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2022

    Cette page présente les comptes-rendus d’exécutions et représentations qui ont eu lieu en 2022. Nous remercions très vivement les auteurs de leurs précieuses contributions.

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Comptes-rendus en français Comptes-rendus en anglais
Un requiem comme un couronnement
Roméo et Juliette selon Nelson
AU PAYS DES OPÉRAS DE BERLIOZ : BÉATRICE ET BÉNÉDICT À COLOGNE, LES TROYENS À MUNICH
FESTIVAL BERLIOZ 2022 : ÉCLECTISME
Roméo et Juliette selon Harding
LES TROYENS À COLOGNE : SPLENDEUR ET RIGUEUR
 

FESTIVAL BERLIOZ 2022 : ÉCLECTISME

Pierre-René Serna

- 29 août : après-midi : récital du pianiste Fabrizio Chiovetta ; soir : la Flûte enchantée sous la direction de Christophe Rousset.
- 30 août : après-midi : récital Philippe Cassard (piano), David Grimal (violon) et Anne Gastinel (violoncelle) ; soir : Béatrice et Bénédict sous la direction de John Nelson.
- 31 août : après-midi : récital Silvia Careddu (flûte), Alexandra Luiceanu (harpe) et Patrice Kirchhoff (flûte) ; soir : Concerto pour piano n°1 de Mendelssohn et Symphonie fantastique sous la direction de Thomas Hengelbrock.

    Après une édition fastueuse l’an passé, le Festival Berlioz s’est fait éclectique cette année et davantage restreint pour ce qui concerne les œuvres de Berlioz. La raison est due notamment aux changements intervenus dans la programmation initialement prévue, pour cause de l’actuel contexte politico-guerrier. Les trois derniers jours du festival en témoignent, navigant entre Beethoven, Mozart (la Flûte enchantée), Mendelssohn et Berlioz tout de même (Béatrice et Bénédict, Symphonie fantastique).

BÉATRICE ET BÉNÉDICT PEU COMIQUE

    Moment Berlioz phare de cette édition du Festival, Béatrice et Bénédict revient en version de concert l’avant-dernier jour de la manifestation. John Nelson, dont la réputation de spécialiste du compositeur n’est plus à prouver, est à l’œuvre devant l’Orchestre philharmonique de Strasbourg, poursuivant avec cet orchestre un chemin Berlioz qui a déjà porté de beaux fruits (avec les Troyens et la Damnation de Faust, enregistrés pour Erato en 2017 et 2019). Béatrice et Bénédict nécessite de savoir maintenir la théâtralité légère de la pièce, tout en exhalant son parfum musical subtil. Contrat ici, dans l’auditorium provisoire sis dans la cour du château de la Côte Saint-André, non entièrement rempli. Nous y reviendrons.

    Le plateau vocal réuni n’appelle toutefois que des éloges, à quelques détails près. Sasha Cooke, pourtant déclarée « souffrante », s’empare de Béatrice avec superbe et ce qu’il faut de nuances. Toby Spence figure un Bénédict allant, bien que parfois en retrait de sa voix légère. Vannina Santoni peine un peu dans le rôle de Héro pour ensuite mieux s’affirmer, en particulier dans sa participation aux aériens duo et trio féminins, avec l’appoint d’une excellente Beth Taylor (Ursule). Jérôme Boutillier plante un Claudio assuré, de même que Paul Gay pour Don Pedro. Alors que Julien Véronèse lance Somarone avec la gouaille de circonstance, y compris pour ses tirades parlées.

    Le chœur, constitué du Chœur Spirito complété du Jeune Chœur Symphonique, se fait pour sa part quelque peu criard dans ses premières interventions d’entrée, pour ensuite mieux se fondre (« Marche nuptiale » finale). Il est vrai qu’il est par trop étoffé de ses nombreux participants. Il en serait de même de l’orchestre, le Philharmonique de Strasbourg en (trop) grande formation. D’où une sonorité un peu forte qui ne rend pas toujours justice de son coloris diaphane. La direction de Nelson se fait pourtant, comme on s’en doute, des plus précises, emportée par les tempos vifs et la battue experte du chef, pour un ensemble parfaitement en place. Au chapitre des regrets, il faut surtout mentionner la présentation de l’œuvre : dépourvue (sauf pour Somarone) de ses dialogues parlés, remplacés par un pesant texte de liaison dit par un récitant (Éric Génovèse, bon diseur au demeurant). Il s’ensuit une rupture de la continuité butant sur ces interventions, mais aussi une incompréhension du fil dramatique (pour qui ne connaît pas la trame), défigurant irrémédiablement le caractère opéra-comique de l’œuvre.

    Nelson avait gravé l’œuvre il y a une trentaine d’années, un enregistrement de référence, incluant les dialogues parlés comme il se doit (toujours pour Erato, en 1992, réédition 2011). On saisit alors mal le choix fait ici (alors même que la Flûte enchantée donnée la veille maintenait les dialogues, pourtant dits en allemand). Le respect de ces dialogues (quitte à les abréger), et par là de la structure de l’œuvre, aurait peut-être nécessité un travail préparatoire en amont et davantage de répétitions. Est-ce l’explication ? Le résultat n’en reste pas moins frustrant. Un enregistrement semble prévu, qui cette fois cependant devrait maintenir les dialogues parlés d’origine.

FANTASTIQUE TENDUE

    Autre moment Berlioz important : la Symphonie fantastique à la charge de l’Orchestre national de France, sous la direction de Thomas Hengelbrock. La première partie de ce dernier concert du Festival présente deux Mendelssohn bien enlevés (Ouverture de Ruy Blas, Concerto pour piano n°1, avec le vibrant Philippe Cassard). La Symphonie fantastique rutile ensuite dans une tension, perceptible tout autant chez le public. Hengelbrock confirme sa vocation en faveur de Berlioz (dont il souhaite diriger les Troyens !). On déplorera cependant un solo de cor anglais, dans la « Scène aux champs », qui s’exprime dans une manière de legato concertant, au rebours du staccato requis de cette partie d’évocation champêtre rêvée (Ranz des vaches par le « pâtre »).

AUTRES CONCERTS

    Les autres concerts auxquels nous avons assisté laissent peu de place à Berlioz. Ainsi de notre première soirée où été donnée la Flûte enchantée. Sachant toutefois et par ailleurs que Berlioz était un ardent défenseur de Mozart, et particulièrement de la Flûte enchantée, s’étant élevé en son temps contre le tripatouillage parisien dénommé les Mystères d’Isis (« un misérable pot-pourri ») et prônant un respect scrupuleux du « charme et la suave perfection » de l’œuvre. La réalisation du Singspiel de Mozart se révèle attachante, sous la direction de Christophe Rousset, devant les instruments d’époque de ses Talens Lyriques et une distribution vocale très adaptée. Le tout est mis en espace par Benoît Bénichou, sur le vaste plateau de l’auditorium provisoire de la cour du château, avec gigantesques projections d’images vidéo allégoriques sur écrans géants en arrière-plan et mouvements précisément réglés.

    Parmi les récitals d’après-midis dans la petite église de la bourgade, relevons celui pour flûtes et harpe, avec deux Berlioz : le « Trio des jeunes Ismaélites » de l’Enfance du Christ et un arrangement (pour flûte et harpe) de la mélodie originellement pour voix et piano, l’Origine de la harpe. À côté d’autres œuvres originales et arrangements, en forme de rêveries, chez Liszt, Saint-Saëns, Debussy et la rare Clémence de Grandval (élève de Chopin et de Saint-Saëns), par Silvia Careddu (flûte), Alexandra Luiceanu (harpe) et Patrice Kirchhoff (flûte). Alors que, autre récital, le pianiste Fabrizio Chiovetta s’épanche dans un programme Mozart, en prélude à la Flûte enchantée du soir, associant sonates et fantaisies, entre légèreté, douleur et intensité, d’un doigt agile. Et le lendemain, place à Beethoven pour des trios transmis par Philippe Cassard (piano), David Grimal (violon) et Anne Gastinel (violoncelle), voguant du mystère (Trio « les Esprits ») au monumental (célèbre Trio « l’Archiduc », si apprécié par Berlioz).

EXPOSITION

    Comme chaque année, il convient de consacrer des instants pour l’exposition au Musée Hector-Berlioz. Cette fois-ci : « les Voyages extraordinaires de Monsieur B. » (ce qui, du reste, devait être le thème de la programmation musicale du festival, avant les changements intervenus susmentionnés). Sont ainsi évoqués et représentés, les voyages du musicien à travers l’Europe, mais aussi ses voyages envisagés et rêvés. Des images et tableaux d’époque illustrant les voitures hippomobiles, les voiliers et le train pour finir, s’accompagnent d’extraits de lettres et documents de la main de Berlioz. Une exposition imaginative, comme sait si bien en concocter Antoine Troncy le dynamique responsable du Musée (jusqu’au 31 décembre).

Pierre-René Serna

AU PAYS DES OPÉRAS DE BERLIOZ : BÉATRICE ET BÉNÉDICT À COLOGNE, LES TROYENS À MUNICH

Pierre-René Serna

Béatrice et Bénédict : StaatenHaus, Opéra de Cologne, 30 avril 2022 (première)
Les Troyens : Opéra de Munich, 9 mai 2022 (première)

    Comme régulièrement, si l’on souhaite assister aux opéras de Berlioz, il convient de voyager en Allemagne, pays où ils sont régulièrement programmés (à l’inverse des villes françaises). Ainsi en est-il récemment de Béatrice et Bénédict à l’Opéra de Cologne et des Troyens à l’Opéra de Munich, alors que toujours à Cologne les Troyens sont annoncés (du 24 septembre au 15 octobre 2022). Une tradition germanique qui se poursuit et remonte à la carrière même du compositeur, qui créa son opéra-comique à Bade, quand ses Troyens attendront d’être donnés en entier, après sa disparition, à Carlsruhe en 1890.

BÉATRICE ET BÉNÉDICT À L’OPÉRA DE COLOGNE

    Dans la perspective de ses prometteurs Troyens à venir à l’Opéra de Cologne et faisant suite à son précédent Benvenuto Cellini des mieux accomplis (voir sur ce site Benvenuto Cellini au pays des opéras de Berlioz), François-Xavier Roth, Generalmusikdirektor de la ville, poursuit son parcours Berlioz dans cette même institution avec un Béatrice et Bénédict qui tient bien ses promesses. La production avait été programmée toutefois il y a deux ans, mais a dû être reportée en raison de la situation sanitaire. C’est le StaatenHaus qui l’accueille, ancien palais d’exposition où l’Opéra de Cologne se réfugie en attente de la rénovation de son théâtre (à l’ouverture différée d’année en année, et désormais envisagée pour 2024). Ce n’est donc pas exactement un théâtre, sinon une vaste salle avec fauteuils en gradins, sans réelle machinerie ni cintres, et sans fosse d’orchestre en tant que telle. L’orchestre est ainsi relégué en contre-bas sur le côté, alors que la scène se présente en avant sur un large plateau en décliné. On est assez loin du cadre pour lequel fut conçu cet opéra-comique de chambre, comme à sa création en 1862 dans le petit théâtre de Bade. Malgré cela, dans la salle de Cologne la sonorité bénéficie d’une réelle présence.

    La distribution vocale, des mieux adaptées, se livre alors sans entraves. Isabelle Druet figure une Béatrice, rôle qu’elle avait chanté en 2013 au Festival Berlioz, de belle envergure, d’un souffle large et nuancé quand il faut. Le ténor étatsunien Paul Appleby avait, quant à lui, déjà interprété Bénédict à Glyndebourne en 2016 ainsi qu’en version de concert à l’Opéra de Paris (Palais Garnier) en 2017 ; il maintient ici une ligne de chant ferme et une élocution avenante. La jeune soprano Jenny Daviet fait des débuts circonstanciés bien que parfois légers en Héro, de même que Lotte Verstaen en Ursule ; et leurs deux voix se conjuguent voluptueusement dans leur célèbre duo, tout comme dans le trio échangé avec Béatrice. Tout aussi appropriés sont Luke Stoker en Don Pedro et Thomas Dolié en Claudio ; ce dernier, remplaçant de dernière minute le baryton initialement prévu, et chantant avec bagout sur un côté de la scène.

    Le chœur, qui est à la fête dans cette partition, intervient avec bel aplomb. On goûte aussi les charmes d’un orchestre tout de subtilités, auquel François-Xavier Roth sait donner comme peu le parfum. Et cette délicatesse orchestrale, inhérente à Béatrice et Bénédict et si exigeante à transmettre, de se marier parfaitement avec le plateau vocal. Musicalement, tout est ainsi pour le meilleur de ce Béatrice et Bénédict si rare.

    Mais il faut aussi compter avec la mise en scène. Celle-ci, signée de la Britannique Jean Renshaw, ne s’en tient pas seulement à une belle animation du plateau, avec costumes et éléments de décor façon Sicile années 1950 (transposition cependant peu originale). Elle s’autorise, en outre, différents ajouts et modifications venus fâcheusement déparer les dialogues parlés. Et Ivan Thirion, bonne basse par ailleurs, en fait alors un peu trop dans le rôle de Somarone. On attend, une fois encore, un Béatrice et Bénédict en tant que tel, avec ses dialogues parlés originaux !… Il est vrai que, dans ce cas, il fallait bien meubler le vaste plateau. Alors même que la musique jouit d’un strict respect de sa partition, servie au mieux dans son esprit et sa densité. L’essentiel finalement.

LES TROYENS À L’OPÉRA DE MUNICH

    La précédente production des Troyens à l’Opéra de Munich remonte à 2001, dans une réalisation attachante, sous la direction de Zubin Mehta et une mise en scène Graham Vick.

    En Allemagne, peu après Béatrice et Bénédict à Cologne, les Troyens font ainsi leur retour à Munich pour une nouvelle production, dans une excellente interprétation musicale mais une discutable mise en scène.

    La restitution se conforme à l’état final de l’opéra, tel qu’établi par la partition éditée par Bärenreiter, hormis la coupure des trois Entrées du 3e acte, pour une soirée commencée à 17 h et achevée à 22 h y compris les deux entractes. Ce qui témoigne d’une réelle ambition, dont témoigne aussi le choix pertinent des interprètes.

    En dépit d’une réserve, sur laquelle nous reviendrons, les chanteurs solistes réunis investissent leurs rôles et leurs fonctions au plus près des intentions de l’œuvre. Marie-Nicole Lemieux campe une Cassandre de belle facture avec puissance quand il faut (malgré quelques aigus un peu tirés). Ekaterina Semenchuk délivre avec aisance une Didon de juste lyrisme aux 3e et 4e actes, puis au final d’une ardente fureur. Le vétéran Gregory Kunde, et vétéran dans le répertoire de Berlioz, lance un Énée d’une magnifique projection (à 68 ans révolus !). Et le public de lui réserver un triomphe mérité en fin de son air du 5e acte, seule interruption d’applaudissements d’une soirée particulièrement attentive. Stéphane Degout figure pour sa part un Chorèbe accompli. Alors que les petits rôles s’épanchent tout aussi judicieusement, comme l’Anna de vrai contralto de Lindsay Ammann, le Narbal ténébreux de Bálint Szabó, ou le Iopas délicieusement élégiaque du ténor léger Martin Mitterruntzner. Et tous, dans une parfaite élocution française, de mériter un bravo d’ensemble qui ne manquera pas au moment des saluts.

    La direction emportée de Daniele Rustioni (par ailleurs directeur musical de l’Opéra de Lyon) se fait attentive et précise, devant un orchestre toutefois d’une sonorité parfois un peu rêche. Le chœur intervient à-propos et avec ampleur, bien que parfois d’un seul bloc, mais s’ajustant mieux la soirée avançant. On regrettera cependant certains effets de spatialisation voulus par Berlioz malencontreusement estompés, comme lors du final du premier acte, d’un chœur et de fanfares passant théoriquement des coulisses pour investir la scène.

    Reste la mise en scène, qui échoit à Christophe Honoré. Les deux premiers actes, à Troie, s’ébrouent dans un statisme des foules chorales en tenues de soirée (comme pour un concert), une action réduite à sa plus simple expression devant un décor de panneaux abstraits et d’image de mer (avec la seule évocation du Cheval de Troie par l’intromission lumineuse des mots : « Das Pferd », le cheval, en allemand). Passons… Passons au troisième acte, pour découvrir une Carthage transformée en plage de nudistes (!) et une Didon s’adressant à un peuple absent (d’un chœur invisible en contrebas et transmis par haut-parleurs). Puis à l’acte suivant, pour voir la « Chasse royale » et les ballets signifiés par des écrans cinématographiques présentant des manières de film pornographique chez les homosexuels gays. Provocation à trois sous ! qui n’en est plus guère une de nos jours et qui confine à la vaine gratuité sans rapport aucun avec la thématique du livret. D’où les huées (voulues et attendues ?) en fin de ces épisodes. La soirée s’écoule ensuite de même, entre baigneurs et couples gays enlacés, déplacés parmi un décor de piscine. Le tout inapte, mais surtout sans réelle illustration de la trame. De surcroît, dans un tic anti-opéra, les chanteurs solistes se retrouvent le plus souvent relégués en fond de plateau, au détriment de leur émission vocale dans une salle dont déjà l’acoustique ne bénéficie pas d’une grande présence ! Autre écueil de cette production, amoindrissant les effets d’une musicalité pourtant bien servie et menée.

Pierre-René Serna

Roméo et Juliette selon Nelson

Christian Wasselin

    En attendant Béatrice et Bénédict cet été à La Côte-Saint-André, John Nelson et l’Orchestre philharmonique de Strasbourg nous invitent au pays de Roméo et Juliette.

Hector Berlioz : Roméo et Juliette. Joyce DiDonato, mezzo-soprano ; Cyrille Dubois, ténor ; Christopher Maltman, basse ; Chœur de l’Opéra du Rhin, Chœur Gulbenkian ; Orchestre philharmonique de Strasbourg, dir. John Nelson. Philharmonie de Paris, 10 juin 2022.

 

    Après deux concerts à Strasbourg, John Nelson a emmené à la Philharmonie de Paris l’orchestre avec lequel il élabore peu à peu un cycle Berlioz particulièrement marquant, manière d’apothéose pour un chef qui défend ce compositeur avec éclat depuis le début de sa carrière. À l’affiche : Roméo et Juliette, œuvre assez rare au programme des concerts, dont on donne parfois les seules pages symphoniques, solution frustrante qui ne rend pas justice à l’audacieuse architecture imaginée par Berlioz*. John Nelson, bien sûr, nous offre ici la partition entière, dans toute son ampleur de « symphonie dramatique » mêlant le chant et la musique instrumentale, combinant le drame à la réflexion sur la poésie elle-même : quoi de plus singulier que ce Prologue dans lequel est rendu hommage à Shakespeare, comme si le compositeur nouait alliance avec le poète ? Nous sommes ici aussi loin de l’opéra selon Bellini ou Gounod que du ballet selon Prokofiev ou de l’ouverture-fantaisie selon Tchaïkovski.

    John Nelson connaît les exigences de Berlioz : il installe comme il convient les premiers et les seconds violons de part et d’autre de son pupitre de chef, il convoque six harpes, il fait s’apostropher à distance, dans le finale, les Capulets et les Montagus (la fusion entre les voix du Chœur de l’Opéra national du Rhin et celles du Chœur Gulbenkian est tout à fait réussie). On peut s’étonner qu’il ménage un entr’acte après La Reine Mab, mais Berlioz écrit dans ses « Observations pour l’exécution » publiées avec la partition que « les choristes, Capulets et Montagus, ne devront se placer en vue du public qu’après le scherzo instrumental, pendant l’entr’acte qui sépare ce morceau du Convoi funèbre ». On peut aussi s’irriter qu’il fasse applaudir les exécutants après chaque mouvement, dans la première moitié de la soirée, mais après tout on applaudissait à tout propos à l’époque de Berlioz : lors de la création d’Harold en Italie, la « Marche de pèlerins » fut bissée. Et puis, comment reprocher à John Nelson de partager le bonheur qu’il éprouve à interpréter la musique de son compositeur en compagnie d’un orchestre avec lequel il s’entend idéalement ? Ce qui n’empêche pas, du point de vue de l’auditeur attentif, que des applaudissements intempestifs rompent la continuité musicale de l’œuvre.

L’ombre de Boulez

    Il y a des trouvailles sonores et de la nervosité dans les interprétations sur instruments historiques de John Eliot Gardiner et de François-Xavier Roth ; il y a de la souplesse dans celle de John Nelson, dont les partis-pris sont moins abrupts, le souci de la fluidité du discours l’emportant chez lui sur l’art des ruptures. Les tempos qu’il adopte dans Roméo et Juliette sont dans l’ensemble assez allants (comme c’est le cas aussi dans ses Troyens et dans son Requiem) sauf, curieusement, dans le Prologue. Peut-être l’éloignement du petit chœur et des deux solistes y est-elle pour quelque chose. La voix de Joyce DiDonato est toutefois un atout de luxe (ah, les « célestes appas » environnés de deux clarinettes et d’un cor anglais !) et Cyrille Dubois met toute la malice qu’il faut dans le Scherzetto.

    La Scène du tombeau est sans doute l’un des moments les plus saisissants de la soirée, avec une clarinette solo qui, au moment du réveil de Juliette, sonne vraiment pppp, comme il est écrit sur la partition (Berlioz précise en outre : dolcissimo), puis fait enfler peu à peu le son, mais par à-coups, d’une manière réellement fantomatique. On croirait presque entendre Dialogue de l’ombre double de Boulez ! Dans le finale, Christopher Maltman se montre superbe de projection et de diction, avec dans le timbre comme une noirceur bienveillante tout à fait ad hoc ; il n’est pas si fréquent qu’un chanteur trouve le style et l’autorité qui lui permettent de tenir tête à l’orchestre dans cette page qui a tout d’une grande scène d’opéra.

    Il va de soi qu’on attend avec impatience l’enregistrement de ce Roméo, qui sera couplé avec la cantate Cléopâtre chantée elle aussi par Joyce DiDonato**. En attendant, on ne manquera pas le concert au cours duquel, toujours en compagnie de l’Orchestre philharmonique de Strasbourg, John Nelson dirigera Béatrice et Bénédict, le 30 août, dans le cadre du Festival Berlioz de La Côte-Saint-André.

Christian Wasselin

* On pourra entendre Roméo et Juliette à Radio France, le 30 septembre, sous la direction de Daniel Harding.

** Les Troyens et La Damnation de Faust sont disponibles chez Warner/Erato. Le Requiem, enregistré à la cathédrale Saint-Paul de Londres, l’est aussi, mais avec le Philharmonia Orchestra.

Un requiem comme un couronnement

Nantes, 27 juin 2022

Christian Wasselin

    Pascal Rophé a choisi le Requiem de Berlioz pour clore son mandat de directeur musical de l’Orchestre philharmonique des Pays de la Loire. Oui mais voilà : le Requiem de Berlioz souffre de sa réputation. Pour certains (qui ne le connaissent pas, sinon sur la foi des préjugés), il s’agit d’une grande machine creuse et tonitruante. A contrario, un certain nombre de chefs d’orchestre, pour gommer cette réputation, le confinent dans la grisaille et dans l’ennui. Pascal Rophé, lui, fait ce qu’il y a à faire : il dirige la partition telle qu’elle est, avec ses cataclysmes, ses gouffres, ses vastes moments de recueillement. C’est en effet la Grande Messe des morts que le directeur musical de l’Orchestre national des Pays de la Loire, à l’occasion de son dernier concert après neuf ans de mandat, a choisi de diriger dans l’Arena Loire de Trélazé puis à la Cité de Nantes.

    Moins vaste qu’on pourrait l’imaginer, ce dernier lieu est aussi d’une acoustique peu réverbérée : c’est dire qu’on y entend tout et que les détails (ou les imperfections !) ne peuvent pas se dissoudre dans de complaisants échos. Qualité bienvenue pour la prestation de Pascal Rophé qui, rompu aux partitions les plus acrobatiques, nous donne là une leçon d’extrême précision et d’extrême rigueur, dans des tempos modérés qui permettent d’apprécier l’architecture de la partition et d’en goûter toutes les surprises. Dès les premières mesures, on sait que les attaques seront franches, que les flottements ne seront pas de saison. Dans les moments parfois abordés par d’autres exécutants de manière approximative (le tout début du « Rex tremendae », les accords initiaux de l’« Agnus dei »), tout le monde est ensemble, et l’ensemble du Requiem est joué avec une clarté des plans sonores qui met en valeur les bassons, les cors et ce qu’il y a de plus délicat, au sein des violons, dans l’Offertoire. On ne boudera pas non plus la belle couleur des deux cors anglais dans le « Quid sum miser », ni l’intelligence de la grosse caisse, qui ne se contente pas de cogner mais sait mêler sa voix aux effets de tumulte ou de lointain.

    Hosannah euphorique

    On se félicitera aussi de l’homogénéité atteinte pas les trois chœurs réunis : le Chœur Orfeón Donostiarra, le Chœur d’Angers Nantes Opéra, le Chœur de l’Orchestre national des Pays de la Loire, qui prononcent le latin à la romaine (« Touba miroum », « Quouid soum miser », « Sa’nctous », etc.). Le premier de ces ensembles nous avait fait une petite impression lors du même Requiem interprété en 2015, à la Philharmonie de Paris, sous la direction de Tugan Sokhiev ; il est vrai qu’il était seul, alors (quatre ans plus tard, en compagnie du Chœur de l’Orchestre de Paris, sa prestation s’était beaucoup améliorée), tandis qu’à Nantes Pascal Rophé peut jouer de l’effet de masse ou, au moment du « Quid sum miser », ne faire intervenir qu’une petite partie du chœur. Il fait chanter tout le monde toutefois dans le « Quaerens me », où il réussit à maintenir une belle fusion, et nous offre dans le « Sanctus » un « Hosannah » euphorique (que ne trouble aucun tuba intempestif, ce qui n’est pas toujours le cas sous d’autres baguettes), lequel succède à une prestation peut-être un peu trop extravertie, trop peu éthérée, du ténor John Irvin.

    Reste le problème des fanfares, qui pousse chaque chef d’orchestre à trouver la meilleure solution pour rendre justice à ce que souhaitait le compositeur. Berlioz indique qu’elles doivent occuper les quatre angles « de la grande masse vocale et instrumentale », ce qui ne l’a pas empêché lui-même de s’adapter aux lieux où était joué son Requiem : à Berlin par exemple, en 1843, il choisit d’installer « la quadruple fanfare (…) aux quatre coins du théâtre qui tremblait sous les roulements des dix timbaliers ». À Nantes, deux des quatre orchestres de cuivre étaient de part et d’autre des violons et des altos, côté jardin et côté cour de la scène, et les deux autres dans la salle, en contrebas du parterre (lequel est légèrement surévalué par rapport aux places dites « d’orchestre »). Solution qui n’est pas idéale, qui offre l’inconvénient de voir les cuivres se préparer au moment où on aimerait qu’ils nous surprennent, mais qui permet aux instrumentistes de s’entendre ; ainsi, après s’être retourné vers la salle au début du « Tuba mirum » pour lancer ses fanfares, Pascal Rophé leur fait toute confiance quand elles reprennent la parole au moment du « Liber scriptus ». Et tout le monde de jouer de concert, de même, au moment de l’« Hostias », où les notes pédales des trombones ne souffrent d’aucun défaut de justesse.

    Pascal Rophé avait dirigé dans le même lieu le Te Deum de Berlioz il y a quatre ans. Avec cet ultime Requiem, on peut apprécier le chemin parcouru par l’ONPL sous sa houlette. Les enthousiasmes obligatoires sont souvent pénibles ; mais l’ovation debout que lui a offerte spontanément le public, était en l’occurrence tout à fait légitime.

Christian Wasselin

Roméo et Juliette selon Harding

Radio France, 30 septembre 2022.

Christian Wasselin

    On avait gardé un grand souvenir du Roméo et Juliette dirigé par Daniele Gatti, en 2014, au Théâtre des Champs-Élysées, à la tête de l’Orchestre national de France. Le concert donné en 2016 par l’Orchestre philharmonique de Radio France, en revanche, nous avait laissés perplexes en raison de la direction inexplicablement amorphe de Jukka-Pekka Saraste ; ne nous reste en mémoire de cette soirée que le sublime solo de hautbois, immensément chantant et fruité, d’Olivier Doise.

    Six ans plus tard, la donne a changé. Galvanisé par Daniel Harding, l’Orchestre philharmonique nous offre un Roméo concentré, tendu, fiévreux, plus symphonique que théâtral. On sait en effet que le Roméo de Berlioz, qui inaugure le genre de la symphonie dramatique (lequel n’aura guère de descendants), télescope le concert et le théâtre et permet les approches les plus différentes. Après une introduction lancée par un pupitre d’altos déchaînés, ainsi, le récitatif confié aux cuivres est avec Harding une page d’orchestre sans intention narrative alors qu’un Daniele Gatti s’attache à nous faire entendre l’intervention du prince. Mais la beauté instrumentale de « Roméo seul », de la « Scène d’amour » ou de « La reine Mab », pour ne citer que ces exemples, nous convainquent que Daniel Harding sait ce qu’il veut. Singulièrement, il fait du « Convoi funèbre de Juliette » une page immobile, presque contemplative, en préférant jouer des couleurs plutôt que de souligner le crescendo permis par la forme même du fugato instrumental.

    On goûte le hautbois lyrique d’Hélène Devilleneuve, on aime la flûte pleine de fantaisie de Magali Mosnier, on est saisi par les accents sépulcraux des bassons dans l’« Évocation », on suit pas à pas le réveil de Juliette grâce aux pppp impalpables de la clarinette de Nicolas Baldeyrou. Le cor anglais est un peu timide, certes, on attendrait des trombones plus implacables dans « Roméo au tombeau des Capulets », mais il y a dans ce Roméo un sens du relief et une maîtrise de chaque instant qui nous rappellent que Daniel Harding est aussi pilote d’avion.

    L’acoustique de l’Auditorium de Radio France réserve toujours de bonnes surprises : si l’on peut s’étonner a priori que deux harpes seulement soient installées sur la scène, on les entend clairement, aussi bien dans les tutti de la « Fête chez Capulet » que dans le scherzo, où leurs interventions participent de cet art de l’imprévu qu’a toujours revendiqué Berlioz – et beaucoup mieux que les six instruments qu’avait réunis John Nelson à la Philharmonie de Paris le 10 juin dernier. C’est le cas aussi des contrebasses, dont les moindres intentions sont là, présentes, grâce aussi à un très beau grain, grâce aussi à un chef, bien sûr, qui ne laisse rien au hasard.

    Symphonie dramatique, la partition de Berlioz fait appel aux voix. Le Chœur de Radio France, préparé par son nouveau directeur musical Lionel Sow, paraît en grande forme et chante avec une belle ferveur. On peut s’étonner cependant du parti pris qui consiste à faire entrer le chœur du Prologue et à l’installer derrière le chef à la fin de l’introduction instrumentale, ce qui occasionne des bruits de pas incongrus ; de même, pourquoi demander aux membres du chœur d’aborder le « Convoi funèbre de Juliette » en descendant les gradins afin de prendre leur place ? Le rituel, certes. La procession. Mais la musique n’y gagne rien, et le théâtre niche ailleurs. Le double Chœur des jeunes Capulets sortant de la fête provient avec bonheur des lointains, l’un plus près que l’autre (mais on aurait aimé, idéalement, que le plus près soit le plus loin !), produisant un bel effet d’espace.

    Côté solistes, on ne peut que se féliciter des « Strophes » de Virginie Verrez, chantées avec un phrasé plein d’élan et un timbre d’une riche matière. Andrew Staples se sort avec les honneurs du bref « Scherzetto », mais Edwin Crossley-Mercer, dans le finale, manque un peu d’autorité et de clarté dans la diction. Est-ce la raison pour laquelle on aurait attendu que le serment final soit pourvu d’un surcroît de solennité ?

Christian Wasselin

LES TROYENS À COLOGNE : SPLENDEUR ET RIGUEUR

Les Troyens : StaatenHaus, Opéra de Cologne, 24 septembre 2022 (première).

Pierre-René Serna

    Les Troyens reviennent en Allemagne, à Cologne cette fois. En l’occurrence, se poursuit le cycle des opéras de Berlioz entrepris dans cette ville par François-Xavier Roth, après ses précédents Benvenuto Cellini et Béatrice et Bénédict (voir sur ce site nos comptes-rendus). La restitution musicale se conforme rigoureusement à celle de la partition dans son état final, tel qu’établi par Bärenreiter, incluant toutes les reprises et les ballets. Ce qui manifeste déjà l’ambition de la production, des plus rares et digne de l’intransigeance exceptionnelle de ce chef en matière de Berlioz. Seule petite divergence, la cadence qui clôt le duo de Cassandre et Chorèbe (prise à la version de l’opéra scindé en deux parties) au lieu de la transition orchestrale. On croit savoir cependant que Roth aurait la version primitive des Troyens de 1858 (facile à reconstituer et dont nous disposons des partitions), dans de futurs projets. Version à notre sens plus attachante, sans les ajouts, suppressions et retouches plus tardifs, souvent en forme de concessions (voir à ce propos notre ouvrage Berlioz de B à Z). Attendons…

    À Cologne, l’interprétation musicale se révèle néanmoins superlative. L’orchestre, celui du Gürzenich-Orchester Köln (dont Roth est directeur), resplendit entre vigueur et infinies subtilités, dépourvu de vibrato sous une battue d’une extrême précision, jusques et y compris dans les tempos vifs (comme pour l’animé deuxième ballet du quatrième acte, proche de l’indication métronomique bien que moins rapidement). Le chœur de l’Opéra de Cologne s’épanche hardiment, en dépit de ses nombreux déplacements (souvent en conformité avec les indications de la partition), depuis le plateau central, les côtés, la coulisse et jusqu’en partie haute au fond de la salle. Dans son chœur d’entrée, placé au-devant, son ardeur couvre cependant malencontreusement l’orchestre en retrait. Mais il manifeste un bel emportement d’ensemble dans ses multiples interventions, et tout particulièrement pour ses voix féminines (comme en fin du deuxième acte).

    Le chant soliste s’exprime pour sa part dans toute sa splendeur. Isabelle Druet reste la Cassandre assurée qu’elle avait déjà offerte (au Festival Berlioz, toujours sous la direction de Roth – voir sur ce site). Veronica Simeoni incarne une Didon d’envergure, d’un lyrisme constant à travers l’endurance de son rôle, passant sans accroc des phases voluptueuses aux moments de pleine intensité. Une grande Didon ! Le ténor italien Enea Scala (nom prédestiné !) s’empare d’Énée avec une densité s’amplifiant après un premier acte moins affirmé, pour ensuite livrer un legato souverain tant dans les moments élégiaques (le duo du quatrième acte) que dans l’exaltation (la fin du premier tableau du cinquième acte). Une prise de rôle des plus accomplies ! Giulia Montanari, Adriana Bastidas-Gamboa et Nicolas Cavallier, exposent de leur côté avec justesse Ascagne, Anna et Narbal, de même que les ténors Dmitry Ivanchey et Young Woo Kim pour les légers Iopas et Hylas. On serait plus réservé pour Insik Choi, figurant un Chorèbe un peu fruste. Les petits rôles annexes s’insèrent au mieux. Et tous, dans cette distribution internationale, déclament avec une parfaite élocution française (face à un public allemand !).

    La mise en scène revient à Johannes Erath, s’intégrant dans le contexte de la salle provisoire de l’Opéra de Cologne, l’ancien palais d’exposition StaatenHaus. Cette salle, comme nous disions dans un précédent article, ne constitue pas un véritable théâtre, mais plutôt un vaste espace sans cintres devant le gradin des fauteuils du public (bénéficiant toutefois d’une bonne acoustique). L’orchestre se retrouve ainsi dans une fosse créée pour l’occasion, autour de laquelle a été agencé un circuit rond et tournant pour accueillir les personnages. On regrette parfois certaines dispositions des chanteurs solistes sur ce plateau improvisé et contraignant, qui les relègue en fond ou de côté, au détriment de leur émission vocale, notamment pour l’Ombre d’Hector dans un lointain peu audible ou pour le duo Didon-Anna accolé sur un canapé déplacé en partie gauche. La conception scénique verse dans l’allégorie, avec quelques éléments symboliques de référence grecque antique (flèche lumineuse, statuaires) mais aussi fantaisistes (une baignoire d’où émergent Cassandre et Didon !) dans un apparat de costumes pris à toutes les époques en phase cependant avec les situations, et une agitation de circonstance sous des variations de lumières aux effets saisissants. Un ensemble assez abouti et qui ne faillit pas à sa fonction d’illustration de la trame, passant de Troie à Carthage. Le tout, musique et représentation scénique, s’accorde au mieux, confirmant à nouveau les espoirs placés dans les initiatives dédiées à Berlioz de François-Xavier Roth.

Pierre-René Serna

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