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A TRAVERS CHANTS

Par

HECTOR BERLIOZ

VI. LES APPOINTEMENTS DES CHANTEURS

    A l’inverse de la fameuse caisse de Robert Macaire toujours ouverte pour recevoir, la caisse des théâtres lyriques est toujours ouverte pour payer. Ce que mangent les ténors, les soprani et les barytons dépasse toute croyance ; on n’a jamais vu de gargantualisme pareil. Le public ne payant pas plus qu’autrefois, au contraire, les demi-dieux ont dû tout naturellement et très-rapidement transformer la caisse des malheureux directeurs en caisse des Danaïdes, où l’on verse des seaux d’or sans qu’il y reste un sou. Encore Paris ne peut-il plus payer les voix exceptionnelles. Aussitôt qu’un chanteur est sûr d’être un dieu, le voilà qui prend en pitié les cinquantaines de mille francs qu’on lui verse à Paris, et qui se met à chanter tant bien que mal l’italien pour aller demander la centaine de mille aux directeurs de Londres ou de Saint-Pétersbourg. Un chanteur fort en voix qui ne gagne pas cent mille francs par an se regarde aujourd’hui comme un paltoquet ; et l’Angleterre et la Russie, désireuses de ne pas lui laisser cette mauvaise opinion de lui-même, acharnées d’ailleurs à interner chez elles les Grandgousiers de l’art, les lui donnent. Qui a tort là-dedans ? Eh ! mon Dieu, personne. Sauvons la caisse ! toujours. L’art est une chimère, sachons nous en passer.

 

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