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Hector Berlioz: Feuilletons

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FEUILLETON DU JOURNAL DES DÉBATS

DU 21 DÉCEMBRE 1858 [p. 1-2].

THÉATRE DE L’OPÉRA-COMIQUE.

Première représentation des Trois Nicolas, opéra-comique en trois actes, de M. Lopès, musique de M. Clapisson. — Début de Montaubry.

    Nous allons essuyer dans le monde lyrique ce que les marins appellent un grain. Le voilà qui commence ; la mer est moutonneuse, le vent saute d’un point à l’autre du compas. Tenons nous bien : Trois Nicolas et un débutant à l’Opéra-Comique, une débutante à l’Opéra, dans quelques semaines un Faust et un débutant au Théâtre-Lyrique, et quelques jours après un Herculanum en quatre actes à l’Opéra. Et il faut que tout cela surnage, qu’il ne se déclare pas une voie d’eau, que les coups de mer n’emportent personne, que la chambre du capitaine ne soit pas inondée. Pas de naufrage, c’est de mauvais goût. Que tout le monde vive, même les rats de la cale ! Pourtant je ne saurais répondre de n’en pas écraser quelques uns à coups de talon, s’ils s’avisent de trottiner entre mes jambes. On n’est pas parfait, et il faut bien se passer quelques douceurs. D’ailleurs pourquoi tant de rats ? à quoi servent les rats ? les rats des navires surtout. Quant aux rats d’Opéra leur utilité est reconnue.

    Au commencement de la pièce nouvelle, nous sommes en pleine avenue de Longchamps, au milieu d’une cohue brillante de belles dames, de militaires, de bourgeois et de marchands de pain d’épices. Car le pain d’épices n’est pas une invention moderne, et déjà en 1784, époque présumée de l’action de notre opéra, il circulait dans les lieux publics. Le dix-neuvième siècle ne peut pas avoir tout inventé, les chemins de fer, la vapeur, l’hélice, les télégraphes électriques, les câbles transatlantiques, la photographie, le chloroforme, les claqueurs, les feuilletons, les parachutes et le pain d’épices.

    Il y a concert spirituel à l’abbaye de Longchamps, et le peuple parisien, qui de tout temps, on le sait, a éperdument aimé la musique, se met en marche comme un seul dilettante pour y assister.

    Un élégant cavalier, que j’appellerai Couderc faute de savoir son autre nom, paraît surtout fort empressé de s’y rendre. Il ne rêve que musique. L’an dernier, il refusa la main d’une riche et belle personne, parce qu’elle avait la voix fausse. On croyait encore aux voix justes, à cette époque. Et le voilà qui va épouser sa cousine, Mlle de Villepreux, cantatrice amateur fort distinguée, dit-on. L’oncle du jeune homme, M. de Villepreux, est intendant des menus plaisirs du roi, et en cette qualité exècre tout naturellement les arts en général et la musique en particulier. Or il est question d’un opéra nouveau du compositeur à la mode, Dalayrac, qui doit être prochainement représenté devant la cour à Fontainebleau. Mais la partition n’est pas finie ; Dalayrac est triste et ne veut ou ne peut travailler. Un vieil amour vient de se réveiller dans son cœur. A l’époque où son père contrariait son penchant musical, il avait l’habitude à Toulouse d’aller la nuit jouer du violon sur le toit de sa maison. Les jeunes pensionnaires d’un couvent voisin accouraient dans le jardin pour l’entendre. L’une d’entre elles, oblata per lunam sans doute, lui inspira une violente passion. Il eut l’audace de s’introduire dans le jardin pour la lui déclarer ; il effraya la jouvencelle. Celle-ci, en s’enfuyant, laissa tomber la croix d’argent qu’elle portait au cou et que Dalayrac depuis lors porte sur son cœur.

    Après divers incidens inutiles à rappeler ici, Dalayrac est devenu un compositeur célèbre ; il a écrit Nina, Gulnare et beaucoup d’autres charmantes partitions. Celle dont il s’agit maintenant pour le théâtre de Fontainebleau a pour titre Azémia ou les Sauvages ; et, s’il ne peut la finir, c’est qu’un hasard fatal lui a fait rencontrer, sortant de la Comédie italienne, sa pensionnaire du couvent de Toulouse, et que son amour pour elle vient de se ranimer plus cruel qu’auparavant. C’est Hélène de Villepreux, fiancée de l’élégant Couderc et fille de l’intendant des menus plaisirs. Elle va chanter au concert spirituel de Longchamps. Dalayrac, qui fait partie du régiment des gardes d’Artois, de service ce jour-là à la porte de l’abbaye, la voit entrer, quitte son poste pour la suivre, et encourt plus tard pour cette infraction à la discipline une condamnation à huit jours d’arrêts. Après la cérémonie, la belle Hélène sort du saint lieu et vient faire la quête en plein air (circonstance assez bizarre). Arrivée devant le jeune militaire, elle lui présente sa bourse, et Dalayrac tremblant y dépose la croix d’argent par lui recueillie naguère dans le jardin du couvent où Hélène lui apparut. Trouble et surprise de la jeune fille. Survient une pluie battante ; la foule se disperse ; final.

    J’ai oublié de vous dire qu’un ridicule personnage, un de ces crétins qui se disaient chanteurs au siècle dernier, un animal nommé Trial, célèbre encore aujourd’hui dans les provinces de France, a été invité par Mlle de Villepreux à venir lui donner des leçons de chant. De chant !! ce bêlant passait pour savoir chanter !… Le sot n’a garde de manquer une si belle occasion de se croire adoré, et le voilà qui ose demander par écrit un rendez-vous à son élève. Aussitôt après cette jolie leçon de musique que Berthelier (Trial) a donnée avec des contorsions et une prononciation des plus bouffonnes, survient le vrai musicien, le véritable amoureux, Dalayrac. Il s’excuse d’abord d’avoir tardé à venir racheter la croix offerte par lui en gage à la belle quêteuse lors de la cérémonie de Longchamps. Il était aux arrêts. Il avait mérité cette punition. — Comment ? — Récit fidèle de Dalayrac ; il dit tout, jusqu’à l’incident de Toulouse, à la scène du jardin, il avoue son amour et son nom déjà illustre et rayonnant.

    Hélène est vivement émue. Mais sa parole est donnée à son cousin Couderc ; c’est demain qu’on la marie : il faut se résigner.

    « Eloignez-vous, dit-elle à Dalayrac, je ne puis rompre ma chaîne. Votre souvenir me sera toujours cher ; reprenez cette croix, c’est moi qui vous prie de la garder. »

    Voici venir l’intendant des menus plaisirs ; le roi exige qu’Azémia soit représenté dans cinq jours. Que devenir ? la musique n’est pas prête. Mais Couderc est homme de ressources ; il a fait la connaissance de Dalayrac, il sait la cause de la préoccupation et de l’inaction du compositeur et grâce au conseil qu’il lui a donné de s’introduire la nuit prochaine chez celle qu’il aime, de tenter une escalade, de brusquer l’aventure, il compte le voir bientôt guéri et prêt à achever la partition.

    « Mais si la femme que j’aime était la fiancée d’un de mes amis ? réplique l’honnête Dalayrac… — Tant pis pour lui, dit Couderc ; en amour il n’y a pas d’amis. » En conséquence, Dalayrac écrit à Hélène de Villepreux et la conjure de lui accorder une dernière entrevue cette nuit même. Un flambeau allumé près de la fenêtre qui donne sur la rue indiquera que le rendez-vous est accordé. Dans sa lettre à lui, Trial, au contraire, avait demandé qu’on lui apprît qu’il serait le bienvenu en éteignant toutes les lumières.

    Ici commence un imbroglio de tous les diables. L’intendant surprend le premier une des deux lettres adressées à sa fille. Il en brise le cachet, il lit la demande de rendez-vous ; la lettre est signée Nicolas.

    L’instant d’après, Couderc surprend le second poulet adressé à sa fiancée ; il n’hésite pas plus que son oncle à le lire. Autre demande de rendez-vous signée Nicolas.

    L’intendant a entre les mains une lettre de cachet en blanc, il va s’en servir pour faire fourrer au For-l’Evêque le Nicolas qui a osé séduire sa fille. Mais comme il serait bien aise de connaître auparavant cet audacieux, il va s’affubler d’un domino noir pour venir le surprendre au rendez-vous, et il place en partant un flambeau allumé sur un guéridon près de la fenêtre. Couderc, lorsqu’il vient à son tour et dans une intention semblable, éteint toutes les lumières de l’appartement et va chercher la garde pour faire empoigner l’amoureux.

    L’heure est venue ; entre un premier domino noir, un deuxième, un troisième, puis la soubrette et Hélène elle-même. Scène nocturne du jardin d’Almaviva dans le mariage de Figaro. Tout le monde se trompe : substitutions de personnes dans l’obscurité. Bruit soudain. Arrive la garde. « Arrêtez ces trois masques. Comment vous appelez-vous ? — Nicolas — Et vous ? — Nicolas — Ah çà, mais… et vous ? — Nicolas. »

Quel embarras !
J’ai sur les bras
Trois Nicolas !

chante le commandant de la patrouille.

    « Eh bien ! qu’on me fourre au For-l’Evêque ces trois Nicolas, puisqu’il y a tant de Nicolas. »

    Et dans le fait sur les trois masques deux sont de vrais Nicolas ; Dalayrac se nomme réellement Nicolas, Trial se nomme Nicolas, il n’y a que l’intendant qui, pour ne pas être reconnu, a eu la présence d’esprit de se nommer Nicolas.

    Au troisième acte, on assiste aux études chorégraphiques des élèves du Conservatoire de danse aux Menus-Plaisirs. Le gouverneur du For-l’Evêque s’est refusé la veille à recevoir sous ses verrous trois Nicolas quand la lettre de cachet n’en désignait qu’un seul. Qu’a fait alors mon ami Couderc ? Il a ramené ses trois Nicolas et vous les a tout simplement enfermés dans trois salles de l’hôtel des Menus-Plaisirs, où les pauvres Nicolas ont passé une fort mauvaise nuit.

    Non content de cette triste plaisanterie, il veut se battre avec les trois Nicolas. Il a déjà choisi ses témoins, ce seront Dalayrac et l’oncle intendant. Justement voilà ce digne oncle qui sort démasqué de son réduit. — « Mon neveu ! — Mon oncle — Où suis-je donc ? — D’où sortez-vous ? » On s’explique, tout se découvre ; et pendant l’explication, voici une pierre, enveloppée d’une lettre, lancée par la fenêtre de la chambre où est enfermé Dalayrac. Le compositeur est furieux et provoque l’auteur inconnu de son arrestation. Couderc, qui déjà y voit clair dans les sentimens de sa cousine et qui reconnaît le grand amour de Dalayrac pour elle, prend spirituellement son parti. Il écrit et laisse ouverte sur une table une lettre à Dalayrac où il lui promet non seulement de le délivrer, mais encore de lui faire épouser Hélène, s’il veut sans perdre un instant écrire l’air d’Azémia qui manque pour la répétition prochaine de cet opéra. On sort, Dalayrac voit son cachot s’ouvrir ; il trouve la lettre, sa fureur s’apaise ; il compose l’air « Aussitôt que je t’aperçois ». Survient Hélène qui le lui a entendu chanter tout à l’heure. Elle a retenu la phrase principale ; ils chantent ensemble et chantent tour à tour ; l’intendant des menus plaisirs est ravi, l’opéra sera représenté ; il accepte le compositeur pour gendre, et Trial, mystifié, berné, est ramené au For-l’Evêque pour avoir fait manquer le spectacle de la veille.

    La musique de M. Clapisson est comme toujours savamment écrite, dramatique et pleine de verve. L’ouverture des Trois Nicolas débute par un mouvement de marche bien caractérisé auquel succèdent un andante dans le mode mineur et un allegro où l’on remarque de beaux effets d’instrumens à vent. Le chœur de la foule allant à Longchamps est très animé et rappelle, sans lui ressembler pourtant, le beau chœur du marché dans la Muette de Portici.

    Les couplets de Berthelier (Trial)

Admirez ce bel équipage

ont de la gaîté.

    Ceux de Couderc en l’honneur de la musique méritent le même éloge. Le passage sur Orphée surtout a fait beaucoup rire.

Il chante en demandant sa femme,
Et pour le punir Pluton la lui rend.

    On a trouvé gentils et piquans ceux :

Je l’ai promis ;

Mais cela fait coup sur coup bien des couplets. En voici d’autres encore d’une expression suave :

    Je l’aime ! je l’aime !
C’est le réveil de mon premier amour.

On remarque une phrase délicieuse au passage du final :

Heureux qui peut sécher les larmes
    De qui souffre ici-bas.

La reprise de ce thème par la clarinette est d’un excellente intention et du meilleur effet.

    Dans l’air d’Hélène, au second acte, se trouve un gracieux andante avec cor obligé ; la voix s’y marie bien avec l’instrument. Le violon solo qui l’accompagne dans l’allegro semble la gêner au contraire, et l’on regrette qu’il fasse en même temps que la voix des traits aussi compliqués. La leçon de musique est une charge bien faite. Mais le meilleur morceau de toute la partition me paraît être le duo :

Non, non, je ne vous quitte pas.

C’est un vrai morceau di prima intentione supérieurement développé et que l’auditoire a redemandé à grands cris.

    Il faut signaler de belles qualités musicales dans le quatuor du rendez-vous, et surtout dans le final syllabique suivant, morceau magistral, plein de feu et contenant de très belles modulations.

    J’ai moins présens les morceaux du troisième acte ; je signalerai pourtant comme d’une bonne composition l’air mélancolique du rôle de Dalayrac, dont la partie vocale est d’ailleurs supérieurement traitée.

    Mlles Lefebvre et Lemercier sont bien placées dans leurs rôles un peu ternes d’Hélène et de la soubrette. J’ai déjà loué Berthelier ; Couderc est excellent, comme toujours, et Prilleux est un digne intendant, un véritable ennemi de la musique.

    Le ténor maintenant ! le nouveau ténor ! Faut-il le porter aux nues ? il y est. Devons-nous le rappeler sur la terre ? Dieu nous en garde. C’est un gracieux jeune premier ; sa voix est fraîche, étendue, un peu blanche, très juste, souple et d’un timbre un peu pastoral. Il nuance bien son chant, il respire à propos, mais non trop souvent, sa prononciation est bonne, il joue d’ailleurs et dit le dialogue d’une façon convenable. On l’a applaudi avec fureur et redemandé avec rage. Néanmoins son succès est réel, et l’acquisition de Montaubry est une des plus utiles que l’Opéra-Comique ait faites depuis longtemps.

Théâtre de l’Opéra.

Débuts de Mme Barbot dans les Huguenots.

    Je ne crois pas que depuis Mlle Falcon une chanteuse dramatique ait fait à l’enseignement du Conservatoire de Paris autant d’honneur que Mme Barbot. Il faut la soutenir, l’encourager en lui donnant chaleureusement les éloges qu’elle mérite. C’est une âme servie par un bel organe. Enfin voilà une cantatrice qui comprend la passion, qui en connaît l’accent, qui ne lésine pas pour la bien rendre ! Elle écoute ses interlocuteurs, elle ne se croit pas permis de vérifier mentalement en scène le compte de sa blanchisseuse quand elle a fini son solo. Elle croit être Valentine, elle aime Raoul, elle ne craint point de déchirer sa robe en se traînant à genoux sur les pas de son amant. La voix de Mme Barbot est pure, vibrante, juste et d’une étendue réelle de deux octaves, s’élevant sans efforts de l’ut en dessous des portées jusqu’à l’ut en dessus. Les notes basses ont, il est vrai, peu de timbre, la cantatrice ne parvient pas à corriger ce défaut en cherchant à grossir le son par une émission forcée, au contraire, et nous l’engageons fort à laisser les notes inférieures de sa voix paraître ce qu’elles sont naturellement. De plus, Mme Barbot a eu sans doute le malheur de chanter en province, et celui plus grand encore d’ambitionner le suffrage de certains parterres provinciaux ; de là le peu de distinction de son style et quelques défauts de prononciation. (Elle dit odiu pour odieux.) Elle a peut-être même quelque maître de chant à système saugrenu qui veut lui apprendre à chanter du ventre (pardon pour cette ignoble expression). Mais tout cela passera, et Mme Barbot, on l’espère, deviendra une vraie cantatrice dramatique, digne de la sympathie la plus vive du public intelligent, et jamais elle n’imitera tant et tant d’autres prime donne qui insultent l’amour, dépoétisent la douleur, crachent sur le cœur des gens qui en ont un, et que nous tuerions sans pitié si la peine de mort n’existait pas.

    Le succès de Mme Barbot a été d’autant plus franc et d’autant plus flatteur pour elle, qu’on ne l’avait pas préparé ; elle ne venait pas des antipodes et ne demandait pas cent mille francs. Gueymard et Belval l’ont bien secondée ce soir-là. Mais pourquoi, dans le duo du quatrième acte, Gueymard change-t-il la musique de la phrase : « Et mourir avec eux » ? A la sol fa mi fa, désinence admirable que Duprez jetait avec un si prodigieux désespoir, il substitue la sol la sol fa, pour avoir deux la bémols hauts au lieu d’un. C’est insupportable. Le chef-d’œuvre de Meyerbeer a pourtant quelques droits à n’être pas corrigé. Quel duo ! quelle merveille ! Où lui trouver un pendant ? Ce n’est pas, je le crois, dans la musique qu’on peut le rencontrer, mais dans la haute poésie dramatique. Encore ce pendant est-il d’un genre entièrement opposé : c’est le duo entre Cassius et Brutus au quatrième acte du Julius Cæsar de Shakspeare :

Most noble brother, you have done me wrong,

Chimborazo de l’art qui s’élance sublime dans l’azur du ciel, illuminé par les feux de ses volcans, et du haut duquel on ne peut plus apercevoir les montagnes vulgaires.

    Redescendons dans la plaine. Il y a de belles et riches plaines où roulent des fleuves majestueux et que poétisent ensemble la verdure, les fleurs, les épis d’or.

    M. Clapisson vient de nous donner encore une gerbe de fleurs musicales. Son nouvel album de chant est appelé, ce me semble, à une grande vogue. Il contient une foule de morceaux charmans où l’élégance mélodique s’unit à une fermeté de style harmonique qu’on ne trouve guère en général dans les compositions de ce genre publiées à Paris. Nous citerons de préférence le Chant du Grillon, Où vont les nuages, la Croix du chemin et le Livre de prières. M. Clapisson ne se contente pas du succès de ses opéras, il veut encore écrire des albums qui réussissent, et il y réussit.

    Les cinq morceaux de chant publiés par Mme Gavarni se font remarquer aussi par leur grâce mélodique et des accompagnemens soignés ; la partie vocale y est bien traitée, et les modulations sont presque toujours simples et naturelles. Si je fais à ce sujet une petite restriction, c’est que dans le morceau à deux voix intitulé sérénade, et écrit en la majeur, je vois un andantino débuter dans la tonalité de sol, sans que rien puisse trop justifier cette anomalie.

    L’andante « Où t’en vas-tu si parfumée ? » est délicieux et d’un sentiment exquis.

    Enfin M. Charles Dupart vient de publier un ouvrage d’enseignement que nous croyons d’une utilité réelle pour les musiciens qui se destinent à entrer dans les orchestres militaires. Ces jeunes gens d’ordinaire reçoivent à peine dix minutes de leçons chacun trois ou quatre fois par semaine. Le nombre des élèves est trop grand et celui des professeurs trop petit. Pour parer à cet inconvénient, M. Dupart a eu l’heureuse idée d’écrire des exercices combinés de telle sorte qu’ils puissent s’appliquer à la fois à tous les instrumens à vent. Ces exercices sont tantôt à une seule partie, tantôt à deux parties écrites à l’octave ou à la double octave l’une de l’autre, et même en harmonie très simple. Ils sont ainsi également exécutables par les flûtes, les clarinettes, les saxophones, les sax-horns, les cornets, les cors, les trombones, etc.; et les élèves, au lieu de se partager le temps du professeur, peuvent ainsi étudier tous ensemble sous sa direction pendant toute la durée de la leçon ; ils s’accoutument d’ailleurs à jouer ensemble, et cet avantage est considérable. M. Dupart, en composant sa Méthode polyphonique, a donc rendu un véritable service à l’étude des instrumens à vent, et son ouvrage ne peut que hâter en France le développement et les progrès des orchestres militaires.

H. BERLIOZ.

Site Hector Berlioz créé le 18 juillet 1997 par Michel Austin et Monir Tayeb; page Hector Berlioz: Feuilletons créée le 1er mars 2009; cette page ajoutée le 1er octobre 2009.

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