondu courrier par courrier, c’etait assez bien d’écriture
de style et de sentiment surtout ! j’en avais pleuré d’attendrissement
croirais tu ma Chere, que mon Pere a été tres vexé du desir que me
témoignait Louis de lui écrire, et me fait des reproches de l’y avoir
engagé (ce qui n’est pas) « c’est une peine pour l’enfant (m’écrit-il)
plus grande encore pour moi, si je ne lui repond pas il en sera affligé si je
lui repond cela me fatiguera et je ne sais que lui dire ! …..
Il ajoute qu’il ne veut pas avoir cet enfant aux vacances
prochaines que ce serait pour lui un tourment continuel et que la vie lui est
beaucoup moins précieuse que la conservation de ses habitudes, que cet
enfant bien loin d’être une distraction serait au contraire un sujet de
sollicitudes, que d’ailleurs les frais du voyages seraient une dépense trop
considérable pour ses finances [p. 6] aussi qu’on
ne lui en parle plus ?..
Je ne puis te dire chere sœur combien j’ai été
peînée
et surprise de la maniére dont mon pere s’exprime à ce sujet, ce pauvre
enfant est donc predestiné a être repoussé par les êtres qui lui tienne de
plus pres !..
Sî notre pauvre mere vivait qu’elle différence !…
hier soir je faisais de douloureuses reflexions sur tout cela….
J’ai repondu à la hâte quelques lignes à mon pere pour
le remercier du vin qu’il nous avait envoyé en quantité, et pour l’assurer
que je n’avais nullement engagé Louis à lui écrire ; et que bien loin
de là je l’en dissuaderais.
J’ai pu savoir peu de chôses de la famille Flavart, la
jeune fille aura quarante mille francs comptant ; — elle a 17 ans, elle
est jolie ; bien élevée ; ses frères, et sœurs sont plus jeunes, c’est
une famille tres honorable ; et qui fréquente la noblesse ; dis cela
en attendant à Victor, et je tâcherai d’en savoir davantage quand j’aurai
le [p. 7] temps de sortir pour voir les personnes qui sont à même
de me renseigner je désîrerais beaucoup comme toi voir faire un joli mariage à
notre bon cousin qui le mérite si bien Mlle Beranger comme tu dis
lui conviendrait bien à cause de son parent le protecteur, mais je crois
qu’on la trouverais trop jeune pour la marier encore ; du reste par Melle
Nancy tu pourrais mieux savoir
cela que moi, et le chiffre de la dot ? à propos de notre bonne vieille
amie son manchon me fait chaud [mot biffé] ; fais lui mes plus tendres
complîments à ta prémiere visite ; mille chôses à Méline également et
à tous les gens qui veulent bien encore se souvenir de moi.
Donne moi [mot biffé] donc aussi la bonne nouvelle que
ton rhume te laisse enfin dormir, et sortir à son aise ; tu me préoccupais chere sœur,
j’avais mal à ton gosier. quand au mien il se conduit à merveille
cette année et malgré le froid que j’ai souffert à Lyon je n’ai point eu
de ressentiment il me faut bien cette compensation à tant d’autres chôses
ennuieuses.
[p. 8] Mes cheres petites vont bien, mais la
rougeole est dans la maison et je vîs dans la crainte, et le tremblement
sî
elles la prenaient ce serait un ennui extrème, il faudrait garder Josephine
long-temps fermée, adieu la pension, et mon repos ; enfin je n’ôse me
flatter d’y échapper je suis trop chanceuse.
Je t’écris envers, et contre tout, entourée de masse de
linges à compter et à fermer, etc etc mais je voulais absolument ne pas
manquer le courrier de ce matin
adieu tres Chère écris moi vite aussi et longuement comme
tu sais si bien le faire ; mon mari te dis mille chôses amicales, comme je
donne une poignèe de main au tien tout en t’embrassant tendrement de moitié
avec Mathilde ; assez babiller l’heure me presse et bien d’autres
chôses
toute à toi
AS
2011.02.143 | Samedi 28 mars 1846 | À sa sœur Nancy Berlioz-Pal | Texte corrigé | — |
Six pages en tout (un feuillet de quatre pages et une feuille séparée). Écriture assez négligée. Adresse à la dernière page. Timbres postaux: VIENNE, 28 MARS (année illisible); GRENOBLE, 29 MARS (année illisible).
Vienne Samedi matin
Tu m’attends de pied ferme à ce qu’il
parait chere sœur, en t’etonnant peut être de mon silence prolongé, mais un
voyage à St Chamond en a été la cause je n’avais point voulu t’ecrire en partant
afin de ne point te tenir en peine une fois lancée je n’ai pas eu peur sur le
chemin de fer, la force de l’habitude a repris le dessus ; j’etais
attendue par Mr et Mme Cognet
au débarcadère ; ma visite a paru leur faire tant de plaisir, leurs
instances si affectueuses et si préssantes que je me suis laissée entrainer à
rester avec eux plus que je n’en avais le projet. Madame Pottier donnait un
grand dîner jeudi et se fachait de me voir partir avant, d’autant plus que
nous devions revenir hier matin jusqu’a Givors
ensemble ; j’ai donc cédée, et ma huitaine a été complête te dire
Chere Sœur tout ce que j’ai fait dans ce laps de temps est incroyable ;
les visites les diners soit à St Chamond soit à St Etienne ma tête était
brisée, tant parler, [p. 2] tant manger, j’avais besoin de venir
me reposer chez moi, il me tardait d’ailleurs de retrouver mon mari et mes
cheres petites à qui mon absence paraissait triste
Tu vois chere sœur que je ne perds point de temps pour t’écrire
mes perégrinations
ta belle sœur qui vint me voir en grande cérémonie
hier un instant me dit avoir reçu une lettre de toi l’avant veille, j’etais
bien aise d’avoir ainsi de tes nouvelles, elle parait tres empressée de faire
un voyage à Grenoble et reconnaissante de ton
invitation précise, elle craignait te déranger trop fort à ton retour
de la Côte ; à propos de la Côte nous n’avons encore rien arreté pour
notre départ, comme j’arrive il faut reprendre haleine avant de repartir,
ma
belle sœur m’écrit ce matin qu’elle viendra la semaine de la
passion ce
qui compliquera mes affaires ; puis les Paques, le commencement du
printemps, mille chôses en arrieres.
J’ai eu la contrariétée à St Chamond d’apprendre le
mariage arreté du jeune veuf que je voulais donner à Mlle Eugenie [p. 3]
j’en ai cherché querelle à sa belle sœur d’autant plus qu’elle le marie
sans rime ni raison avec une jeune maîtresse de pension presque sans fortune et
pour qui c’est un beau reve Si j’etais allé un mois plutôt à St Chamond j’aurais
entrainé la balance ; et je ne puis te dire chere sœur combien j’ai
été vexée
le Monsieur arrivait de Montbrison et j’ai passé la
journée avec lui il est tres bien, cela m’irritait il venait prendre en
passant Mme Pottier sa belle sœur pour aller à Lyon faire des
emplettes de noce ; voilà a quoi tient souvent l’avenir d’une jeune
fille ; un retard, un mot en l’air peuvent décider de son sort heureux
ou malheureux Je te dîrai que j’ai
recommencé le carnaval
à St Chamond n’est ce pas une horreur ? nous avons dansé à un diner de
mariage ou je remplacais la jeune mariée malade sottement je suis même
allée dimanche au spectacle ; il y a des Ecuyers tres forts et qui m’ont
fait plaisir j’aime singulierement ce genre de representation ; Enfin tu
vois chere sœur que cette année je mène une vie désordonnée s’il en fut,
Mme Cognet [p. 4]
était confondue de mon agitation et de ma gaîté, elle qui a un genre de vie d’hôpital
continuel, si restreint si monotone ; elle prétendait que je ranimerais
son mari toujours si triste, et m’en remerciais le fait est que je
faisais des frais à m’épuiser pour leur être agréable et j’étais
encouragée par mon succès complêt.
Mon mari a beaucoup vu Mr Gagnon pendant mon
absence ; il ne reve plus que sa veuve sérieusement, et je crois qu’elle
l’accepterais bien vite. Son esprit n’est point trop supérieur ;
elle est bonne, et gracieuse bien plus que spirituelle ; ensuite
elle n’a pas vingt mille livres de rentes mais seulement la moitié à peine
comme elle veut se remarier Mr Alfred
lui convient je crois, pour vivre avec la mere il serait l’homme qu’il
faudrait enfin qu’il s’arrange ; si je m’en mêlais je
suis, si
malencontreuse pour les mariages que je jouerais le rôle de la feé Guignon ;
la famille Boissat révait je crois aussi un mariage pour la belle caroline et
la famille se montre irritée contre le pauvre jeune homme qui se laisse
attîrer à une autre amorce ; quel plaisir d’être un visage à contrat
on se vous arrache ! c’est plaisant. [p. 5] pas un mot
de tout mes commérages je te prie surtout à Mme Pochin chut….
J’ai écrit à mon Oncle il y a une quinzaine il ne m’a
point repondu encore.
Madame Boutaud
au contraire a été tres prompte à la replique ; sa mère était repartie
la veille pour Pointieres, elle y
viendra plus tard apres nous laisser sa fillette enragée, et se prépare
à un voyage aux bords du Rhin avec le jeune ménage Blanchet
de Rives ; ils font bien de jouir de leur fortune à qui mieux mieux.
Point de nouvelles d’Hector toujours je suis en arrière
avec notre bon pere je lui écrirai demain.
Mes cheres petites m’ont fait des caresses sans nombre à
mon arrivée. Joséphine saura lire à Paques elle commence a peu pres ……
elle est toujours enchantée de sa pension le jardin fait son
bonheur, le voyage de la Côte est aussi bien souvent le sujet de conversation.
Nancy est toujours plus Lutine tu les trouveras grandies,
Joséphine prend un air grande fille qui m’étonne ; que dirai-je donc de
Mathilde ; sa prémière communion doit être une immense préoccupation
pour toi [p. 6] et je comprends que le sejour de ta belle sœur sera
une complication dans cette circonstance ; elle regrette le depart pour
Paris de Madame Holland avant son
arrivée… adieu Chere le courrier du matin me presse ; j’ai fait la
paresseuse pour me repôser de mes fatigues je suis brisée ; une bonne
caresse à Mathilde
Je vous embrasse tous en courant
Ton affectionnée sœur
AS
[adresse ici au milieu de la page]
Madame
Madame Camille Pal
Rue Neuve
Grenoble
2011.02.144 | Entre mai 1845 et fin 1847 | À sa sœur Nancy Berlioz-Pal | Texte corrigé | — |
Cinq pages en tout (un feuillet de quatre pages plus une feuille séparée écrite d’un seul côté). Écriture généralement lisible et assez régulière. as d’adresse ou d’enveloppe.
Vienne Samedi
Voila trois matinées de suite Chere Sœur
que je veus envain trouver le temps de t’écrire avant le courrier de midi (si
sottement organisé) sans pouvoir y réussir, aussi cette apres midi, je me
hâte de prendre au vol un moment de calme pour te le consacrer, tu ne dois
guère en avoir non plus chere sœur les prémiers jours de ton arrivée à
Grenoble tu dois avoir pas mal à faire, mais ton rhume t’aura forcé de
rester chez toi afin de ne pas le prolonger et l’aggraver ; j’en étais
en peine avec raison lors que tu partis d’ici, je trouvais le temps bien
froid, et la voiture bien ouverte pour une personne mal disposée déjà ;
aussi je t’approuve fort d’avoir pris un autre moyen plus convenable pour te
transporter à ton domicile.
Notre pauvre pere m’a écrit depuis ton départ une lettre
bien triste comme toujours en pareille circonstance ayant une occasion pour la
Côte Mardi j’en profitai pour causer un peu [p. 2] longuement
avec lui, et éssayer de faire une petite diversion, mais sans grand
espoir je l’avoue d’y réussir.
J’aurai de ses nouvelles encore la semaine prochaine par
Billiat ; le beau temps l’aura un peu distrait en lui permettant de
rester beaucoup dehors, c’est précieux.
Depuis toi Chere j’ai eu encore des tribulations
domestiques sans nombre ; Claudine apres avoir changé quatre fois d’avis
m’avait dit enfin qu’elle preferait s’en aller …. bien je fais
venir celle que Mr Gattin
m’avait adressé il est convenu que Claudine l’a mettra au courant de mon
service pendant huit jours ; ce nouveau visage, et cette nouvelle
éducation me mettait hors de moi ; Josephine pleurait nuit et jour de ce
changement nouveau de bonne ne voulait pas aller à la pension dans la crainte
que Claudine ne partit en son absence ; de là des scènes tres ennuieuses,
j’offrais des gages plus fort, rien ne me semblait pire que de recommencer une
autre épreuve [p. 3] Je m’y étais résignée cependant, Rose
paraîssait tres intelligente, et surtout ravie d’être chez moi ……
alors l’autre a pris le regret et est venu me demander en grace de la garder…
grandes indécisions pour moi, Marc était à St Chamond je ne savais que
faire ? enfin je cèdai à la crainte que Rose ne fut trop jeune et trop
jolie j’aurais été sans cette tourmente à son sujet ; la
difficulté était de la congédier, je dis à Claudine de se charger de la
communication ; ce furent alors des larmes, des reproches, la cuisinière
du curé qui est un personnage d’importance ici prenait fait et cause
pour Rose et mal menait rudement Claudine qui s’arrachait les cheveux de
desespoir, et moi au milieu de tout ce tapage Chere Sœur je ne puis te dire
combien l’absence de mon mari m’était pénible ; il fallait pacifier,
promettre ; chercher a placer Rose faire des visites chez le curé. enfin j’étais
harrassée d’ennui [p. 4] et fatiguée de la crainte de sacrifier
peut être une domestique active et adroite, ou la crainte d’une surveillance
fatig trop inutile souvent ; puis Claudine me faisait des protestations si
touchantes que j’étais attendrie en sa faveur enfin je verrai si je m’en
repentirai. à ma place qu’aurais-tu fais ?
Ce que tu m’écrivais de Louis m’avait attendri comme toi
pour ce pauvre enfant délaissé ; et je lui ai écrit une longue lettre
tres affectueuse qui j’espère lui fera plaisir en attendant la tienne.
J’espère un peu que son père lui aura donné de
ses nouvelles et qu’en nous répondant il nous tranquillisera à son sujet,
tout cela est bien bien triste.
Je n’ai vu ta belle sœur qu’une minute en courant depuis
toi je n’ai pas eu le temps de sortir, j’ai des visites à faire en
masse ; mais je renvois chaque jour pour une raison ou pour une autre ;
Madame Casimir vint chez moi avant hier et m’appris que Mme
Almiros
sa nièce était accouchée à grand peine d’une fille [p. 5]
la pauvre Madame Charmeil doit en être maintenant plus malade que sa fille trois
jours de tortures pareilles ont du être au dessus de ses forces, Mme
Casimir en était vraiment préoccupée affreusement contre son habitude.
On doit attendre que Mme Almiros soit rétablie
pour faire le mariage de sa belle sœur, avec Mr Bouvier le procureur
du roi d’Embrun.
a propos de mariage mon mari n’a pu voir seule Mr
Portier pour lui parler de notre projet pour Mlle Eugenie
peut être irai-je à St Chamond prochainement on m’y
attend ; mais j’attendrai avant la visite de Madame Veyron bien entendu
je compte sur toi chere sœur pour avoir de longs détails
sur tous nos amis et connaissances et me rappeler affectueusement au souvenir de
nos parents, donne moi bien vite des nouvelles de ton rhume
adieu mille caresses à Mathilde mes amitiés à ton mari
Ton affectionnée sœur
AS
2011.02.145 | Vendredi 3 avril 1840 | À sa sœur Nancy Berlioz-Pal | Texte corrigé | — |
Un feuillet de quatre pages, adresse à la dernière. Timbres postaux: ST CHAMOND, 4 AVRIL 1840; LYON, 4 AVRIL 1840; GRENOBLE, 6 (?) AVRIL 1840.
St Chamond Vendredi soir
Je ne sais si je me trompe Chere Sœur
mais il me semble qu’il y a un siecle que je ne t’ai pas écrit ? tu m’attends
de pied ferme à ce qu’il parait, et il faut bien que je trouve une minute
pour te provoquer et ce n’est pas chôse facile, je ne m’appartiens
plus absolument depuis que ma garde est partie ma fille m’occupe du matin au
soir, depuis quelques jours surtout elle a des accès de coliques terribles ce
pauvre ange pleure à me fendre le cœur, puis quand elle est enfin un peu calmée
je suis si lasse que je suis incapable de rien, Marguerite m’est bien
précieuse, sans elle je ne m’en tirerais pas, elle est d’une adresse
admirable pour langer ma petite et moi j’ai tant peur de lui faire mal que je
suis gauche à m’exaspérer ses cris me font perdre la tête.
[p. 2] ce matin j’etais inquiéte nous avons
envoyé chercher le medecin qui m’a complêtement rassurée, comme elle
grossit beaucoup cela peut être la cause. cette chere petite dort paisiblement à coté de moi, et je t’ecris
sur mes genoux pour ne pas la perdre de vue.
Ne vas pas croire pour cela chere sœur que je suis mere trop
faible quand la pauvre enfant ne souffre pas Je suis tres calme ; et je
me permet bien de la quitter quelques heures
J’ai rendu toutes mes visites de couches
déja et je trouve que c’est superbe.
Il me tarde chere amie de savoir positivement vos projets
pour la Côte et Paris, je voudrais
bien te voir quelques jours avant ton départ mais d’un autre coté pour
rester avec mon pere le plus possible en ton absence, il faudra me limiter [p. 3]
et cela me parait difficile à concilier nous voila à paques tout a l’heure
sans que j’y ai songée, je pense que quinze jours apres je me rendrai
pres de vous d’apres tes premieres combinaisons Je prends mes arrangemens en
consequence il y a pourtant pres de six mois que je ne vous ai vus !…
Le voyage m’effraye avec ma petite par Lyon il faudrait
passer une nuit et par Vienne changer trois fois de voiture !… je n’en
dormirai p[..] de soucis je deviens pour cela la digne fille de notre
pauvre mère tout les jours j’en suis plus convaincue
Nous avons reçu hier quelques lignes d’Hector, il parle
tres vaguement de son fameux projet, sa femme a été encore malade ; la
derniere lettre de mon pere était assez rassurante, mais il y a déja
quelques jours que je l’ai reçue et il me tarde que tu m’en donnes de
rescentes [p. 4] le beau temps doit le ranimer un peu et ses
réparations doivent l’occuper beaucoup
Le mariage de Mr Hypolyte est-il fait ? Je
l’ai appris avec étonnement et plaisir
adieu Chere Sœur il est tard et j’ai
[adresse ici au milieu de la page]
Madame
Madame Camille Pal
Rue Neuve
Grenoble
Isère
[au bas de la page sous l’adresse]
un besoin extrème de mon lit apres une laborieuse journée J’embrasse
tendrement Camille et Mathilde, mon mari te dis mille chôses affectueuses
adieu adieu écris moi toi qui a le temps
Tout à toi A
2011.02.146 | Dimanche 28 juin 1840 | À sa sœur Nancy Berlioz-Pal | Texte corrigé | — |
Cinq pages en tout (un feuillet de quatre pages, plus une feuille écrite d’un côté [petite déchirure vers le bas de la marge de droite], avec l’adresse à la dernière page). Timbres postaux: ST CHAMOND, 28 JUIN 1840; LYON, 29 JUIN (18)40; GRENOBLE, 30 JUIN 1840.
St Chamond Dimanche 28 Juin
J’attends depuis plusieurs jours de tes
nouvelles Chere Sœur, je t’avais écris à Voreppe, aussi tôt apres
ton départ de la Côte ; j’esperais donc que ta solitude te permettrai
de m’envoyer une longue lettre, ordinairement Chere Nancy tu es d’une
exactitude charmante, pourquoi perdre une si bonne habitude ? Si le
courrier de ce soir m’attrappe encore comme celui de midi je commencerai à
être inquiéte, j’ai reçu il est vrai une lettre de mon pere mais qui ne me
disait rien ni de lui ni de vous, ainsi je ne sais donc rien
et je prends le parti de t’en demander raison chere sœur, tout en gardant ma
Finette que je croyais bien endormie, et qui ouvre ses grands yeux en jargonant,
cette chere petite commence a savoir s’amuser seule dans son berceau ;
je veus l’accoutumer a y prendre patience
souvent si faire se peut ! –
[p. 2] J’ai eu de grandes occupations cette
semaine mon ancienne cuisiniere est partie, cela m’a fait de la peine, l’attachement
de cette brave Julie pour la famille de mon mari était extreme ; elle
avait d’ailleurs d’excellentes qualités, et je suis sure que je la
regretterai plus d’une fois. Ma veuve est installée, elle ne
fais pas mal la cuisine je crois, mais je ne puis trop savoir encore à quoi m’en
tenir sur son compte et il y a trop peu de temps d’aprendre ; conserve
précieusement ta Françoise chere sœur tu ne pourrais trouver de pareille et c’est
une ennuieuse chôse que ces changemens de domestiques.
Une autre importante affaire que je fais
aujourd’hui, c’est de mettre sa première robe à Josephine !
te
souviens-tu chere Nancy du grand jour ou nous en mîmes une à Mathilde ? j’etais
aussi entrain si ce n’est plus que pour ma fille [p. 3] cependant
j’ai tenu beaucoup à la faire moi-même, et comme je ne fais plus rien depuis
long-temps c’est un tour de force le fait est que ma fille m’occupe et m’absorbe
nuit et jour, j’en suis folle à lier, mais pas plus que son pere, nous
nous la disputons souvent elle est si gracieuse, si sage, si rose si blanche etc
etc etc je ne sais ou je m’arreterais chere sœur dans l’enumeration de
toutes ses rares qualités. J’interromps ma lettre a chaque ligne pour
l’admirer jouant avec un plumeau
d’une manière remarquable pour son age que ma chere titi ne rie pas
des enthousiasmes de sa Tante dis lui que pour elle c’etait pis
encore ? j’ai acheté des amours de petites bottines tricotés
pour completer sa toilette avec sa robe rose, je sens que sa cousine donne
son opinion sur sa mère, elle qui
a un gout si difficile [p. 4] tout est en sens dessus dessous
ici pour la procession, deja dimanche c’etait magnifique ; le fait
est que comme les ceremonies de ce genre sont tout a fait dans l’esprit du
pays, et qu’on a beaucoup d’argent on fait des chôses charmantes, d’une
fraicheur et d’un luxe extreme ; es tu allée admirer les reposoir
de Voreppe ce matin ? que fais tu sous tes frais ombrages ? n’est tu
point allé à Grenoble encore ? es tu sans des nouvelles d’Hector, de
mon Oncle ? je n’ai pas signe de vie d’eux depuis des siecles,
allons écris moi donc chere sœur, et dis moi vite que rien de sérieux n’est
cause de ton silence toi qui n’est pas nourrice, et qui n’a pas de
cuisiniere à initier a tes habitude n’as tu pas le temps d’ecrire ?
puis Mathilde ne pourrais-t-elle pas la remplacer
beintôt ?… Si elle n’y
prend garde finette lui passera devant dis lui cela de ma part en l’embrassant
[p. 5] Je voudrais pouvoir remplir encore une
page blanche chere sœur, mais malgré tout ce que je [mot
biffé] j’aurais à te dire, il
faut que je finisse finette perd patience et veut se lever J’ai permis à sa
bonne d’aller à Vepres avec philippe, et maintenant on sonne à chaque
instant, et je ne puis suffîre à écrire,
repondre, et bercer adieu donc chere sœur comprends ma position du
moment, et imite mon empréssement a t’ecrire en dépit de tout, fais je te
prie [..]s amitiés à Camille, si tu vois Pauline ne m’oublie pas aupres d’[....]
finette embrasse Tante Nancy et cousine Mathilde de moitié
avec moi et avec toute l’affection possible
adieu encore chere sœur
AS
Avez vous eu mardi dernier une horrible tempète comme ici ?, je me suis cru à ma derniere heure, la foudre est tombée, tout pres de chez nous, mais heureusement n’a pas fait de mal ; j’ai eu une peur abominable
[p. 6] [adresse]
Madame
Madame Camille Pal
Rue Neuve
Grenoble
Isère
2011.02.147 | Dimanche 8 novembre 1840 | À sa sœur Nancy Berlioz-Pal | Texte corrigé | Image |
Un feuillet de quatre pages, mais la fin de la lettre manque avec la page d’adresse. Écriture assez hâtive.
St Chamond Dimanche 8 novembre
J’attendais de vos nouvelles avec une
vive impatience Ma Chere Nancy, bien que les rivieres de la Côte ne
soient pas à redouter, je craignais quelques désastres pour les propriétés
de mon pere ; je n’entends parler que de sinistres, depuis tant de jours
que je vais finir par m’y accoutumer.
L’eau à fait ici assez de mal, plusieurs maisons, et
fabriques sont écroulées, notre petite riviere du Gier
était effrayante a voir les rues ont été plusieurs fois presque navigables
dans certains quartiers, mais qu’est ce que cela aupres de Lyon ?… le
chemin de fer est interrompu ; pour plusieurs mois peut être, à notre grande
contrariété, cela paralyse tout pour St Chamond, pour moi je ne puis me
consoler de ne plus esperer la visite de Louise à cause de cela, car je n’admettrais
point. sa raison de n’oser venir seule dans les vagons [dans la marge de
gauche, verticalement de haut en bas, même écriture mais plume moins fine que
le reste de la lettre; conclusion sans doute du texte de la dernière page qui
manque] n’aye point été invité aux soirées, cela devait
te fendre le cœur ma jolie titi aurais si bien figurée [p. 2] en
prenant la prémiere voiture, toujours tres bien composée ; il n’y
a rien a redouter, témoigne lui je te prie tous mes regrets, je présume d’ailleurs
que Louise attendra afin de ne pas être obligée de faire des emplettes en bateaux,
tous les magasins étant fermés dans la rue St dominique et sur le quai de
Saône sur tout, il me semble qu’il y aurait de la folie à faire le voyage
dans ce moment.
Nous avons depuis hier soir Mr Duffeuillant
fils, il m’a donné des nouvelles d’Hector tres détaillées, sont festival
a assez bien réussi ; la salle de l’Opera était pleine
remplie par la plus brillante société, il y a eu de bruyans applaudissemens à
certains passages, puis un seul coup de sifflet qui a fait sangloter la
pauvre Henriette ; il n’a pas su nous dire quel avait été le résultat sonnant ;
mais la fatigue avait été horrible pour Hector, il l’avait laissé encore
tout brisé, et moulu.
Comme je ne presume pas qu’il ait encore écrit à la Côte
je me hate de vous [p. 3] communiquer mes rescentes nouvelles ;
il était aussi sur le point de se decider a aller à Lille pour donner un
autre Festival, mais comme il avait reçu des propositions à ce sujet il
voudrait prudemment régler l’article argent avant de prendre un partis
définitif.
Voila Chere amie ou il en est maintenant Mr
Duffeuillant est venu expres de Paris pour passer quatre ou cinq jours avec
nous, il y retournera pour assister à la cerémonie de la translation de
Napoleon, puis reprendra ses courses vagabondes il compte passer son hiver en
Espagne comme il a beaucoup vu nécessairement nous avons beaucoup à le
questionner ; mon mari est vraiment heureux de sa visite et lui sait un
gré infini d’être venu de si loin à notre seule intention, c’est
une preuve d’amitié tres grande, je l’ai accueillie avec tout l’empressement
possible son affection pour mon Marc et pour Hector suffirait pour le faire
bienvenir pour moi en toutes occasions, puis cet
un excellent jeune homme malgré ses bisarreries.
[p. 4] La relation brillante que tu me fais de
vos bals m’a fort interresseé, j’ai appris avec grand plaisir que tu
t’y étais bien amusée ; les distractions sont si rares par le temps qui
court qu’on les appreciera d’autant mieux.
ta lettre m’a fait vraiment du bien mon pere est en bonne
santé, tout disposé à passer son hiver à Grenoble
mais c’est charmant
toutes ces bonnes nouvelles, pour riposter
je te dirai que la coqueluche de ma Finette est presque finie, jamais
elle n’a été si rose, si grosse, et si diable elle a repris ses gentilles
bonnes graces qui faisaient ma joie et mon orgueil
Les nuits sont meilleures aussi puis dans la journées elle
reste des heures entieres assises sur mon tapis s’amusant paisiblement pendant
que je travaille ; aussi maintenant je me porte à merveille je me trouve
engraissée, et bonne mine [la fin de la lettre manque]
2011.02.148 [enveloppe 2011.02.149] |
Mercredi 2 décembre 1840 | À sa sœur Nancy Berlioz-Pal | Texte corrigé | — |
Un feuillet de quatre pages avec l’adresse à la dernière page. L’enveloppe 2011.02.149 (a) doit appartenir à une autre lettre, puisque cette lettre comporte l’adresse à la dernière page avec timbres postaux (b) l’enveloppe est adressée à La Côte alors que cette lettre est adressée à Grenoble (c) l’enveloppe a été utilisée (traces de timbre) mais ne comporte pas de timbre postal et n’a sans doute pas été mise à la poste. Timbres postaux de la lettre 2011.02.148: ST CHAMOND, 2 (DEC.) (1840); LYON, 3 DEC. (18)40; GRENOBLE, 4 DEC. (1840).
St Chamond Mercredi 2 decembre
Je t’adresse ma lettre à Grenoble chere
sœur, et j’aime à me flatter qu’elle t’y trouveras installée depuis deux
jours aumoins.
Je ne puis te dire la peine que j’ai éprouvé en lisant la
tienne dimanche soir, je me disposais a aller passer la soirée chez les dames
Ardaillon ; mais je n’en eu plus le courage J’avais le cœur serré des
tristes détails que tu me donnais au sujet de notre pere ta position devait
être bien cruelle chere sœur, personne plus que moi ne saurait le comprendre et
le plaindre ; nous devions cependant un peu nous attendre à la conduite de
mon pere ; tous les ans c’est la même indecision douloureuse, mais
en dépit de l’experience passé on veut esperer mieux, on en a tant besoin !….
Je lui écrirai aujourd’hui pour faire une diversion d’une
seconde a ses tristes pensées, le beau soleil que nous avons depuis hier
sera j’espere plus puissant que toutes les lettres ; Mathilde lui fera [p. 2]
peut être encore un plus grand vide que toi
cette Chere petite est probablement enchanté de se retrouver à Grenoble ;
remercie la je te prie de ses charmantes pantoufles ; elles iront à
merveille avec une gentille paire de bas à jour qu’une vieille demoiselle de mes
amies a eu l’attention de me tricotter.
Si tu avais trouvé une occasion pour Vienne ou même Lyon je
les aurais facilement fait prendre.
La mort de la pauvre Mme Golety m’a fait
beaucoup de peine, Mme Félicie a du passer de bien cruels
moments quand on en a comme nous la si douloureuse experience on partage
sincèrement de pareils chagrins ! Si ta belle sœur avait été à Vienne
j’aurais éprouvé le besoin de lui écrire à cette occasion crois-tu son
retour prochain ?….
J’avais appris par Louise la banqueroute Simon, quelque
étendue que soit la réputation merveilleuse de ces dames, elle est
complétement ignorée dans département de la Loire. Louise me parlait
aussi d’un projet de mariage pour Mlle Meline à Paris, comme tu ne
m’en dis rien [p. 3] je pense que rien n’est decidé ; je
serais bien enchantée d’apprendre cette bonne nouvelle
Mademoiselle Nancy sera enchantée de ton retour [mot
biffé] ; je
jouis de la savoir installée paisiblement à la ville pour tout l’hiver fais
lui donc une visite de ma part je t’en prie et dis lui tout ce que tu
pourras imaginer de plus affectueux pour moi, il y a un siecle que je ne lui ai
pas écrit, mais ma Finette m’occupe tellement puis toutes mes habitudes de
vie lui sont si étrangère maintenant, que je craindrais de ne pouvoir guère
l’interresser.
gronde pauline de ma part sérieus[.....] elle ne
merite
plus que je surmonte ma paresse en sa faveur, mes reproches fait embrasse là
pour moi quand même ! ..
Les Michal
sont-ils donc toujours au même point ?.. parle moi de tous nos amis et
parents tu me feras grand plaisir chere sœur.
Ma Finette est toujours plus gentille elle se porte a ravir,
la coqueluche est complétement passée grace à Dieu, aussi les nuits sont moins pénibles,
a part la derniere ou il a fallu la tenir jusqu’a
une heure en rentrant hier soir a onze heure la croyant profondement endormie,
elle jouait comme une petite folle
[p. 4] Mon mari est a allé à St Etienne aujourd’hui
pour ses affaires, je vais profiter de son absence pour écrire à vous tous, j’ai
mes jours de lettres mes jours de visites, et mes jours de congé,
[ici l’adresse, verticalement au centre]
Madame
Madame Camille Pal
Rue Neuve
Grenoble
[au bas de la page sous l’adresse]
Mr Duffeuillant n’etait que
quatre jours ici, je lui avais remis une lettre pour Henriette a son départ il
m’avait promis quelques détails sur eux, mais il n’a point encore ecrit.
adieu Chere Sœur mes compliments à Camille je pense que
comme à sa louable habitude il t’aura apporté des merveilles de Lyon, adieu
encore toute à toi
2011.02.150 | Dimanche 13 décembre 1840 | À sa sœur Nancy Berlioz-Pal | Texte corrigé | — |
Un feuillet de quatre pages, les trois premières écrites, adresse à la quatrième. Timbres postaux: ST.CHAMOND, 13 (DEC.) (année illisible); LYON, 14 (DEC.) (année illisible); GRENOBLE, 15 DEC. (année illisible).
St Chamond Dimanche 13 décembre
J’ai attendu plusieurs jours avant de te
répondre Chere sœur, j’avais besoin d’être plus calme ; certain
passage de ta derniere lettre m’avait affecté et surpris bien douloureusement,
je t’avoue que je me croyais bien plutôt en droit deta d’adresser de semblables
reproches que d’en recevoir, depuis l’époque de mon mariage votre conduite
a été une énigme pour moi
Vous seul m’avez méconnue, repoussée d’une
maniére si
étrange, qu’il me semblerait que vous me pardonnez point d’être heureuse,
et d’aimer mon mari comme il le merite, en dépit de tout ce que vous avez pu
faire ! ..
Mais ne revenons pas sur le passé chère Sœur, je sens mon
cœur bondir à certains souvenirs, laisse moi oublier, et pour cela
croire que votre cœur n’y était pour rien, mais que votre jugement seul
avait été étrangement égaré
Je ne comprends pas pourquoi ton mari m’adresse des hommages
respectueux [p. 2] il me semble que j’ai toujours été la même
à son égard, si par hasard il en a été autrement c’est bien certainement
sa faute et non la mienne ! ……
Qui pourrais dire chere sœur s’il était possible de
pousser plus loin que moi l’affection et le devouement exalté,
pour toi et tout ce qui t’appartenais ?..
Je n’ai point oublié non plus toutes les preuves
d’amitié que vous me prodiguiez jusqu’a l’époque, ou j’ai cru à mon
tour pouvoir vous initier à ma vie nouvelles, à mon amour, à mon bonheur, et
vous m’avez repoussé avec un dédain une froideur que j’etais loin
d’attendre.
Votre conduite a été une des plus amères déceptions de ma vie, mais
j’étais trop fiere pour vous en demander l’explication, ou pour m’en
plaindre.
Mon cher Marc pourrait te dire toutes les larmes que j’ai
versé à ce sujet, j’aurais peut être oublié ce que c’etait que le
chagrin sans cela.
J’esperais toujours que vous reviendriez a moi
[p. 3] Maintenant Ma Chere je ne sais plus que
croire ? le temps apprend beaucoup de chôses !…; il me serait bien
doux de penser qu’il ne m’apportera que des consolations à ce sujet, et
qu’un jour enfin nous serons tous unis de cœur comme je le desire, et
j’ôse le dire comme je n’ai jamais cessé de le meriter.
J’ai appris la maladie de notre bonne cousine Pauline avec
la peine la plus vive, j’espere cependant que son état n’est point
aussi alarmant que tu parais le croire.
Mon pere m’a ecrit dimanche dernier il ne paraissait pas
trop [mot caché par la
cire] je ne presume pas qu’il soit encore disposé a partir pour Grenoble.
Adieu Chere Sœur adieu Camille embrassons nous comme
autrefois, avec la plus vive et la plus sincère affection, et oublions tous
tout ce qui pourrait avoir alteré nos sentimens réciproques
Toute a toi
A Suat
[p. 4] [adresse]
Madame
Madame Camille Pal
Rue Neuve
Grenoble
Isère
2011.02.151 | Jeudi 17 décembre 1840 | À sa sœur Nancy Berlioz-Pal | Texte corrigé | — |
Cinq pages en tout; un feuillet de quatre pages plus une page écrite d’un côté, adresse de l’autre. Timbres postaux: ST CHAMOND, 17 DEC. (année illisible); GRENOBLE, 20 DEC. 1840.
St Chamond Jeudi
Tu as bien raison Ma bien Chere Sœur
assez de récriminations, et d’explications comme cela de grace n’y revenons
plus cela nous fait trop de mal à toutes deux, et comme tu le
dis oublions tout, et aimons nous toujours ; c’est ce qui ne me sera
certe pas plus difficile qu’a toi si tu le veux franchement comme je l’espère
Le facteur m’a remis ta lettre hier soir au moment ou j’arrivais de Lyon à
moitié gelée j’y étais allée la veille par un temps tres
supportable, j’avais plusieurs commissions à faire, et surtout
plusieurs personnes à voir Sophie en prémiére ligne, mais j’ai pu en
jouir à peine quelques heures la noce de son frere qui avait été retardée
malencontreusement pour moi, avait eu lieu la veille, et l’absorbait
complètement, enfin elle m’a un peu promis de venir le jour de ma Loterie
pour me dédommager ; je pense que j’aurai beaucoup de monde ; Mme
Richard (Mlle Boissat)
me prétera j’espere son piano droit dont la dimension s’accordera
tres bien avec
la petitesse de mon salon, j’aurai une demoiselle de Lyon amie des dames Roche
qui est d’une force [p. 2] aussi remarquable que sa
complaisance, puis les demoiselles Ardaillon ; ainsi j’aurai avec
un ou deux Messieurs un orchestre assez bon ; on vient de m’interrompre
pour me remettre trois Lots délicieux un gentil métier a tapisserie en
citronnier ouvrage d’un vieux Monsieur, puis des chiffonniéres, et des
Brettelles brodées en soie d’un gout parfait, c’est à qui me
témoignera le plus d’empressement. J’espere que nous nous amuserons, que ne
peus tu ma bien Chere venir m’aider
a faire mes honneurs ; ma gentille niece titi m’aurait été bien
nécèssaire pour tirer les billets, elle m’aurait fait beaucoup d’honneur
surtout à présent quelle apprend la grammaire !. et la Géographie !….
ce doit être un prodige en tout point, je suis bien aise de savoir que
cette chere petite que j’aime tout comme ma fille aimée, fait de rapides
progrès ; il me semble que j’aurai aussi un peu le droit d’en être
fiere, n’avons nous pas appris ensemble les capitales de l’Europe ?
……
J’aurais prochainement une occasion pour Vienne pour
apporter les fameuses pantoufles [p. 3] ma Finette aime déja beaucoup les jolies chôses, il fallait la voir hier admirer le chapeau
que je lui apportais de Lyon en peluche grise avec une petite plume de la même
nuance ; elle n’etait pas difficile de la trouver à son gré car il est
charmant, cette chere enfant m’occupe exclusivement pourvu quelle aye ce qui
lui faut peu m’importe ma toilette Je n’ai rien acheté cet hiver absolument
c’est plutôt fait ………
Je suis heureuse d’apprendre que mon pere ne va pas mal, je
bénis de grand cœur le Blottoir,
dont la construction utile ou non l’occupe et le distrait, le froid atroce que
nous avons depuis deux jours le déterminera peut être a aller vous joindre.
Je te remercie de me donner de bonnes nouvelles de notre
chere cousine Pauline je charge Mathilde de lui faire une visite en mon nom,
j’espère quelle accepte ma commission avec plaisir.
Hector et sa famille ne vont pas mal Mr
Duffeuillant en donne des nouvelles aujourd’hui en écrivant à mon mari, il
parait que le concert a été peu nombreux notre pauvre frere choisis mal ses
moments
la ceremonie Napoléonienne absorbait tout le monde
[p. 4] Finette veut absolument m’empecher de
continuer ma lettre ; je ne sais comment resister a ses agaceries, je te
remercie du desir que tu me temoignes de t’initier à ses petits progrès, le
fait est qu’elle gracieuse à croquer, mon mari en est fou nous nous la
disputons souvent, elle trône sur la table tous les jours à déjeuner
et à diner, mangeant de tout avec nous et faisant mille petites singeries que
nous admirons [mot biffé]
avec enthousiasme ! …
elle commence à marcher pas mal en lui mettant une serviette
sous les bras comme nous faisions à Mathilde s’il t’en souviens ?.
mais avant le printemps je n’espère pas qu’elle coure seule.
Tu comptes donc ouvrir tes salons au mois de janvier, je te
souhaite autant de succès que l’année passée ton amabilité en est garant.
Mme Veyron ne m’ecris pas plus qu’a toi, je
suis navrée d’apprendre que la pauvre Mme Prost retourne à
Gillonay le malheur se cramponne à cette femme sans relache, elle me fait une
pitié indicible ! …..
[p. 5] Adieu Ma bien Chere Sœur adieu mon cher
frere Camille ; je vous embrasse tous deux avec la tendresse la plus
parfaite
Mon mari vous fait ses compliments affectueux un bon baiser à Mathilde.
Ne m’oublie pas aupres de Mlle Clapier et des
personnes qui voudront bien se souvenir de moi Mme Pochin par
éxemple.
J’avais écris à Mme Felicie
adieu encore aime moi comme je t’aime, t’aimerai
et comme je t’ai toujours toujours aimée ; et je n’aurai rien
[déchirure]
Toute à toi
Adèle Suat
Comprends tu que j’ai oublié de te dire que Josephine a une dent dessous depuis dix jours ? ……
[adresse au verso]
Madame
Madame Camille Pal
Rue Neuve
Grenoble
Isère
2011.02.152 | Jeudi 25 février 1841 | À son père Louis-Joseph Berlioz | Texte corrigé | — |
Un feuillet de quatre pages avec l’adresse à la dernière. Timbres postaux: SAINT-CHAMOND, 25 (mois illisible) 1841; LYON, 25 FEVR. (?) (année illisible).
St Chamond Jeudi
Je serais désolée mon bon pere de
déranger le moins du monde vos projets, je comprends tres bien que vous en
changiez suivant la disposition de votre santé ; le temps redevenant
triste et froid c’est un motif de plus pour vous décider à partir pour
Grenoble Samedi ; j’irai vous voir alors à votre retour, et quand vous
le desirerez je trouverai bien moyen de m’arranger je l’espère ; dans
ce moment je suis dans les ennuis de cuisiniere nous avons donné son congé à
la notre ce matin c’est une langue d’enfer il me sera difficile peut être d’en
avoir une autre maintenant elle fait une réputation affreuse à Marguerite, et
ce sont des scènes habituelles chaque jour cela me rend à plaindre ;
une dame de ma connaissance m’en avait indiqué une du Bourg-Argentat,
les renseignemens que j’avais pris me convenaient [p. 2] cette
fille avait fait le voyage pour me parler ma diablesse de cuisiniere a dit que
je n’y étais pas pendant trois jours de suite, et maintenant il faut que j’ecrive
à cette fille pour lui faire mes conditions et l’engager sans la voir :
Marguerite pretend qu’elle ne doit pas rester ici apres tout ce que l’autre
a dit d’elle ce sont des larmes de part et d’autres qui m’ennuie
plus que je ne puis dire ce qui n’empèche pas cher pere que nous n’ayons
tres gaiment fini le carnaval
Lundi la soirée de St Etienne a été tres brillante, il y a un luxe
effréné dans la maison ou nous étions, on nous y a reçu avec un empressement
recherchés, rien n’avait été négligé pour me faire passer ces
deux jours agréablement Mme
Dumoret est une tres jolie femme et
remarquable aussi par son esprit et la distinction de ses maniéres, elle me fait
toutes les avances possibles.
Mardi ma soirée finale a été d’une gaîté folle, c’était
tout a fait [p. 3] nos intimes, j’avais procuré une surprise a
ces dames ; j’avais entendu dans la journées des musiciens Italiens, la
bonne inspirations m’est venue de les faire venir le soir nous faire danser
J’ai donc bien gardé mon secret, et a neuf heures et au
beau milieu d’une partie de vingt et un tout a coup les portes de mon salon se
sont ouvertes et mon orchestre inconnu a preludé au milieu des exclamations de
surprises les jeunes personnes étaient ravies nous nous sommes mis a danser tou[.] comme des fous, la musique étaient si agréable que nous ne touchions pas
terre, et jusqu’a une heure du matin nous nous sommes amusés avec un
entrainement, tres rare ; pendant le souper les musiciens ont joués et
chantés délicieusement en s’accompagnant de la harpe, c’etait charmant d’a
propos les pauvres artistes ambulans étaient aussi enchantés de leur avantures,
ils ont bien bu bien mangé, et fait une recettes comme cela ne leur arrive pas
souvent [p. 4] enfin nous nous sommes bien amusés, jamais je n’avais
vu mon mari si entrain, il dansait comme un écolier, nous rivalisions tous de
jeunesse ; finette s’en mèlait aussi, elle était trop drole ; elle
sera bien comme sa mere cette chere petite.
[adresse ici au milieu de la page]
Monsieur
Monsieur Berlioz
A La Côte St André
Isère
[au bas de la page sous l’adresse]
J’ai peur que la poste ne parte et je
finis vite mon bon pere.
Je vous embrasse bien tendrement
Votre affectionnée fille
Adèle
2011.02.153 | Mardi 12 ou mercredi 13 janvier 1841 | À sa sœur Nancy Berlioz-Pal | Texte corrigé | — |
Un feuillet de trois pages écrites, adresse à la quatrième; papier identique à celui des lettres 2011.02.134 et 2011.02.152 de la même époque. Timbres postaux: SAINT-CHAMOND, 13 JANV. 1841; LYON, 14 JANV. 1841; GRENOBLE, 13 JANV. 1841 (le 13 semble bien lisible, mais ne s’accorde évidemment pas avec les deux autres timbres!). Écriture assez hâtive.
St Chamond Mercredi 12 janvier
decidément ma Chere Nancy nous devenons
si absorbées l’une et l’autre que ce n’est pas sans peine que nous
parvenons à continuer notre correspondance avec la même éxactitude, depuis
trois jours je fais envain le projet de t’ecrire hier j’avais un grand diner
de deux heures et une petite soirée de sorte que je n’ai pas eu une minute à
moi, je suis rentré à minuit truffée c’est le mot quel dinér !….
saumon, chevreuil, pâté de foie, dinde truffé etc etc etc enfin j’avais un
brillant appétit à dépenser heureusement.
J’ai trouvé en rentrant une longue lettre de Pauline qui m’a
fait bien plaisir, elle me donnait de bonnes nouvelles de mon pere et de ta
soirée, il parait chôse incroyable qu’il avait hésité s’il irait
au salon ?..
Je ne puis te dire Chere amie combien je jouis de savoir ce
bon pere tranquillement aupres de toi j’espere que cet hiver se passera mieux
que celui de l’année derniere ; mon projet est d’aller le voir à la
Côte les premiers jours du Carème, pour peu qu’il prolonge son
séjour [p. 2] à Grenoble il se trouvera peu seul, les jours seront
plus longs à cette époque, la saison moins rigoureuse ; je pourrai
emmener finette et parconsequent rester plus long-temps aupres de notre bon pere ; nous faisions ce plan hier avec Marc ; si rien de nouveau ne
survient je l’éxecuterai, ton habitude étant de venir à Paques à la Côte
nous ne ferions pas ainsi double emploi ce qu’il ne faut pas
Ma lettre t’arrivera probablement demain au moment ou tu t’habilleras
pour ta soirée à propos j’adopte les manches plâtes es tu à la
hauteur depuis long-temps ?.. Mathilde a de brillant succès a ce que m’apprend
la renommée ; j’ai reçu les pantoufles elles sont charmantes.
Madame Félicie m’a repondu la semaine derniere, elle
est bien profondement triste crois tu que Mr Henri ait quelques
chances pour obtenir la place de Mr Blachette ? ou Mr
Burdet ?… je souhaite que toutes ces ambitions soient satisfaites. c’est
encore plus sur de n’en point avoir
Il y a un siecle que je n’ai point de nouvelles de mon
Oncle tiens moi au courant.
Je te prie de me rappeler bien tendrement [p. 3]
au souvenir de Mlle Nancy et de Pauline je fais sérieusement le
projet de leur ecrire sous peu pour repondre à Mme Pion j’ai été
interrompu si souvent que je croyais ne pas en finir
Finette va bien elle est endiableé et veut toujours être a
terre maintenant ce qui fatigue beaucoup, elle annonce être aussi gourmande qu’une
charmante jeune personne que Mathilde connait intimement, pour des
confitures ou du café finette fait tout ce qu’on veut, c’est le
môteur de sa premiere éducation, sans cela elle n’appr[..d...]
aucune petites gentillesse.
Adieu ma Chere Sœur ecris moi donc de longues relations de
tes brillantes reunions
je trouve que Camille a tres fort raison d’étendre tes
invitations, il ne t’en coutera ni plus d’argent, ni plus d’embarras il n’y
a que le premier pas qui coute.
J’embrasse bien tendrement mon pere Mathilde lui fera une
visite de ma part dans sa chambre pour faire ma commission mes amitiés
à Camille je te prie mon souvenir à Monique
ton affectionnée sœur
Adele Suat
[adresse au verso]
Madame
Madame Camille Pal
Rue Neuve
Grenoble
Isère
Site Hector Berlioz créé par Michel Austin et Monir Tayeb le 18 juillet 1997; pages Lettres de la famille du compositeur créées le 11 décembre 2014, mises à jour le 1er avril 2015.
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