2025
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FESTIVAL BERLIOZ 2025 : POUR LES MÉLODIES | Les Troyens in Graz, Austria |
Pierre-René Serna
Du 22 au 29 août.
Entre divers concerts, la dernière édition du Festival Berlioz s’est distinguée surtout par la série des quatre récitals des mélodies avec piano de Berlioz. Grande rareté que ces mélodies, telles que les offrent le festival dédié au compositeur ! Sachant que Berlioz a écrit non moins d’une cinquantaine de mélodies accompagnées au piano qui restent d’un répertoire très peu fréquent (quand bien même elles inaugurent le genre de la mélodie française). Ces mélodies sont presque inconnues des concerts en France, hors les Nuits d’été mais dans leur version orchestrée. C’est donc un événement de taille que propose le festival, avec une quasi intégrale répartie en quatre récitals d’après-midi dans l’église de la Côte-Saint-André (bourgade de naissance Berlioz et lieu du festival qui lui est consacré). Avouons, par ailleurs, que je suis pour partie à l’origine de cette programmation, que j’avais suggérée à Bruno Messina, directeur du festival.
Les deux premiers récitals reviennent à des chanteuses solistes. Le premier réunit le cycle Fleurs de landes et d’autres mélodies, à la charge de la soprano Maud Bessard-Morandas et de la mezzo Anne-Lise Polchlopek. L’une et l’autre s’épanchent avec allant, dans ce qui est pour partie des transpositions (sachant que ces pages étaient destinées à plusieurs tessitures). On souffre cependant d’un piano de concert (Yamaha) aux notes trop appuyées (par Hervé Billaut), quand un piano-forte de style Érard aurait été mieux adapté. Le deuxième récital laisse place à la seule Maud Bessard-Morandas pour le cycle des Nuits d’été (dans leur version originale avec piano) et d’autres mélodies. On goûte a nouveau son chant bien placé, accompagné d’un même piano (toujours de concert) cette fois plus discret sous les doigts du même Hervé Billaut. Les deux récitals suivants se présentent entièrement différemment, avec des voix masculines et la participation d’un chœur. Les cycles Irlande et Feuillets d’album se succèdent assortis d’autres mélodies. Le ténor Mathias Vidal est à l’œuvre, remplaçant (opportunément ?) Kévin Amiel initialement prévu. Une magnifique prestation, alliant beau phrasé et grande expressivité ! Le baryton Florent Karrer intervient avec justesse pour les quelques mélodies où il a sa part. Quant au chœur de chambre Spirito, dirigé par Thibaut Louppe, il donne dans les moments où il intervient, une remarquable présence. Le piano revient cette fois à Guillaume Coppola dont on apprécie son doigté plus discret. Pour dire que ces deux derniers récitals achèvent au meilleur cette série des mélodies si peu connues.
REQUIEM
Le Requiem était la grande œuvre de Berlioz présentée à ce festival. Pour l’occasion étaient réunis de grands effectifs (comme de juste). Et c’est ainsi que le Chœur Spirito s’ajoutait au Jeune Chœur symphonique de Lyon, au Jeune Chœur d’Auvergne, à la Maîtrise des petits chanteurs de la cathédrale de Lyon, et enfin aux Chanteurs amateurs de la région Auvergne-Rhône-Alpes. L’orchestre Appassionato était lui aussi en grand nombre, dont huit paires de timbales et quatre orchestres de cuivres en coulisses. Dès les premières mesures se sent la réelle ferveur qui parcourt l’ensemble, sous la direction nette de Mathieu Herzog. Et le grand œuvre se déroule ainsi, intensément. Seul bémol (si l’on peut dire) l’intervention de Kévin Amiel pour la partie de ténor du Sanctus, d’une voix trop tranchée quand se nécessitait une tessiture de ténor mixte aux aigus de tête, pour un parcours élégiaque.
ET AUTRES CONCERTS
Cette édition du festival faisait donc peu de place aux grandes œuvres de Berlioz. Mais cependant les concerts symphoniques du soir (dans l’auditorium provisoire sis dans la cour du château de la bourgade) étaient régulièrement parsemés de pages de Berlioz : excellente initiative de l’entreprenant Bruno Messina. Ainsi du concert du Jeune Orchestre européen Hector Berlioz – Isère dirigé par Stéphanie-Marie Degand. Il est introduit par Rêverie et Caprice, bien menée avec Stéphanie-Marie Degand au violon solo. S’ensuivent les Nuits d’été, version orchestrée, partagées entre la mezzo Éléonore Pancrazi et le ténor Kévin Amiel, dans un judicieux échange. Si ce n’est que l’acoustique de l’auditorium est peu favorable aux voix solistes. Des extraits de Carmen (de Bizet, « un vrai élève d’Hector Berlioz » selon Nietzsche) avec les mêmes interprètes, concluent vigoureusement la soirée.
Le Paris Mozart Orchestra livre pour sa part quatre autres mélodies orchestrées de Berlioz (la Belle Voyageuse, la Mort d’Ophélie, la Captive, Zaïde) par la mezzo Victoire Bunel, d’un chant bien senti. Ou d’autres façons, avec orchestre cette fois, de célébrer l’art des mélodies de Berlioz. S’ajoutent la Jeune Fille et la mort de Schubert dans une version pour cordes de Mahler, un peu lourdement transmise, ainsi qu’une Huitième Symphonie de Beethoven de convention, sous la direction de Claire Gibault.
Le concert de l’Orchestra sinfonica nazionale della Rai quant à lui se donne comme il se doit à un répertoire d’inspiration italienne. Se succèdent ainsi l’Ouverture de Benvenuto Cellini et Harold en Italie (alto solo : Lise Berthaud), dans des interprétations amplement satisfaisantes sous la direction de Daniel Kawka. Le rare poème symphonique de Liszt, Tasso, fait heureuse transition.
L’Orchestre français des Jeunes s’attaque valeureusement au Carnaval romain, sous la direction de Kristiina Poska, en compagnie du très original Concerto pour piano n° 2 de Chostakovitch (Alexandre Tharaud au piano) et de la justement célèbre Shéhérazade de Rimski-Korsakov. Bon orchestre pour un attachant programme. Alors que l’Orchestre national de Lyon livre bien la peu fréquente Ouverture des Francs-Juges, en prélude au Concerto pour piano n° 1 de Liszt (créé sous la direction de Berlioz à Weimar avec Liszt au piano) et les deux poèmes symphoniques de Richard Strauss, Don Juan et Mort et Transfiguration. Dans un ensemble bien conduit par Nikolaj Szeps-Znaider et Roger Muraro très à son affaire au piano.
Parmi les autres concerts, signalons les deux autres récitals dans la petite église, cette fois pour piano seul ou à peu près : Aline Pipoule devant son piano distille des pièces de musique française, entrecoupées de textes bien dits (sans microphone) par le comédien Jean-Vincent Brisa tirés de la Comédie de la mort de Théophile Gauthier, dont ceux qui ont inspirés les Nuit d’été ; alors que Fabrizio Chiovetta donne son piano dans le répertoire germanique (Bagatelles de Beethoven, Sonate n° 21 de Schubert, Isoldens Liebestod tiré de Tristan et Isolde de Wagner dans l’arrangement de Liszt), avec une virtuosité très investie.
Et passons sur un Requiem de Mozart transmis de façon routinière par Jérémie Rhorer à la tête de son Cercle de l’Harmonie et du Chœur de chambre Les Éléments, et une difficile acoustique, cette fois dans l’église de Saint-Antoine-l’Abbaye, village proche.
Retenons enfin l’exposition au Musée Hector-Berlioz, qui comme chaque année ponctue le festival. Cette fois-ci, sous le titre « Vinyles, Vinyles » il présente une collection de près de 350 pochettes des 33 tours de l’Histoire de la Symphonie fantastique (provenant de l’acquisition du musée de l’ensemble de 900 vinyles d’un collectionneur). Belle collection, dans des imageries les plus diverses ! Assortie au surplus en son entrée de la projection d’un mignon et amusant dessin animé évocateur du propos de la symphonie (jusqu’au 31 décembre).
Pierre-René Serna
© Bruno Moussier
© Bruno Moussier
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