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Benvenuto Cellini

Version Weimar

Opéra en trois actes

ACTE DEUXIÈME

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N° 5 – Romance

CELLINI

Une heure encore et ma belle maîtresse
Va venir dans ces lieux,
Une heure encore, amour, et si tu veux
De tous ces cœurs fous d’allégresse
Le mien sera le plus joyeux.
Ah! tu serais ingrat si tu trompais mes vœux.

La gloire était ma seule idole;
Un noble espoir que je n’ai plus
Ceignait mon front de l’auréole
Que l’art destine à ses élus;
Mais cet honneur je le dédaigne;
Teresa seule en mon cœur règne.
Vois donc, amour, ce que je fais pour toi;
Protège-la, protège-moi.

Ma bien aimée était heureuse,
Et comme un fleuve ses beaux jours,
Loin de la mer sombre, orageuse,
Paisiblement suivaient leurs cours.
Mais au repos elle préfère
Ma vie errante et ma misère.
Vois donc, amour, ce qu’elle fait pour toi;
Protège-la, protège-moi.

N° 6 – Chœur

TOUS

A boire, à boire, à boire!
Servez-nous vite à boire!

BERNARDINO

Tra la la la!
Chantons!

CELLINI

Soit, mais pour Dieu, pas de chansons à boire!
Pas d’ignoble refrain
Sentant la taverne et le vin.
Chantons! mais que nos chants soient un hymne à la gloire
Des ciseleurs et de notre art divin.

LE CHŒUR, CELLINI, FRANCESCO, BERNARDINO

Si la terre aux beaux jours se couronne
De gerbes, de fruits et de fleurs,
En ses flancs l’homme moissonne
Dans tous les temps des trésors meilleurs.
Honneur aux maîtres ciseleurs!

Quand le maître cisèle
L’or comme un soleil luit,
Le rubis étincelle
Comme un feu dans la nuit.
Le jour, les diamants sommeillent,
Le soleil éteint leurs splendeurs;
Mais quand vient le soir, ils s’éveillent
Avec le chœur scintillant des étoiles leurs sœurs.
Honneur aux maîtres ciseleurs !

Le soir les topazes s’éveillent
Avec les étoiles leurs sœurs.
Honneur aux maîtres ciseleurs !

Quand le maître cisèle
L’or comme un soleil luit,
Le diamant ruisselle
Comme un torrent qui fuit,
Le rubis étincelle
Comme un feu dans la nuit.

Quand naquit la lumière,
Le génie aux beaux-arts
Divisa la matière;
Il en fit quatre parts;
L’architecte eut la pierre,
Au peintre la couleur,
Le marbre au statuaire,
Mais l’or au ciseleur!

Les métaux, ces fleurs souterraines
Aux impérissables couleurs,
Ne brillent qu’au front des reines,
Des rois, des papes, des grands-ducs et des empereurs.
Honneur aux maîtres ciseleurs !

BERNARDINO

Amis, avant qu’on recommence
Je demande un peu de silence:
Pour mieux entonner le refrain,
Il nous faut des fiasques de vin.

LE CHŒUR

A boire! du vin, tout est bu.

(Entre le cabaretier, espèce de vieux juif à la voix nasillarde.)

LE CABARETIER (avec hésitation)

Que voulez-vous?  la cave est vide.

CELLINI (rapidement)

Que dis-tu là, cervelle aride?

LE CABARETIER

Je dis que... vous avez trop bu,
Et si vous voulez encor boire,
Il faut... il faut...

LE CHŒUR

Il faut..?

LE CABARETIER

Il faut payer votre mémoire.

LE CHŒUR

Montre-nous donc ce qui t’est dû.

LE CABARETIER (prenant derrière sa porte une longue perche marquée d’innombrables entailles  servant à désigner les bouteilles vendues)

Voici, messieurs, le contenu
De cette liste exorbitante:
Vin blanc d’Orvieto,
Aleatico,
Et Maraschino,
Trente fiasques, trente.

LE CHŒUR

Comment, trente!

LE CABARETIER

Vin rouge d’Ischia
Et de Procida
Et de Nisita
Ce qui fait soixante.

LE CHŒUR

Soixante!

LE CABARETIER

Vin mousseux d’Asti,
Vin de Lipari,
Lacryma-Christi
Ce qui fait cent trente.

LE CHŒUR

(contrefaisant le cabaretier)

Lachryma-Christi!

(Tous)

Cent trente!
Ah! consternation,
Abomination,
Qui tombent sur nos têtes!

CELLINI

Non, jamais les trompettes
Du jugement dernier
Ne sauraient effrayer
Plus que la voix fatale

(avec le chœur)

Et la liste infernale
De ce... cabaretier.

(réfléchissant)

Comment sortir d’embarras?

(Francesco saisit aux mains du cabaretier sa perche entaillée)

FRANCESCO ET LES AUTRES

Maître, si nous rossions un peu ce traître?

(Le cabaretier se sauve.)

CELLINI

Mauvais moyen que celui-là;
Il vaut mieux attendre.
Peut-être Ascanio nous délivrera.

LE CHŒUR

Le jeune Ascanio! vraiment! le voilà!
C’est le sauveur! viva!

CELLlNI

Viens, enfant, qu’on t’embrasse
Et qu’on te débarrasse
De ce fardeau pesant.

ASCANIO

Un instant, un instant!
Le vin après la gloire.
Maître, que ta mémoire
Se réveille un moment.

Air

Cette somme t’est due
Par le Pape Clément
Pour fondre la statue
Que l’Italie attend
De ton noble talent.
Or donc, je ne te laisse
Ce pesant sac d’argent
Que sur une promesse,
Un solide serment,
Que demain ta statue,
Sera fondue.
Il me faut ton serment.

CELLINI

Soit, je le jure, enfant.

TOUS

Nous le jurons, enfant.

Oui, cette somme était due
Par le Pape Clément
Pour fondre la statue
Que l’Italie attend
De son noble talent.

Or donc, si tu nous laisses
Ce pesant sac d’argent,

CELLINI  (avec le Chœur)

Je t’en fais la promesse.
Je t’en fais le serment.

LE CHŒUR

Crois en notre promesse.
Nous t’en faisons serment.

CELLINI ET LE CHŒUR

Sans délai ma/la statue
Demain sera fondue
Comme ce sac d’argent.
Nous en faisons serment.
Oui!

ASCANIO

Mes amis, maintenant
Ma conscience est nette.
Payez donc votre dette;
Mon argent, le voilà.

CELLINI (vidant le sac)

Comment! rien que cela?

FRANCESCO ET BERNARDINO

Ah! la chétive somme!

ASCANIO

C’est un si vilain homme
Que ce vieux trésorier!

CELLINI

N’importe... Sommelier!

(Contrefaisant le cabaretier)

J’acquitte ton mémoire...

LE CABARETIER

Merci, voulez-vous boire?

LE CHŒUR

Oui-dà, du vin...

CELLINI

Mes amis, plus de vin!
Mais que notre vengeance
Frappe ce juif mesquin,
Qui dans son arrogance
Me traite en vrai faquin.

LE CHŒUR

Oui, vengeance, vengeance!

CELLINI

Écoutez: tout à l’heure
Je sais que Balducci
Quittera sa demeure
Pour venir voir ici
Les belles pasquinades
Du maître Cassandro.
Eh bien! chez Cassandro,
Nous-mêmes, camarades,
Dans de folles parades
Drapons le Giacomo.

LE CHŒUR

Oui, vite chez Cassandro.
Gloire à nous!
Les métaux, ces fleurs souterraines
Aux impérissables couleurs,
Ne brillent qu’au front des reines,
Des rois, des Papes, des grands-ducs et des Empereurs.
Honneur aux maîtres ciseleurs!
Tra la la la!

Dialogue

FIERAMOSCA (qui a épié Cellini et ses amis de loin)

C’est trop fort! comploter à mon nez, sans pudeur,
Et je les laisserais faire!
Non pas... non pas...

POMPEO (qui arrive par le fond)

Eh bien, frère!
Qu’as-tu donc?

FIERAMOSCA

Ce que j’ai? J’étouffe de colère!
Cellini...

POMPEO (tranquillement)

Qu’a fait ce hâbleur?

FIERAMOSCA (le serrant dans ses bras)

Ah! Pompéo, mon ami, mon sauveur.

POMPEO

On t’a rossé, cher fils!

FIERAMOSCA

Oui, mon cher Pompéo!
Mais le pis est que Teresa et son père
Viennent ce soir voir Cassandro.

POMPEO

Eh bien! quel mal?

FIERAMOSCA

Quel mal! ils vont sur le tréteau,
Les traîtres, amuser le seigneur Giacomo
Pour lui donner le change;
Et lorsque le canon, tiré du fort Saint-Ange
Dans nos mains soufflera les moccoli* soudain
Un moine blanc, suivi d’un capucin,
Doit enlever Teresa, ma maîtresse...

[*Moccoli: petites bougies que le mardi gras, à Rome, les masques portent et éteignent en se poursuivant, jusqu’au moment où le canon du fort Saint-Ange annonce la fin du carnaval (note de Berlioz)]

POMPEO

Ah! bravo!

FIERAMOSCA

Quoi! bravo?... ce moine est Cellini.
Ce capucin, c’est son ami,
Ascanio...

POMPEO

Je vois bien... Bravo!... vive l’adresse!

FIERAMOSCA

Que je m’expose ou non à quelque affront nouveau,
Moi, je vais avertir le seigneur Giacomo.
Nous verrons s’il dira bravo!

POMPEO (le retenant)

Imbécile!

FIERAMOSCA

Vraiment?

POMPEO

Misérable cerveau!
Puisque tu sais son stratagème,
Trompe le trompeur même,
Vole-lui son plan.

FIERAMOSCA

Mais comment?

POMPEO

Viens le premier toi-même en moine blanc,
Et puis enlève...

FIERAMOSCA

Oui, la chose est facile;
Mais s’il me voit, le spadassin
Va me tomber dessus.

POMPEO

Per Bacco! sois tranquille!
Ne serais-je pas là moi-même en capucin?
Je suis un ferrailleur s’il est un spadassin.

FIERAMOSCA (réfléchissant)

Allons, allons, c’est bien.

N° 7 – Air

Ah! qui pourrait me résister?
Suis-je pas né pour la bataille?
Malheur à qui m’ose irriter!
Malheur surtout à qui me raille!
Le moulinet
Est bientôt fait,
En quarte, en tierce,
Toujours je perce.
Vive l’escrime! c’est mon fort.

(d’un ton langoureux)

Ô Teresa! pour toi mon âme
Brûle des feux les plus ardents;
C’est un volcan toujours en flamme,
Un Vésuve aux bords effrayants.
Je t’aime tant que pour te plaire,
J’irais, je crois, faire la guerre
A l’enfer, à ses habitants;
J’irais, je crois, jusqu’à combattre
Ce malandrin de Cellini.
Le malheureux!... cent comme lui
Ne pourraient pas encor m’abattre.

Non, rien ne peut me résister, etc.

(Il simule un combat à l’épée.)

Une, deux, trois;  une, deux ; une... mort!
Sans pitié je perce son cœur
Je suis vainqueur!

Dialogue

POMPEO

Viens, le temps passe.

FIERAMOSCA

Cher Pompéo, que je t’embrasse!

POMPEO

Prenons un froc et ne crains rien,
Tout ira bien.

(Ils sortent.)

N° 8 – Final – le carnaval

BALDUCCI (donnant le bras à sa fille)

Vous voyez, j’espère,
Que je suis bon père;
Moi, juge sévère
Des premiers acteurs,
Je consens, ma chère,
A voir pour vous plaire
La farce grossière
De ces bateleurs.

(Il quitte le bras de sa fille et va lire l’affiche que viennent de dérouler les bateleurs.)

TERESA (sur l’avant-scène)

Ah! que vais-je faire?
Laisser mon vieux père
Seul et dans les pleurs!

(Elle va rejoindre son père dans le fond.)

CELLINI ET ASCANIO (habillés en moine blanc et noir entrent sur un des côtés de la scène)

Prudence et mystère,
Moine blanc / Capucin mon frère.
Laissons d’abord faire
Nos chers bateleurs;
Puis à nous l’affaire.
Alors, cher beau-père,
Va chez le notaire,
Ne va pas ailleurs.

(Cellini et Ascanio ont traversé la scène de droite à gauche. Teresa et son père redescendent à droite.)

TOUS ensemble

TERESA (près de son père du côté de la scène opposé à Cellini)

Ah! que vais-je faire?
Laisser mon vieux père
Seul, et dans les pleurs!+
Mais bientôt, j’espère,
Viendra le notaire
Calmer ses douleurs.

BALDUCCI (sur l’avant-scène du côté opposé à Cellini)

Vous voyez  j’espère,
Que je suis bon père, etc.

ASCANIO ET CELLINI (sur l’avant-scène)

Prudence et mystère,
Moine blanc / Capucin mon frère, etc.

(Ils se perdent tous les quatre dans la foule.)

BOURGEOIS ROMAINS

De nos acteurs la farce est prête,
Ils vont jouer le roi Midas.

CHŒUR DES BATELEURS (amis de Cellini, sur le petit théâtre)

Venez, venez, peuple de Rome,
Venez entendre du nouveau.

CHŒUR DU PEUPLE

Ah! ah! Bravo! bravo! bravo! bravo!

LES BATELEURS

Venez, venez voir l’habile homme,
Qui va monter sur le tréteau!

LE PEUPLE

Ah! ah! Bravo! bravo! bravo! bravo!

LES BATELEURS

Venez, venez, peuple de Rome, etc.

LE PEUPLE

Mais déjà la foule
Dans l’ombre et la nuit
Sur Rome déroule
La joie et le bruit.
L’amour et l’ivresse,
Dans la ville en feux,
Chassent la tristesse
Des cœurs et des yeux.

LES BATELEURS

Venez, peuple de Rome,
A l’opéra nouveau.

LE PEUPLE

Ah! sonnez, trompettes,
Sonnez, musettes,
Sonnez, gais tambourins.

LES BATELEURS

Venez voir l’habile homme, etc.

LE PEUPLE

Sonnez, trompettes, etc.

LES BATELEURS

Accourez, arlequins,
Médecins et pasquins!

LE PEUPLE

Ah! vive la joie,
Que l’on s’y noie!
Buvons, chantons, dansons.

LE BATELEURS

Masques noirs, ventres ronds,
Venez voir les bouffons.

LE PEUPLE

Ah! le carnaval
Est un grand bal
Où, rois et gueux,
Tous sont heureux.

TERESA

Ah! le carnaval
Est un grand bal
Où, rois et gueux
Tous sont heureux.

LES BATELEURS

Sans nous la fête est incomplète,
Messieurs, ne vous éloignez pas;
Restez, restez, la farce est prête,
Elle est digne du mardi-gras.
Accourez tous!

LES DANSEURS ET UNE PARTIE DU PEUPLE

Maudit bavard, vieille trompette,
Tes quolibets ne tentent pas,
Sur ton tréteau, crie à tue-tête,
Pour nous la danse a plus d’appas.

LES BATELEURS

Accourez, accourez,
Médecins et Pasquins,
Accourez, accourez!
Ah! maudits danseurs!

LE PEUPLE

L’amour et l’ivresse
Chassent la tristesse, etc.
Le carnaval
Est un grand bal, etc.

Silence! silence! silence!
Assez dansé!
Cassandro commence.

LES FEMMES

Cassandro commence,
Allons, allons! faisons silence.

Ouverture de la pantomime

LE PEUPLE

Ah! ah! très bien, le plaisant visage!
C’est bien lui,
Le trésorier, c’est le seigneur Balducci.

BALDUCCI

Serait-il bien possible!
Me mettre en scène!

(Entrée d’Arlequin. Pantomime du roi Midas ou les oreilles d’âne)

UNE PARTIE DU PEUPLE

Voici maître Arlequin,
Premier ténor romain!

(Entrée de Pasquarello.)

UNE AUTRE PARTIE DU PEUPLE

C’est Pasquarello! c’est un chanteur de la Toscane,
Mais est-ce un homme ou bien un âne?

LES FEMMES

Faisons silence,
Regardons bien
Maître Arlequin,
Faisons silence.

LES HOMMES (s’adressant aux femmes)

Paix donc!

LES FEMMES

Regardons bien,
Faisons silence.

Ariette d’Arlequin

LES FEMMES ET LES HOMMES ENSEMBLE

LES FEMMES DU PEUPLE

Regardons bien
Maître Arlequin;
C’est un fameux ténor romain!
Regardons bien.

LES HOMMES

Bien, bien, bien,
C’est très bien,
Paix!

TOUS

Ah! bravo! comme il chante,
Ah! quel gosier divin!
Comme il déroule
Son chapelet;
Comme il roucoule
Pour un muet.

Cavatine de Pasquarello

QUELQUES HOMMES DU PEUPLE

Il plaît fort
Au vieil homme:
Vois donc comme
Il se tord.

BALDUCCI

C’est trop fort!

AUTRE PARTIE DU PEUPLE

Vois donc le vieux,
Est-il heureux!
En vérité,
Oh! bien!
Félicité!

(Le faux Balducci prend une couronne pour la donner à Pasquarello)

Ah! ah! quel butor! ah! ah!

BALDUCCI

Marauds! Ah! vous osez...
Se rire ainsi de moi!

LE PEUPLE

Bravo! Midas!

BALDUCCI

Attends c’est fait de toi!

LE PEUPLE

Après la comédie
Voici la tragédie.
Vive le carnaval!
L’original
Auprès de la copie:
Nous allons voir quel est
De vous deux le plus laid.
Ah!

(Le chœur s’avance vivement vers le fond de la scène comme pour voir le résultat de la lutte engagée entre Balducci et les bateleurs.)

FIERAMOSCA

Viens, pas à pas,
Fendons la presse,
Offrons le bras
A ma maîtresse.

CELLINI

Viens, pas à pas
Fendons la presse,
Offrons le bras
A ma maîtresse.

TERESA

Un moine blanc!... c’est Cellini!
Que vois-je? un autre ici!
Deux capucins!

FIERAMOSCA

C’est moi!

CELLINI

C’est moi!

TERESA

Dieu! lequel est-ce?

LE CHŒUR DES MASQUES

Moccolo, moccoli!

FIERAMOSCA ET CELLINI

C’est moi! Prenez mon bras!

LE CHŒUR DES MASQUES

Moccolo, moccoli!
A mort le moccolo!

CELLINI

Quoi! par l’enfer et mon patron;
Un autre moine... ah! trahison!

POMPEO

Va, ne crains rien, marche quand même.

FIERAMOSCA

Ah! maudit froc, sot stratagème!

POMPEO

Tiens bon!

ASCANIO

Vengeons-nous de la trahison!

POMPEO

Tiens bon, tiens bon.
Va, ne crains rien.

CELLINI

Qui que tu sois, homme ou démon,
C’est fait de toi.

FIERAMOSCA

Pompéo! à moi!
Vite en avant !

ASCANIO

Attends, toi qui prends le devant!

TERESA

Ciel, au secours! qu’on les arrête!

LE PEUPLE

Mais êtes-vous fous? un jour de fête!
Vous avez donc perdu la tête?

(Ascanio combat contre Fieramosca et Cellini combat contre Pompéo.)

CELLINI

Non, je n’ai pas perdu la tête.

TERESA

Au nom du ciel qu’on les arrête!

FIERAMOSCA

A mon secours!

POMPEO

Tiens bon!

(Fieramosca se sauve.)

CELLINI

Non, non!

(Il perce Pompéo.)

TOUS

Ah!

POMPEO

Ah! je suis mort!

LE PEUPLE

Un homme mort! vite à la garde!

BALDUCCI (revenant, ses habits en désordre)

Un meurtrier! ma fille! un mort!

FIERAMOSCA (revenant par l’autre côté du théâtre. Il reste pétrifié en rencontrant le cadavre de Pompéo.)

A mon secours! Pomp... mort!

LE PEUPLE

Oui, c’est ce moine, oui, qu’on l’arrête,
Son arme brille et fume encor.

CELLINI

Je suis perdu!

FIERAMOSCA

Je suis sauvé!

FRANCESCO ET BERNARDINO

Le maître est pris!

ASCANIO

Mon pauvre maître!

FIERAMOSCA

On tient le traître!

CELLINI ET TERESA

Cruel destin!

BALDUCCI, FRANCESCO

Ah! maudite nuit!

LES FEMMES DU PEUPLE

Un si bel homme!

LES HOMMES DU PEUPLE

Ah! quel coquin!

CELLINI

Maudite nuit!

TOUS

Ah!

TOUS ensemble

FRANCESCO, BERNARDINO, BALDUCCI, FIERAMOSCA ET LE PEUPLE

Assassiner un capucin!
Un camaldule, ah! c’est infâme!
C’est un brigand de l’Apennin;
C’était l’amant de quelque femme;
Soldats, gardez bien l’assassin!
C’est la vendetta, c’est certain.

TERESA

Ah! pauvre femme,
Pour moi seule il s’est perdu.
Infâme, lâches, drôles!
Le traiter comme un assassin!

ASCANIO

Ah! mon cher maître!
Infâme! lâches, drôles!
Le traiter comme un assassin!

CELLINI

Ah! terrible nuit, ô sort maudit!
Lâches, drôles,
Me traiter comme un assassin!

FIERAMOSCA

C’est un infâme assassin!
Le traître est pris enfin!

(Premier coup de canon. Deuxième coup de canon. Toutes les lumières et les moccoli s’éteignent subitement.)

CELLINI

A moi, mes amis,
A moi, je suis pris!

(Troisième coup de canon.)

TOUS ensemble

LE PEUPLE

On n’y voit pas!

BALDUCCI, FIERAMOSCA ET UNE PARTIE DU CHŒUR

Gardes, tenez-vous l’homme?

LES SBIRES

A nous, bourgeois!

LE PEUPLE

A nous, soldats!

TERESA, ASCANIO ET LES AMIS DE CELLINI

Il a disparu.

FIERAMOSCA ET BALDUCCI

Maudit canon! le drôle était saisi.

LES BATELEURS

Il est sauvé!

TOUS ensemble

BALDUCCI, FIERAMOSCA ET LE PEUPLE

Ah! quelle nuit noire et profonde
Ah! maudit canon que Dieu confonde,
Faut-il que ton fâcheux signal
Sonne la fin du carnaval!

TERESA, ASCANIO, FRANCESCO, BERNARDINO ET LES ÉLÈVES DE CELLINI

Ah! cher canon du fort Saint-Ange,
Pour que le jour en nuit se change,
Merci! l’instant est bien choisi;
Car les soldats l’avaient saisi.

BALDUCCI

Teresa!

TERESA

Mon père!

ASCANIO

Chut! prenez mon bras.
Venez, je vais guider vos pas.

BALDUCCI

Teresa, Teresa! ma fille! quel fracas!
Je n’y vois pas.

FIERAMOSCA

Maudit canon!
Ah! trahison!
Il était pris, à l’aide! au meurtre!
Ah, quel fracas!
Ah! le drôle s’échappe! on n’y voit pas!

TERESA ET ASCANIO

Ah, quel horrible fracas!
On ne l’attrapera pas.
Ah, quel chaos! Grand Dieu,
Quel horrible fracas!

LE PEUPLE ET LES AMIS DE CELLINI

Au meurtre! ah, Dieu! l’on nous assomme!
A l’aide! au meurtre! quel horrible fracas!
Maudit canon! on tenait l’homme!
Il était pris. Ah, quel chaos!
La foule augmente! on n’y voit pas!
Le drôle s’échappe,
On ne l’attrapera pas.

LE PEUPLE

Ah! maudit / cher canon, etc.
Ah! quel chaos et quel fracas!
La foule augmente, etc.

BALDUCCI (saisissant Fieramosca)

Le moine blanc!

FIERAMOSCA

Quoi!

BALDUCCI

Ah! Je tiens l’homme!

FIERAMOSCA

Êtes-vous fou?

BALDUCCI

Je le tiens!

TOUS

Ah!

FIERAMOSCA

Je suis Fieramosca, vous dis-je.

TOUS ensemble

UNE PARTIE DU PEUPLE, TERESA, ASCANIO ET FRANCESCO

Ah! scélérat, vil assassin, vieux renégat,
Nous saurons bien te faire pendre.
Va, tu n’échapperas pas!

UNE AUTRE PARTIE DU PEUPLE, BERNARDINO ET BALDUCCI

Assassiner un capucin la nuit des cendres!
Nous saurons bien te faire pendre.
Va, tu n’échapperas pas!

FIERAMOSCA

M’emprisonner, me caserner!
Veuillez m’entendre,
Je suis bon citoyen.
Me faire pendre, moi, Fieramosca!

BALDUCCI

Ma fille! Teresa!... je ne l’aperçois pas!

TERESA ET ASCANIO

Allons, partons. Ah! ne me quittez pas!

FIERAMOSCA

Ah, Dieu! j’étouffe.
Dieu! ne m’étranglez pas!

TOUS

Ô Dieu! de l’air! j’étouffe! de grâce!
Eh! eh! place!
Nous n’en sortirons pas!
Grand Dieu! la foule augmente!
Vous m’écrasez/On nous écrase,
Quelle tourmente!
Ah, quel chaos, quel embarras!
Ah, quel fracas!

© Monir Tayeb et Michel Austin. Tous droits de reproduction réservés.

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