Par
Pierre-René Serna
© 2025 Pierre-René Serna
John Nelson vient de s’éteindre, après une longue carrière consacrée en grande partie à Berlioz. Il portait en lui sa prédilection pour le compositeur. Avec en particulier les Troyens, depuis ses tout débuts ; depuis un concert tout jeune (âgé de seulement 30 ans) à Carnegie Hall en 1972, ses premiers pas au Met de New York en 1973, avant de reprendre l’ouvrage au grand Théâtre de Genève (en 1974 et en 2007), à l’Opéra d’Amsterdam (en 2010), à Stuttgart ou à Francfort… Et avant une gravure au disque succédant à des représentations à Strasbourg en 2017.
Mais c’est toute l’œuvre de Berlioz que Nelson s’était attaché à défendre. Comme en témoigne ses enregistrements, succédant à des concerts, de la Damnation de Faust, Roméo et Juliette couplé avec Cléopâtre, Harold en Italie avec les Nuits d’été par Michael Spyres, et du Requiem (il avait également dirigé la rare Symphonie funèbre et triomphale, sans toutefois la graver). Relevons trois enregistrements particulièrement remarquables : le Te Deum, avec des passages inédits au disque, hormis chez Eliahu Inbal et Jean-Pierre Loré (le Prélude et la Marche) ; et surtout, premières absolues au disque, Béatrice et Bénédict, intégralement avec ses dialogues parlés, et Benvenuto Cellini dans sa version originale dite « Paris 1 » peu ou prou. Pour ces deux gravures Christian Wasselin et moi-même sommes en grande partie à l’origine des projets, puisque nous avions conseillé et encouragé le maestro pour l’accomplissement de ces exécutions intègres. C’est ainsi que ces deux opéras figurent une réalisation discographique exemplaire, comme toujours chez le chef d’orchestre notamment dans le choix de chanteurs appropriés au style de Berlioz et dans le respect scrupuleux des indications de ses partitions, et donc uniques à plus d’un titre. Deux monuments pour deux premières réalisations mondiales.
Il souhaitait diriger et graver tout Berlioz, comme il nous l’avait confié. Comme aussi et ainsi l’Enfance du Christ (qu’il avait dirigée au Festival Berlioz) et Épisode de la vie d’un artiste (la Symphonie fantastique couplée à sa suite Lélio, qu’il avait cependant donné au concert). Mais le destin a voulu qu’il ne puisse pas mener à bien l’enregistrement de ces deux œuvres.
Le chef d’orchestre costaricain d’origine états-unienne, venait de reprendre la nationalité du Costa Rica, pays où il est né (et où il vécut jusqu’à l’âge de 12 ans). Il parlait du reste parfaitement l’espagnol, comme je l’avais constaté avec lui ; en sus du français (il habita à Paris durant plus d’une dizaine d’années) et bien sûr de son anglais maternel (puisqu’il était de famille états-unienne). À la fin de sa vie, il partagea ses résidences entre le Costa-Rica, précisément (où il avait dirigé souvent l’orchestre local), la Floride et l’Illinois (près de Chicago où il s’est éteint). Je l’avais rencontré à de multiples reprises, en particulier à Paris et lors de plusieurs de ses concerts consacrés à Berlioz, comme à Genève (pour ses Troyens), à Strasbourg ou à la Côte-Saint-André, avec de nombreux échanges.
Ce fut cependant un chef d’orchestre au répertoire éclectique, au-delà du seul Berlioz : Beethoven, mais aussi une prédilection pour Haendel, voire Fauré (avec l’Orchestre de chambre de Paris dont il fut titulaire de 1998 à 2009, entre autres), à la tête de nombreux orchestres des deux côtés de l’Atlantique. Mais son témoignage pour Berlioz reste unique, avec en particulier Benvenuto Cellini et Béatrice et Bénédict gravés pour l’éternité.
Pierre-René Serna
Nous remercions vivement notre ami Pierre-René Serna de nous avoir envoyé cet article.
Site Hector Berlioz créé le 18 juillet 1997 par Michel Austin et Monir Tayeb; cette page créée le 18 avril 2025.
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